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Mescladis e còps de gula
Mescladis e còps de gula
  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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5 mai 2019

Après l’incendie

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Que reste-t-il de la « lenga que tant me platz » ?

           J’ai lu, comme vous peut-être, un article de Michel Feltin-Palas paru dans l’Express intitulé Les langues de France, ces cathédrales oubliées. Il y compare le grand élan national pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris ravagée par l’incendie, galvanisé par tous les médias et représentants politiques unanimes  (nulle voix discordante, même Mélanchon, n’a pu contenir son émotion, lui qui dénonce la soi-disant mariolâtrie du drapeau européen!) au désintérêt total voire à l’hostilité ouverte manifestée par ces grands défenseurs du patrimoine à l’égard des langues régionales désormais moribondes. « Pourquoi, écrit-il, [...] laissons-nous un autre feu ravager dans une indifférence générale les langues du beau pays de France ? Un incendie qui flambe depuis des siècles et aura bientôt terminé son oeuvre. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais l’ensemble des experts ! Si rien ne change, toutes les langues minoritaires de métropole auront disparu d’ici à la fin du siècle - toutes. »  Feltin-Palas connaît par avance l’inévitable objection : comment oser comparer un « chef-d’oeuvre de l’art occidental » à de « vulgaires patois » ? Certes les arguments ne manquent pas pour contrecarrer ce qu’il nomme lui-même une « propagande » multiséculaire : « Le breton est une langue celtique qui rappelle celle des Gaulois. Le méconnu francique mosellan est la langue la plus proche de celle de Clovis. Les langues d’oc[1] ont produit depuis le Moyen-âge une oeuvre littéraire exceptionnelle. Le basque est une langue non indo-européenne, ce qui le distingue de tous les autres parlers du continent ou presque », etc.

            Mais voilà, ces arguments, que nous avons tenté de porter, encore et encore, appuyés sur d’irréfutables bases linguistiques et historiques, ne sont pas audibles en France, comme du reste toutes les bonnes raisons visant à montrer l’importance de tout ce que l’on regroupe désormais sous le vocable de « patrimoine immatériel ». Il ne le sont pas, au sens où ils paraissent contredire la religion d’État et la morale citoyenne qu’elle promeut ; il n’est pas, il n’est plus politiquement correct de revendiquer une quelconque particularité, un quelconque particularisme culturel en ce pays. Car cela s’appelle communautarisme et cela est honteux et inacceptable. La légitimité, certes très limitée et hyper contrôlée des expressions culturelles régionales que permettait l’articulation sous la troisième République des petites patries à la grande, n’existe même plus, comme a disparu l’idée de concessions inévitables aux cultures régionales que semblaient impliquer les dispositifs de (pseudo)décentralisation. C’est cela aussi que signifie l’incroyable unanimisme autour de Notre-Dame : il célèbre, symboliquement, le lieu du pouvoir souverain, il célèbre Paris capitale ; car jamais les journalistes et politiciens réunis n’auraient contribué à un tel tsunami émotionnel ailleurs sur le territoire français pour aucun autre bâtiment. Je suis assez vieux pour me souvenir vaguement de l’incendie de la cathédrale de Nantes en 1972 ; il fut traité comme une fait divers purement local et c’est à peine si l’information fut reprise dans la presse nationale. En fait, ce que célèbre l’ostentatoire et magnifique émoi pour l’incendie Notre-Dame est justement, en contrepoint, ou plutôt en négatif, le nécessaire sacrifice de tout particularisme culturel local (provincial, régional, cela veut dire exactement la même chose), au culte des symboles nationaux, qui par définition ne sauraient être que de Paris (Notre-Dame, Tour Eiffel, Arc de triomphe...) ou de ses environs immédiats (Versailles en fait, et c’est tout). Il s’agit de créer la fiction d’une unité et unanimité politique de la nation, dans le sacrifice consenti de toute forme de différenciation culturelle.

          Bien sûr cela est un déni total de réalité, car la diversité culturelle et linguistique, que les grandes et petites vagues migratrices ont porté en France depuis tant de temps, est indéniable et elle se vit au quotidien, en privé et en public, malgré une cécité et surdité à toute épreuve des institutions publiques. Ces langues, ces cultures vivent dans un pays qui refuse obstinément de les reconnaître (presque aucun enseignement des langues de l’immigration à l’école, etc.), parce qu’elles entretiennent des liens étroits avec leurs territoires d’origine et aussi, il faut le souligner, entre elles. Certes ces  particularités culturelles et linguistiques sont-elles invariablement utilisées pour stigmatiser les nouveaux ou anciens migrants. La plupart d’entre eux en payent socialement le prix fort. Au moins leurs attaches transfrontalières leurs permettent-elles de se construire des identités à la rencontre des cultures d’origine et de la culture d’accueil, à la rencontre également des autres cultures issues des migrations. Les productions culturelles, savantes ou populaires, nées de ces contacts sont multiples et souvent remarquables. Il existe un multiculturalisme largement accepté et pratiqué par une partie conséquente des classes populaires qui dément par les faits l’idéologie républicaine unitariste. C’est d’ailleurs l’une des leçons du mouvement des Gilets jaunes, dans lequel des appels à l’union revendicatrices des communautés ont été lancés (voir ici Comment et de quoi parlent donc les Voyageurs Gilets jaunes ?).

           Mais il en va tout autrement pour tous ceux qui tentent de faire vivre des éléments de cultures locales et régionales, de soutenir et pratiquer les langues minorées souvent qualifiées d’ « historiques » (non sans abus, car les autres langues ne sont pas moins historiques, évidemment !). Nous n’avons pas, nous n’avons plus d’hinterland où puiser, où nous ressourcer, hors de notre seule mémoire, mémoire privée, mémoire clandestine, puisqu’il ne nous a jamais été permis d’écrire notre propre histoire et de lui conférer la moindre légitimité institutionnelle. Nous sommes ainsi coupés de notre propre histoire, qui n’est pas sensée exister (« Perque m’an pas dich a l’escòla ? » : la chanson composé par Marti en 1969 est plus que jamais d’actualité) et de nos propres territoires humains, du fait de la raréfaction des locuteurs et du déficit de reconnaissance publique, à quelques exceptions près. Et – pourquoi le nier ? – nous sommes démunis face au double rouleau compresseur d’une part de la culture nationale fabriquée par Paris ou imitée de Paris (scènes nationales, Dracs, Fracs, télés, radios nationales et locales...) et, d’autre part, d’une culture mondialisée et déterritorialisée, de partout et de nulle part, qui nous est en fait moulinée par les mêmes médias qui nous abreuvent de propagande tricolore. Il est en effet effrayant de voir et d’entendre comment, jusque sur la plus modeste des radios locales (certes à quelques exceptions associatives près), se trouvent conjugués cocoricos ronflants, soumission la plus veule aux modèles culturels mondialisés et négation ou du moins dénigrement des éléments de culture locale.

          La force des cultures urbaines irriguées par les flux migratoires, en France comme ailleurs, est de parvenir à s’approprier, à déconstruire et à détourner ces modèles imposés par le marché médiatique, en puisant à la fois dans le patrimoine importé « du pays » et dans des formes internationales alternatives. De telles expressions culturelles, musicales surtout, ont en fait aussi longtemps existé, à la campagne comme en ville, qui fusionnaient des éléments de culture transcontinentales (jazz, rock, reggae, rap) et des formes linguistiques et musicales minorées, ancrées dans l’histoire et la mémoire locales. Elles existent encore, et elles sont parfois très brillantes, bien vivantes, y compris dans les cultures d’oc (voir par exemple ici, mes notes sur le Le festival occitan de Saint-Juéry). Mais jusqu’à quand resteront-elles possibles, je veux dire désirables pour un public, jusqu’à quand seront-elles audibles, ne fût-ce que dans leur cantou[2], leur « niche », comme disent les communicants cynophiles  ? Jusqu’à quand auront-elles d’ailleurs un public ? La question se pose, comme elle se pose non seulement à tout créateur en langue minorée, mais pour chacun des locuteurs : jusqu’à quand trouverai-je des interlocuteurs, et ne serai pas contraint de me taire, ou de ne me parler qu’à moi-même ? Nous en sommes-là. L’autre jour une vieille romni manouche répondait en romenès (sans contredit possible l’une des langues de France les plus méconnues et délaissées) à une autre qui se plaignait de n’avoir plus personne à qui parler sa langue parmi ses enfants et petits enfants : « moi je parle au mur s’il le faut, mais je parle ! » : « rako mit o mavro te togel les, mé rako ».

            Cela m’a beaucoup touché, je me suis senti si près d’elle, et j’étais proprement admiratif devant une telle fermeté dans l’affirmation de la beauté, de la dignité de sa propre langue, en l’absence pour le coup totale, absolument totale de reconnaissance de l’existence  même de quelque chose comme d’une langue de la part des générations de gadjé bien intentionnés, travailleurs sociaux, prêtres[3], médecins, policiers et autres, qu’elle a vu défiler sa vie durant, et qui se sont acharnés, en pure perte, à tenter de la détsiganiser. C’est aussi qu’elle peut encore compter, malgré sa difficulté à trouver des interlocuteurs, sur un système de valeurs relativement autonome dans sa propre communauté, où la langue demeure, malgré tout, une puissant élément identitaire reconnu comme tel par tous, même si chaque jour un peu plus, la pratique de la langue est érodée et corrodée par la scolarisation (car il faut le dire, son rôle parfaitement assumé est de favoriser la substitution du français au romani), par les médias de masse franco-globish, beaucoup plus efficaces sans doute que toutes les écoles du monde, et par les prêches des curés et des pentecôtistes (tous, sauf exception, en français).

          Quant à nous, nous sommes dans une situation en fait plus difficile encore, même si nous avons des dictionnaires, des livres, un semblant d’enseignement même en certains départements ou villes (mais apparemment pas pour très longtemps), nous pouvons encore nous appuyer sur tout un réseau associatif encore debout. Mais cela est très difficile, parce que notre propre société, à la différence de la leur (je parle ici toujours des Manouches auxquels il est très utile de se comparer), s’est laissée convaincre depuis longtemps que ce qui fait de nous des citoyens français est la maîtrise de la langue de Racine et de Macron, et non certes la capacité de parler l’un de ces « patois » ridicules et maudits dont les vieux ont fini par comprendre, au tournant des années 50 du siècle dernier, qu’il ne nous serait plus dans la vie qu’un inutile fardeau. Nous en sommes donc réduits à mendier autour de nous l’improbable parole des rares humains qui la possèdent encore, à écouter de vieux enregistrements, des enregistrements de vieux, à lire de vieux livres de vieux auteurs... Et avec cela à tenter de faire du neuf, de parler et d’écrire nous-mêmes, taraudés par le lancinant « à quoi bon ? ».

            S’il y a de tout cela une leçon à tirer, c’est que l’unique issue, en l’absence de mouvement de revendication collectif (celui-ci semble s’être évaporé dans l’air du temps) capable de porter nos droits culturels et linguistiques, est de constituer si on le peut et tant qu’on le peut, des réseaux de communications ouverts où nos langues aient leur place, à l’oral comme à l’écrit. De tels réseaux pourtant ne sauraient suffire à engager auprès des enfants la transmission que la famille n’assure plus, et l’école, par décision ministérielle, de moins en moins (elle ne le fit d’ailleurs jamais que de manière volontairement ultra limitée et ultra marginale). On le voit bien en Limousin : là où la transmission familiale, sauf exception militante, n’est plus qu’un lointain souvenir, là où il n’existe plus aucun enseignement, il n’y a plus du tout, plus aucun enfant capable de parler, ni d’ailleurs de comprendre. L’école n’est pas suffisante, certes, mais sans elle, qu’es chabat e ben chabat. Je devrais donc dire qu’il faut absolument se battre pour maintenir l’enseignement qui existe encore et réclamer des ouvertures de classes, mais je n’y arrive plus. De toute façon, en Limousin au moins, il n’existe justement plus rien (ou disons presque plus rien) et il n’y a donc plus rien à défendre. La naissance de la grande région Aquitaine n’y a rien changé, rien (lire ici : Le Limousin existe-t-il encore ?). Et puis, au-delà, la seule manière dont tous partis politiques réunis, ou presque, en France réagissent aux affaires de Catalogne, ou dont ils considèrent les revendications par les Corses de l’officialité de leur propre langue, me conduisent au plus grand pessimisme. Car ce n’est hélas pas quelques drapeaux occitans et bretons dans les manifs de Gilets jaunes qui vont y changer quelque chose, même si j’ai eu à Toulouse, le 13 avril dernier (acte 22 !), juste avant le gazage général – par mesure de répression préventive –, le plaisir d’y entendre une carmagnole occitane qui m’a – oui – revigoré.

Jean-Pierre Cavaillé

PS) A lire également l'article en ligne de Michel Neumuller (17 avril 2019): "Lei recalius de Notre Dame coma nos questionan"

[1] Hé oui, vous avez bien lu, Feltin-Palas, comme tant d’autres, substitue la formule « les langues d’oc », mot d’occitan, alors qu’il désigne toutes les autres langues au singulier (« le » basque, « le » breton, « le » corse), alors que celles-ci sont bien sûr tout autant travaillées par les phénomènes de dialectalisation et de variation et à ce titre devraient aussi être, selon la même logique, dites au pluriel. Cela donne à réfléchir. Nous savons combien, depuis en fait que s’est répandu son usage pour désigner l’ensemble des parlers d’oc en tant qu’ils forment une même langue, le mot d’occitan, au singulier, irrite et effraie du fait de l’étendue territoriale concernée. Il est sans doute rassurant, pour l’unité englobante de la France, de découper cet ensemble linguistique en unités aussi discrètes et restreintes que possible, en égrenant les dialectes et sous-dialectes comme autant de langues d’oc. Cela aussi est un échec qu’il nous faut bien assumer : nous ne sommes même pas parvenus à imposer dans le lexique le mot d’occitan au côté de ceux de corse, de breton ou de basque. Et ce n’est certes pas la région Occitanie qui va nous y aider, avec la confusion désormais bien installée qu’elle induit entre occitan et languedocien.

[2] Cette concession à la graphie mistralienne, pour ne pas confondre avec le français canton, quoique le jeu de mot ne soit pas hors de propos.

[3] Comme d’autres elle a cependant connu Iochka, André Barthélémy, de l’aumônerie catholique, très bon locuteur et tsiganologue, mais qui n’a jamais oeuvré pour l’enseignement de  la langue. Au contraire il écrivait que la romani čib « est une langue pauvre en vocabulaire, en virtualités » et de ce fait, même « si elle s’enracine dans un héritage lointain », promise à une rapide disparition.

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Commentaires
C
Je profite d'un petit moment de répit pour inciper une incise que je poursuivrai à mon bon plaisir : je ne joue pas les Sherlock Holmes, et je ne suis pas plus curieux que ça de l'identité réelle de Vidoc, je respecte sa volonté d'anonymat, mais il comprendra que, puisqu'il joue ce jeu, ses partenaires puissent avoir eux aussi envie de jouer au jeu qu'il installe, avec des hypothèses . <br /> <br /> <br /> <br /> Pour moi, il y a trois Vidocq: <br /> <br /> - le premier, Vidoc 1, n'est pas Vidoc ni Vidocq ( Vidocq Hugo, pourrait-on dire ), celui auquel je pensais, je le sais de source sûre . Ce Vidoc 1, de toutes façons, excellent écrivain d'oc dans les deux graphies, aurait depuis longtemps répondu à M.Gourgaud dans un petit sonnet d'excellente facture . Dans lequel il aurait montré toute sa science de la tençon et aurait essayé d'illustrer en passant, par quelque mots de jòcs, ce qui pourrait être un contre-pied à la thèse de son adversaire principal sur les auxiliaires cévenols ; <br /> <br /> <br /> <br /> - le Vidoc numéro deux est le bon : cultivé ( il a lu Meschonnic ), mais, <br /> <br /> empêtré dans une posture d'ironiste, il veut juste signaler qu'il existe, au-dessus de nous, simples débatteurs de blogs provinciaux, des subre-élites usitanistes : à la fois pour nous moquer mais aussi, je le postule et peut-être je l'éclaire sur son désir prigond, pour nous rassurer : " ne vous inquiétez pas, la Cause n'est pas orpheline, l'intelligence occitaniste n'est pas morte, il y a au-dessus de vous des recours ! ". <br /> <br /> <br /> <br /> OP dac ( dacod'oc ! ) !, car Vidouquet, <br /> <br /> Mas se siòs coumo z'o cresi avidat de bona cultura<br /> <br /> Per que cercar la peleja de long<br /> <br /> Coma fan, emplis de Nautura<br /> <br /> Los pauc-Valls aital que Manuelon ( pour la rime, je viens de l'entendre à la radio qui parlait des manifs catalanes ) ? <br /> <br /> <br /> <br /> - le troisième est l'imposteur, qui prend le nom du second ( et, de vegadas, celui de the Pen-Club ) pour le caricaturer et jeter le double trouble dans nos têtes chenues d'honnêtes et nobles disputeurs . Résultat : pelucas pesucas alucadas suls bancs e cafètes de l'Universitat, pas jamai trespassadas . <br /> <br /> <br /> <br /> Al lum <br /> <br /> De nostra vièilhum<br /> <br /> Disèm a ta joventum <br /> <br /> Que val milhor s'aluendar de las gorgas<br /> <br /> D'ont sorgan <br /> <br /> Pas qu'espingadas e messorgas ! <br /> <br /> <br /> <br /> On t'en veut pas, mais tu voudrais pas entrer dans une riche aventure ? Vas-y, lance -nous l'escòm, balançe une tençon, et tout l'occitanisme sera suspendu à tes lèvres, et même Tavan et Martel te répondront en vers, et Mauresca, et Papet J et Manu et les autres . Dans toutes les grafies des innombrables langues d'oc . Ah, si on voulait m'écouter ...!
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G
Lu dans Meschonnic:<br /> <br /> <br /> <br /> "Art. 24 Du point de vue d'une théorie d'ensemble, on peut au contraire remarquer deux choses. <br /> <br /> <br /> <br /> L'une est que le plus grand danger pour une langue n'est pas l'hégémonie d'une autre, même et encore davantage si cette hégémonie est seulement économico-politique, le danger majeur (conséquence de la réduction du langage à la langue) est l'absence de création de valeurs (artistiques, éthiques, politiques) par ceux qui la parlent. Absence de création égale trahison." <br /> <br /> <br /> <br /> Tu as bien lu, Vidouquet ? ABSENCE DE CREATION EGALE TRAHISON.<br /> <br /> <br /> <br /> Bon, j'ai mon petit bilan en matière de création (dont les traductions) occitane (en auvergnat, en languedocien, en cévenol et en provençal (Prix Mistral 2018) et donc je ne crois pas passer pour un traître aux yeux des tenants de Meschonnic, dont toi tu fais prétendument partie.<br /> <br /> Alors je te demande tranquillement, et en français pour que tu comprennes bien : il est où, ton bilan dans la création occitane ?<br /> <br /> Qu'un Claude Sicre soit meschonnicien, avec le bilan culturel qui est le sien, ça n'étonnera personne, mais toi ? Tu fais l'arbaland sur le thème "moi j'ai lu et pas vous", ok tu as lu mais as-tu bien compris l'essentiel ?<br /> <br /> Tant que tu n'auras pas été clair là-dessus, moi meschonnicien convaincu je te considèrerai comme TRAITRE à ta culture et à ta langue.<br /> <br /> E qué se sent merdous, que se tourque.
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V
" As-tu remarqué comme ils parlent ? qu'on dirait des charabias ou des Gascons "<br /> <br /> ( Vidocq , Les Vrais mystères de Paris 1844 )<br /> <br /> <br /> <br /> " Et un bon français sera toujours mieux qu'un pauvre charabia (occitaniste ou félibréen, peu importe) "<br /> <br /> ( G , un non linguiste non occitaniste néo-sicriste cévenol 2019 )<br /> <br /> <br /> <br /> En posant : " Personne qui parle charabia , c'est-à-dire Auvergnat " ; G a-t-il voulu dire :<br /> <br /> " Et un bon français sera toujours mieux qu'un pauvre Patois auvergnat (occitaniste ou félibréen ,peu importe ) " ?!<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> La vieille romni manouche à Talvan :<br /> <br /> <br /> <br /> " Faites comme moi au lieu de perdre du temps , parlez aux murs ."
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G
Bonjour à tous,<br /> <br /> <br /> <br /> je profite de la parution de l'article de M. Feltin-Palas sur "la langue du Croissant", et de l'expertise de JC Dourdet sur le sujet, pour poser les questions suivantes à tous les occitanistes du blog :<br /> <br /> <br /> <br /> - cet article est-il un reflet correct de la situation du Croissant ?<br /> <br /> - l'emploi du terme de "langue" pour désigner l'ensemble de ces parlers vous semble-t-il approprié ? Est-ce que Tavan déplore ce terme, qui relance la discussion sur "les langues d'oc" ?<br /> <br /> - selon vous, quelle serait une bonne politique occitaniste pour sauvegarder et valoriser ces parlers (je reste neutre) ?<br /> <br /> - Y aurait-il nécessité, ou seulement intérêt, à déclarer que le Croissant est de langue occitane (avec toutes ses caractéristiques, bien entendu); en particulier, pensez-vous que l'adoption de la graphie occitane pourrait/devrait être un des axes d'intervention occitaniste ?<br /> <br /> - quels seraient/sont les axes principaux, à vos yeux, d'une politique de l'enseignement de ces parlers ? Une normalisation est-elle souhaitable, voire nécessaire, et quelle en serait la philosophie ? (un parler directeur ? une koinè ?)<br /> <br /> - si l'occitanisme est déjà présent dans le Croissant (ce que je suppose), quel en est le bilan ? (ça résume un peu l'ensemble de mes questions)<br /> <br /> <br /> <br /> Vous aurez compris que chaque réponse sera pour moi un élément de réflexion par rapport à ma propre pratique ici en Cévennes. Mais il me semble que l'étude de ce cas concret intéresse l'ensemble du monde d'oc, et les occitanistes que vous êtes tout autant que moi. sinon davantage.
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D
Devoirs envers les Langues et le Langage<br /> <br /> Devers envèrs las Lengas e lo Lengatge<br /> <br /> obligations towards languages and language<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> An intellectual legacy of Henri Meschonnic (1932-2009)<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Forom des Langues du Monde<br /> <br /> Universitat occitana de La Guépia 2019<br /> <br /> http://pencluboccitan.org<br /> <br /> http://www.arnaud-bernard.net/<br /> <br /> <br /> <br /> 1. The first step: linguistic rights<br /> <br /> <br /> <br /> In 2011 PEN Occitan was happy to participate in the final elaboration of a very important text: the PEN declaration on linguistic rights, in Girona (Catalonia). This declaration is a shortened and to some extent improved version of the 1996 Universal Declaration of Linguistic Rights (UDLR, also known as the Barcelona Declaration). <br /> <br /> This Girona Manifesto is an updated version of the Declaration that condenses the primary principles of the UDLR to aid its implementation. It was developed by International PEN's Translation and Linguistic Rights in May 2011 and was then ratified by the International PEN Assembly of Delegates at the 77th Congress in Belgrade, 2011. Just the congress where our PEN Occitan centre came back into the PEN family. <br /> <br /> The content of the manifesto is based on the Universal Declaration’s central principles. In contrast to the comprehensive and complex declaration which plays an important role in the field of linguistics and politics, the manifesto is laid out in a concise and practical way and aims at providing a simple and clear basis for protection and promotion of all of the world's languages, including the ones at high risk of extinction. It is thus intended to be ‘translated and disseminated as a tool to defend linguistic diversity around the world'. As John Ralston Saul, who was at that time the President of International PEN mentioned, "[It] could give us a clear public document with which to defend and advance languages with smaller populations as well as endangered languages".<br /> <br /> <br /> <br /> Text of the Girona Manifesto on Linguistic Rights: <br /> <br /> 1. Linguistic diversity is a world heritage that must be valued and protected. <br /> <br /> 2. Respect for all languages and cultures is fundamental to the process of constructing and maintaining dialogue and peace in the world. <br /> <br /> 3. All individuals learn to speak in the heart of a community that gives them life, language, culture and identity. <br /> <br /> 4. Different languages and different ways of speaking are not only means of communication; they are also the milieu in which humans grow and cultures are built. <br /> <br /> 5. Every linguistic community has the right for its language to be used as an official language in its territory. <br /> <br /> 6. School instruction must contribute to the prestige of the language spoken by the linguistic community of the territory. <br /> <br /> 7. It is desirable for citizens to have a general knowledge of various languages, because it favours empathy and intellectual openness, and contributes to a deeper knowledge of one’s own tongue. <br /> <br /> 8. The translation of texts, especially the great works of various cultures, represents a very important element in the necessary process of greater understanding and respect among human beings. <br /> <br /> 9. The media is a privileged loudspeaker for making linguistic diversity work and for competently and rigorously increasing its prestige. <br /> <br /> 10. The right to use and protect one’s own language must be recognized by the United Nations as one of the fundamental human rights<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> 1. La diversitat linguistica es un eretatge cultural de l'umanitat que deu èsser valorizat e protegit. <br /> <br /> 2. Lo respècte de totas las lengas e de totas las culturas es un element fondamental per bastir e manténer lo dialòg e la patz dins lo mond. <br /> <br /> 3. Tota persona apren a parlar au dintre d'una comunitat que li dòna la vida, la lenga, la cultura e l'identitat. <br /> <br /> 4. Las lengas diferentas e los biaisses diferents de parlar son pas solament de mejans de comunicacion; son tanben de mitans diferents, que los umans ont los umans s'espelisson.<br /> <br /> 5. Cada comunitat linguistica a lo drech d'emplegar sa lenga coma una lenga oficiala sus son territòri. <br /> <br /> 6. L'ensenhament escolar deu contribuir a enauçar lo prestigi de la lenga parlada per la comunitat linguistica del territòri. <br /> <br /> 7. Es necite que los ciutadans aguèsson una conoissença generala de lengas diferentas, qu'aquò afavorís una dobertura intellectuala e emocionala e mai contribuís a la conoissença mai prigonda de lor lenga pròpia. <br /> <br /> 8. La revirada de tèxtes, mai que mai de las òbras màgers de las diferentas culturas, representa un element màger dins lo procés necessari a una compreneson melhora e un respècte mai grand entre umans. <br /> <br /> 9. Los mèdia son un portavotz privilegiat per far fonccionar la diversitat linguistica e mai per n'enauçar lo prestigi amb competéncia e rigor. <br /> <br /> 10. Lo drech d'emplegar e d'aparar sa lenga pròpia deu èsser reconegut per las Nacions Unidas coma un dels dreches umans fondamentals. <br /> <br /> Girona lo 13 de Mai de 2011<br /> <br />  <br /> <br /> 2. A step forward : obligations towards languages and language<br /> <br /> <br /> <br /> Henri Meschonnic (1932-2009) was an amazing man, who came in the last years of his life to discover Occitan culture and its surprising fate, that most French distinguished scholars (or cultivated people) totally ignore. The strange adventure of a language with an important literature, that was never the language of a state, that authorities did their best since centuries to erase it from this world, but that still does not want to die… <br /> <br /> <br /> <br /> Henri Meschonnic was a professor in the most famous French University, Paris Sorbonne. He is known as a specialist of language influenced by the works of Ferdinand de Saussure's Wilhelm von Humboldt and Emile Benveniste, and a translator of the Hebraic Bible. All his works on translation, Poetics and Politics of Rhythm, lead to the construction of a very original Historical Anthropology of Language, at the crossroads of vrious disciplines, from literature to the theory of language. For Meschonnic, translation is a critical act, since the text to be translated must be approached as a speech, as an enunciation, and not as an object, a writing. According to him, the text is an act, indissociable from its author. He repeatedly explained that translation is connecting to a living word and not to a language frozen in signs. <br /> <br /> <br /> <br /> All this, and the discovery of Occitan culture and one of its leading thinkers, Félix Castan, led him to propose the concept of obligations towards languages and language. <br /> <br /> <br /> <br /> Considering that one of the limitations of the Barcelona declaration (he did not know its new shortened version released in Girona in 2011 – after his death) was to consider languages by their own, as separate entities, he worked to another text, which is given here in several versions, and which urges for a new philosophy of the defence of languages taking into account not only their existence as a separate object of study but all what they mean and all what they perform. <br /> <br /> <br /> <br /> This was the beginning of the adventure of the “Forom des langues du monde”» (forum of world languages) in Toulouse, an event set at the beginning of the spring every year since 1993 under the chairmanship of Occitan cultural leader Claude Sicre. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Claude Sicre<br /> <br /> <br /> <br /> Henri Meschonnic was one of the key personalities involved in this « forom », and another one was the abovementioned Occitan writer, criticist and activist Félix Castan. <br /> <br /> <br /> <br /> Some important ideas developped by Castan were central in the organization of the « Forom ». First of all, it appeared clear since 1993 that « occitanists » could not efficiently defend their own language if they did not fight at the same time for all other languages in the world. According to Castan Occitans were charactrized by an « anti-narcissism ») ie, they barely fought for the creation of a kingdom or an unified state. On the other way about they admitted the concept of a « contractual » nation, set on the basis of an agreement and not on ethnic grounds. In addition, since the middle age, the occitan area has never been unified and exists as a pluralist culture, on the basis of diversity. <br /> <br /> After years of conferences and debates chaired by Félix Castan and Henri Meschonnic in 1996, 1997, 1998, 1999 and 2000, Meschonnic wrote this seminal text which was relaesed in 2006. During the Occitan Summer University of La Guépia (2019) it was decided to disseminate this text and to encourage its translation into the greatest number of languages as possible. It is our honor as Occitan PEN to share it with people from various languages and cultures in the context of International PEN, as a complement to the Girona Manifesto. <br /> <br /> After we have affirmed rights of languages, it is time to proclaim our obligations towards them. <br /> <br /> <br /> <br /> Henri Meschonnic (1932-2009) Félix Castan (1920-2008)<br /> <br /> <br /> <br /> French text by Meschonnic. <br /> <br /> <br /> <br /> Proposition pour une Déclaration sur les Devoirs envers les Langues et le Langage <br /> <br /> Art. 1 Il y a d'abord une spécificité à reconnaître aux choses du langage. Cette spécificité fait qu'on ne saurait simplement reporter sur ces questions le calque des déclarations connues sur les droits des êtres humains et des collectivités.<br /> <br /> Se prononcer sur des droits suppose aussi de se prononcer sur des devoirs. L'un et l'autre présuppose une pensée de ce que sont et de ce que font les langues. Mais cette pensée semble plus active, envisagée en termes de devoirs.<br /> <br /> La spécificité des choses du langage suppose elle-même une pensée spécifique. Pour tenir tous les<br /> <br /> éléments que cette pensée suppose il est nécessaire de postuler que cette pensée doit être une critique perpétuelle de sa propre histoire, sous peine de ne pas penser son objet, mais de s'identifier à telle ou telle idée reçue concernant les langues et la langue.<br /> <br /> La première chose à reconnaître est que penser les langues suppose de penser ce qu'est une langue, ce qu'est la langue, et en quoi consiste historiquement et dans son état présent la pensée de la langue.<br /> <br /> Penser la langue soit se borne à ne concevoir que la langue, que de la langue, et la conséquence en est l'isolement de la langue hors des pratiques sociales du langage dans toute leur diversité, ce qui est certainement la plus mauvaise situation qu'on puisse concevoir pour savoir ce qu'est et ce que fait une langue, et pour la défendre.<br /> <br /> Art. 2 Il s'impose donc de se représenter que pour défendre une langue, et savoir préalablement les limites de ce que signifie la notion de langue elle-même, il faut une théorie d'ensemble du langage.<br /> <br /> En quoi il y a à réfléchir autrement que selon le pur modèle institutionnel que propose la «Déclaration universelle des droits linguistiques» de Barcelone, de juin 1996, qui ne porte que sur les langues, et montre par là les limites de sa pensée du langage.<br /> <br /> Une telle théorie d'ensemble implique une réflexion sur les rôles, les activités et les forces du langage dans toutes les pratiques sociales – une théorie des rapports entre la langue et le discours, entre la notion de discours et une théorie des sujets, entre une théorie des sujets et l'art, l'éthique, le politique, car c'est tout cela qu'implique la notion de sujet.<br /> <br /> La langue n'est donc pas l'affaire des linguistes seuls, ni des politiques seuls. L'histoire de la politique des langues n'est pas seulement une histoire politique. Elle inclut des éléments qui tiennent aussi à l'art, à l'éthique, à l'histoire sociale. Penser la politique des langues suppose donc cette théorie d'ensemble, cette tenue inséparable du langage, de l'art, de l'éthique et du politique pour penser les rapports entre langage et société. Sinon on reste ou on retombe dans une pensée de la langue seule, et de la politique seule, ce qui immédiatement mène à méconnaître le rôle de l'art dans la société, le rôle de l'éthique dans la politique, donc à méconnaître la liberté des sujets.<br /> <br /> Art. 3 Tenir ensemble une pensée du langage et des sujets doit pour cela travailler à une critique de<br /> <br /> l'opposition entre identité et altérité, pour penser au contraire l'interaction historique constante entre identité et altérité. Penser la pluralité des langues et l'interaction entre les langues suppose donc de penser l'identité par l'altérité. <br /> <br /> Art. 4 Pour penser l'identité par l'altérité, il est indispensable de penser l'action des arts du langage<br /> <br /> particulièrement, et de l'art plus généralement, sur les transformations des modes de pensée, de sensibilité et de compréhension, donc sur la pensée du langage et des langues.<br /> <br /> Art. 5 Où il importe de reconnaître un rôle privilégié aux pratiques et à la pensée du traduire, ce qui impose à son tour de repenser le traduire en fonction d'une reconnaissance des arts de la pensée, et non plus seulement comme un passage de langue à langue, mais de discours à discours, et éventuellement de système de discours à système de discours. Sinon, c'est la méconnaissance habituelle, masquée par la bonne conscience des truismes accomplis, et qui ne voit pas que les traductions sont des effaçantes. Effaçantes des cultures, effaçantes des spécificités, effaçantes des différences. Ce qui suppose à son tour qu'une théorie du traduire ne peut pas plus être isolée et prétendument autonome que la théorie du langage n'est réductible à la seule notion de langue. Cette prétendue autonomie n'étant rien d'autre que sa situation traditionnelle dans l'herméneutique, le sens, le signe. D'où l'effaçante.<br /> <br /> Art. 6 En quoi il y a lieu de reconnaître aussi qu'un ennemi des langues, et peut-être le premier ennemi des langues, n'est pas l'hégémonie culturelle-économique-politique de telle ou telle langue, mais d'abord la pensée qui réduit le langage à la langue, et qui sépare la langue de l'art, de la culture, de la société, de l'éthique et du politique pour ne l'envisager que dans son isolement – indépendamment de l'étude technique de ses fonctionnements qui, en tant que telle, a sa légitimité dans son objet même, à condition d'en reconnaître les limites.<br /> <br /> Art. 7 La reconnaissance de l'identité par l'altérité suppose celle de l'identité comme pluralité interne et comme histoire, non comme nature. <br /> <br /> Art. 8 A partir de là, il y a à proposer un enseignement qui n'existe pas (et à le prévoir à tous les niveaux, comme un nouvelle forme d'éducation civique), de la théorie du langage comme reconnaissance des rapports entre identité et altérité, entre unicité et pluralité interne, c'est-à-dire comme une poétique, une éthique et une politique des rapports interindividuels, interculturels et internationaux. Où poétique, éthique et politique doivent être inséparables, sous peine de retomber dans le modèle traditionnel. Avec son insuffisance, que beaucoup ne voient pas, et dont il faut faire prendre conscience.<br /> <br /> Art. 9 Cet enseignement de la théorie du langage comme théorie d'ensemble doit donc travailler à<br /> <br /> reconnaître, sous le modèle traditionnel et dominant du signe (avec toute sa cohérence linguistique,<br /> <br /> anthropologique, philosophique, théologique, sociale et politique) le travail du continu comme travail du corps dans le langage, du sujet sur la langue, des inventions de la pensée sur les langues, et comme interaction, inséparabilité et historicité radicale du langage, de l'art, de l'éthique et du politique. Cette expérience de pensée permettrait de mieux situer les problèmes liés à l'altérité et à la pluralité, communément conçues comme uniquement externes, et de les montrer autant internes qu'externes.<br /> <br /> Art. 10 Contre la cohérence régnante du signe et de la seule pensée de la langue, il y aurait à penser,<br /> <br /> reconnaître, enseigner et cultiver une contre-culture, une contre-cohérence, celle de cette solidarité et interaction entre les catégories de la Raison que toute une histoire de la pensée continue de tenir pour hétérogènes et séparées, ce dont témoignent à la fois l'histoire même de la constitution de ce que nous appelons les sciences humaines, et nos disciplines universitaires, qui en sont issues. Une véritable critique de la Raison linguistique. On pourrait, et on devrait, alors, mieux comprendre et favoriser les bilinguismes et les plurilinguismes, selon chaque situation culturelle, en les situant dans une pensée de la pluralité interne, de l'éthique et de la politique des sujets. Ce que la seule juxtaposition des langues ne permet pas de penser. <br /> <br /> Art. 11 Car si la reconnaissance de la pluralité des langues ne se fait que dans la politique du signe, au lieu de se faire dans la théorie d'ensemble du langage, elle ne peut que demeurer dans l'opposition entre identité et altérité, dans l'écrasement des minorités par la seule force de l'économico-politique. Écrasement qui favorise les terrorismes particularistes. Il vaudrait donc mieux parler de langues-cultures que de langues, pour mieux concevoir et préserver les valeurs qui se sont inventées en elles et dont elles sont porteuses – valeurs anthropologiques, artistiques, éthiques et politiques.<br /> <br /> Art. 12 La question des valeurs implique de démêler ce que brouille la notion d'inégalité des langues. Et qu'il importe d'affronter, plutôt que de postuler dans l'abstrait seulement (le «démocrate abstrait» de Sartre) l'égalité des langues entre elles.<br /> <br /> Art. 13 Il est incontestable que toutes les langues, y compris celles qui sont parlées par une population peu nombreuse et très localisée, comme tout ce qui a trait à ce qui fait une langue, sont égales entre elles au sens où toute langue remplit intégralement les fonctions linguistiques d'une langue, pour penser, sentir, communiquer, vivre dans une société donnée.<br /> <br /> Art. 14 Mais deux facteurs viennent brouiller cette notion primordiale de l'égalité anthropologique des langues. Et ces deux facteurs sont d'ordres radicalement distincts, qu'il importe de ne pas confondre, et qui ne s'additionnent pas.<br /> <br /> Art. 15 L'un est la puissance économico-politique d'un ensemble national, ou théologico-politique, et qui s'impose comme une trans-langue de communication pan-nationale ou internationale. Ainsi, comme puissance théologico-politique, l'arabe en Égypte a au cours des siècles étouffé ou interdit la langue copte comme langue véhiculaire, en la réduisant à un usage purement liturgique. L'économico-politique est aujourd'hui représenté par la mondialisation de l'anglais de communication. <br /> <br /> Art. 16 Mais un autre facteur de suprématie culturelle et d'expansionnisme, ou de durée au-delà même de la durée des empires, est l'invention dans telle ou telle langue de valeurs artistiques, éthiques et politiques. Auquel cas ce sont ces valeurs qui font l'expansion et le prestige de ces langues, au-delà de toute notion de communication linguistique, locale, régionale ou planétaire.<br /> <br /> Art. 17 Ce sont alors ces valeurs qui font ce que sont ces langues, ce sont les oeuvres qui sont maternelles et non plus les langues. Ce fait en lui-même est tout aussi incontestable historiquement, mais il n'a rien de commun ni avec ce qu'est et ce que fait linguistiquement une langue et toute langue, ni avec la puissance des empires économico-politiques. Il importe de cesser d'attribuer aux langues ce qui est le fait des oeuvres, même et justement si leurs valeurs constituent un apport spécifique à telle ou telle langue, au point d'y être identifiées.<br /> <br /> Art. 18 De telles valeurs peuvent s'universaliser. Les valeurs politiques de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, ou de la lutte pour la vérité contre le maintien de l'ordre lors de l'Affaire Dreyfus ont bien à la fois symbolisé et universalisé la langue française, mais en même temps elles ne sont pas le fait de la langue française, et peuvent se dire et refaire en toute langue et en tout lieu.<br /> <br /> Art. 19 Il en est de même, autrement, des valeurs esthétiques et éthiques des oeuvres littéraires et des œuvres de pensée. Qui ont pour effet que certaines langues sont plus célèbres que d'autres, à la fois porteuses et portées par ces valeurs. <br /> <br /> Art. 20 Ces effets de suprématie ne deviennent l'occasion d'une idée de la supériorité de certaines langues que dans et par la confusion entre la langue et les inventions de pensée ou les combats de la pensée qui ont fait telle ou telle culture. Ces valeurs ne dépendent pas des langues comme langues. Mais l'histoire culturelle qui les y associe inévitablement ne permet pas à elle seule de reconnaître que ce sont les œuvres et les luttes, parfois d'un très petit nombre d'individus contre leur propre collectivité, qui font qu'on attribue à la langue ce qui s'est fait en elle et parfois aussi, poétiquement, contre elle. Dans le rejet des contemporains.<br /> <br /> Art. 21 Ces distinctions sont capitales pour ne pas attribuer à une langue des vertus de nature, ce qui situe le mythe du génie des langues. Mais tout autant pour ne pas réduire le langage à de la langue, et encore moins à de la communication. Tendance récente contre laquelle il importe de lutter. A cause de l'appauvrissement de pensée, de moyens, que ce réductionnisme apporte, et que renforcent les progrès techniques de la communication. En masquant que ces progrès mêmes sont un facteur de régression et de barbarie. La pensée du langage comme théorie d'ensemble est ce qui peut seul permettre de contrer les effets pervers de la pensée des langues comme nature – comme génie, par le rappel constant des liens entre spécificité et historicité. Historicité radicale.<br /> <br /> Art. 22 Ainsi la phobie de l'anglais en français peut mieux apparaitre comme une méconnaissance du caractère historique des emprunts, et de leurs limites, lexicales et syntaxiques. La méconnaissance de ce caractère fait le rejet des emprunts et des contacts au nom d'un purisme qui implique à la fois une méconnaissance de l'histoire même des langues, un passéisme, donc un académisme, une notion du déclin (variable : pour Gobineau, le déclin du français commençait au XIVe siècle ; pour d'autres, au XIXe siècle ; pour d'autres, le français d'aujourd'hui est un «chef d'oeuvre en péril» dont ils ne cessent d'annoncer la mort).<br /> <br /> Art. 23 Autre chose que cette phobie puriste est la lâcheté éthique et politique qui fait que des spécialistes renoncent à s'exprimer dans leur propre langue, et contribuent par là à la massification<br /> <br /> communicationnaliste. L'attribution à la langue seule des vertus liées à une histoire à la fois se trompe de génie et montre du même coup combien ont peu de génie, et de sens du langage, les pseudo-défenseurs du français.<br /> <br /> Art. 24 Du point de vue d'une théorie d'ensemble, on peut au contraire remarquer deux choses.<br /> <br /> L'une est que le plus grand danger pour une langue n'est pas l'hégémonie d'une autre, même et encore davantage si cette hégémonie est seulement économico-politique, le danger majeur (conséquence de la réduction du langage à la langue) est l'absence de création de valeurs (artistiques, éthiques, politiques) par ceux qui la parlent. Absence de création égale trahison.<br /> <br /> Le grec classique et l'hébreu biblique sont l'exemple même que des langues dont l'une, l'hébreu, n'a jamais eu d'importance politique, et l'autre dont l'importance n'a pas survécu à l'empire d'Alexandre, n'ont eu et n'ont encore leur importance transhistorique que par les oeuvres de pensée qui ont été produites dans ces langues. Et ce sont les oeuvres, les inventions de pensée, qui ont fait ce que ces langues sont devenues, ce dont elles sont devenues porteuses. Car ce n'est pas les langues, en tant que langues, qui ont produit les oeuvres. Et même quand l'état de langue est ancien, ou que la langue passe pour morte, comme le latin, la parole, elle, est vivante. Ainsi le latin qu'on dit mort au XVIIe siècle, et langue seulement des érudits entre eux (et les thèses au XIXe siècle s'écrivaient encore en latin, celle de Jaurès, par exemple), on ne peut pas dire que c'est une langue morte (banalité apparente que reprend pourtant un ouvrage récent, Le latin ou l'empire d'un signe, XVI-XXe siècle, de Françoise Waquet, Albin Michel, 1998), si Francis Bacon, Hobbes, Descartes, Spinoza, Leibniz inventent de la pensée, inventent leur pensée, alors, en latin. Mais l'araméen, qui avait à l'époque post-biblique une importance communicationnelle transnationale, n'existe plus que dans quelques villages. Quant aux grands empires d'alors, ils n'ont laissé que des vestiges archéologiques.<br /> <br /> Art. 25 Il faut reconnaître une historicité du sentiment des rapports entre les langues. Ainsi il y a une paix des langues vernaculaires au moyen âge, en Europe, dans la transnationalité du latin. Puis une guerre des langues contre le latin, ensuite entre elles en Europe à partir du XVIe siècle. D'où est sortie l'universalité du français en Europe au XVIIIe siècle. D'où la lutte de la Révolution française contre les « patois » (mêlant indistinctement les dialectes du français et les autres langues – le breton, le basque) jusque dans la IIIe République. Quant à la francophonie actuelle, ou multiplicité des français dans le monde, elle n'est plus compatible avec Rivarol. Cela aussi demande à être pensé.<br /> <br /> Art. 26 Il est certain que le sens de la pluralité interne (et aussi externe) – le sens au sens du sentiment d'une nécessité et d'une co-présence – est récent, et certainement lié à l'histoire des décolonisations, mais aussi il remonte aux rapports entre le romantisme des spécificités et les nationalismes qui en sont la politisation. <br /> <br /> Art. 27 Cependant ce sens de la pluralité peut lui-même être soit régionaliste et nationaliste, refermé sur luimême (et reproduisant à plus petite échelle la fermeture de la pensée de la langue), soit pluraliste, c'est-àdire se réaliser comme la reconnaissance des pluralités internes, et de la pluralité de l'identité. Capable alors d'une théorie d'ensemble.<br /> <br /> Art. 28 Du moment qu'on reconnait que la disparition d'une langue peut être due soit à la destruction d'une population, soit à un écrasement culturel, il est clair que la défense des langues n'est pas un problème de langue, mais nécessairement la reconnaissance de l'interaction entre la théorie du langage, la théorie des actes de la pensée, l'éthique et la politique.<br /> <br /> Art. 29 Faute de quoi, ce qui règne étant l'hétérogénéité des catégories de la raison, l'éthique seule est impuissante, la politique seule est toute puissante, les choses de l'art ne sont pas comprises comme la meilleure défense des langues, et les langues étant réduites à des moyens de communication, seules se répandent et étouffent les autres les langues qui communiquent le pouvoir économico-politique.<br /> <br /> Art. 30 Conclusion paradoxale – mais le travail de la pensée est de transformer les paradoxes en truismes du futur – ce qui ressort de cet enchainement des raisons est que la défense des langues n'est pas dans la pensée de la langue, mais dans le lien qui en fait encore l'utopie de la pensée du langage, le lien entre langage, art, éthique et politique comme théorie d'ensemble. C'est-à-dire un enseignement obligatoire du sens du langage.<br /> <br /> <br /> <br /> Texte proposé au Forom des langues le 28 mai 2006, Place du Capitole à Toulouse, par Henri Meschonnic,<br /> <br /> Professeur émérite de linguistique à l'Université Paris-8, poète, traducteur de la Bible, essayiste.<br /> <br /> Publié dans le N° 64 de la Linha Imaginot : linhaimaginot@gmail.com<br /> <br /> Le Forom des langues est organisé par le Carrefour culturel Arnaud Bernard : www.arnaud-bernard.net<br /> <br /> © CARREFOUR CULTUREL ARNAUD-BERNARD - carrefourculturel@arnaud-bernard.net DECLARATION-2006<br /> <br />  <br /> <br /> Translation into Occitan Lengadocian <br /> <br /> <br /> <br /> Proposicion per una Declaracion dels Devers envèrs las Lengas e lo Lengatge<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 1 I a d’en primièr una especificitat de reconéisser a las causas del lengatge. Aquela especificitat fa qu’òm saupriá pas simplament reportar sus aquelas questions lo calc de las declaracions conogudas dels drechs dels èssers umans e de las collectivitats.<br /> <br /> Se prononciar suls dreches supausa de se prononciar tanben suls devers. L’un e l’autre presupausan una pensada de çò que son e de çò que fan las lengas. Sembla aitanben qu’aquela pensada foguèsse mai fegonda, se se maina de devers.<br /> <br /> L’especificitat de çò que tòca lo lengatge supausa d’esperela una pensada especifica. Amor a téner totes los elements qu’aquesta pensada supausa, es mestièr de postular qu’aquesta pensada deu èsser una critica perpetuala de son istòria pròpia. Si que non risca de non pensar son objècte e mai de s’identificar a tala o tala idèa recebuda tocant las lengas e la lenga.<br /> <br /> La primièia causa de reconóisser es que de pensar las lengas, aquò supausa que se vai perpensar a de qu’es aquò una lenga, de qu’es aquò la lenga, e mai en de qué consistís, istoricament e dins son estat present, la pensada de la lenga.<br /> <br /> Pensar la lenga se limita a concèbre pas que la lenga, pas que de lenga : la consequéncia d’aquò es l’isolament de la lenga en fòra de las practicas socialas del lengatge dins sa diversitat. Aiçò es plan segur la pus marrida situacion que se poguèsse concèbre quora se tracha de saber de qu’es una lenga e de qué fai una lenga, amai quora se tracha d’aparar una lenga. <br /> <br /> <br /> <br /> Art 2 Es donc mestièr de s’avisar que per aparar una lenga, e tot primièr per saupre quanas son los limits de la significacion de la nocion de lenga, cal una teoria d’ensemble del lengatge. Aquò vòl dire que cal pensar autrament que segon lo modèl soncament institucional que prepausa la « Declaracion universala dels dreches lingüistics » de Barcelona, de junh de 1996. Aicesta pòrta pas que sus las lengas, valent a dire qu’es basada sus una concepcion restrencha del lengatge. <br /> <br /> Aital una teoria d’ensemble implica una reflexion suls ròtles, las activitats e mai las fòrças del lengatge dins totas las practicas socialas - una teoria dels rapòrts entre la lenga e lo dire, entre la nocion de dire e una teoria dels subjèctes, entre una teoria dels subjèctes e l’art, l’etica, la politica, estent qu’es tot aquò qu’implica la nocion de subjècte. <br /> <br /> La lenga es donc pas l’afar dels lingüistas solets, nimai dels politics solets. L’istòria de la politica de las lengas es pas soncament una istòria politica. Aquesta istòria incluís d’elements que tenon tanben a l’art, a l’etica, a l’istòria sociala. Pensar la politica de las lengas suspausa donc aquela teoria d’ensemble, aquela tenéncia non dissociabla del lengatge, de l’art emai del politic per tant de pensar los rapòrts entre lengatge e societat. Si que non, demòran o tornan càser dins una pensada de la lenga ela soleta, e de la politica ela soleta, çò que d’ausida buta a mesconéisser lo ròtle de l’art dins la societat, lo ròtle de l’etica dins la politica, e donc a mesconéisser la libertat dels subjèctes.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.3 Es necite, per jónher ensèms una pensada del lengatge e una pensada dels subjèctes, d’obrar a far espelir una critica de l’oposicion entre identitat e alteritat, amor a pensar al rebors de l’interaccion istorica constanta que i a entre identitat e alteritat. Pensar la pluralitat de las lengas e l’interaccion entre las lengas suspausa donc de pensar l’identitat per l’alteritat. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 4 Amor a pensar l’identitat per l’alteritat, es indispensable que se pensèsse mai que mai l’accion de las arts del lengatge, e mai de l’art d’un biais mai general, subre las mudasons dels mòdes de pensada, de sensibilitat e de compreneson, valent a dire sus la pensada del lengatge e de las lengas. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.5 De tal biais, es important de reconéisser un ròtle privilegiat a las practicas e a la pensada del traduire, çò qu’impausa a son torn de tornar pensar lo traduire en fonccion d’una reconeissença de las arts de la pensada, e non pas solament coma un passatge de lenga a lenga, mas si ben de paraulís a paraulís, mei eventualament de sistèma de parolís a sistèma de parolís. Senon, aquò’s la desconeissença costumèira, mascada per la bona consciéncia dels truïsmes acomplits, e que ne vei briga que las traduccions son d’escafairas. Escafairas de las culturas, esfaçantas de las especificitats, esfaçantas de las diferéncias. Ce que supausa a son torn qu’una teoria del traduire pòt pas pus ges èsser isolada e pretendudament autonòma, tant coma la teoria del lengatge non es reductibla a la soleta nocion de lenga. Aquela pretenduda autonomia estent pas res mai que la situacion tradicionala dens l’ermeneutica, lo sens, lo signe. D’aquí, ven l’escafadoira.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.6 Se tracha donc aquí de reconéisser qu’un enemic de las lengas, e sai que benlèu lo primièr enemic de las lengas, non es l’egemonia culturala-economica-politica de tala o tala lenga, mas d’en primièr la pensada que redusís lo lengatge a la lenga, e que dessepara la lenga de l’art, de la cultura, de la societat, de l’etica e mai del politic per l’envisatjar soncament ela soleta - independentament de l’estudi tecnic de sos fonccionaments que, en tant que tala, a sa legitimitat dins son quite objècte, a condicion que se’n reconosquèsse los limits. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.7 La reconoissença de l’identitat per l’alteritat supausa aquela de l’identitat coma pluralitat intèrna e coma istòria, non pas coma natura. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.8 D’aquí estant, se tracha de prepausar un ensenhament que fins ara existís pas (ni que lo calguèsse preveire a totes los nivèls, coma una novèla mena d’educacion civica), de la teoria del lengatge coma reconeissença dels rapòrts entre identitat e alteritat, entre unicitat e pluralitat intèrna, valent a dire coma una poetica, una etica e mai una politica dels rapòrts interindividuals, interculturals e internacionals. Aquí poetica, etica e politica devon èsser inseparables, per forviar que tombèssem mai dins lo modèl tradicional. Amb son insufisença, que fòrça de gents la veson pas e que ne cal far prene consciéncia. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.9 Aquel ensenhament de la teoria del lengatge coma teoria d’ensemble deu donc trabalhar a reconéisser, jol modèl tradicional e dominant del signe (amb tota sa coeréncia lingüistica, antropologica, filosofica, teologica, sociala e mai politica) lo trabalh del continú coma trabalh del còrs dins lo lengatge, del subjècte sus la lenga, de las invencions de la pensada sus las lengas, e coma interaccion, inseparabilitat e istoricitat radicala del lengatge, de l’art, de l’etica e mai del politic. <br /> <br /> Aquela experiéncia de pensada permetriá de melhor situar los problèmas ligats a l’alteritat e mai a la pluralitat, comunament concebudas coma unicament extèrnas, e de las mostrar tant intèrnas coma extèrnas. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.10 Contra la coeréncia regnanta del signe e de la sola pensada de la lenga, i auriá de pensar, reconóisser e mai cultivar una contra-cultura, una contra-coeréncia, la d’aquela solidaritat e interaccion entre las categorias de la Rason que tota una istòria de la pensada contunha de las espiar coma eterogenèas e separadas, que ne testimònian a l’encòp la quita istòria de la constitucion de çò que sonam las sciéncias umanas, e nòstras disciplinas universitàrias, que ne son eissidas. Una vertadièra critica de la Rason lingüistica. <br /> <br /> Se poiriá, amai se deuriá, alavetz, comprene melhor e mai favorizar los bilingüismes e los plurilingüismes, segon cada situacion culturala, en los situant dins una pensada de la pluralitat intèrna, de l’etica e mai de la politica dels subjèctes. Çò que la soleta juxtaposicion de las lengas permet pas de pensar.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 11 D’abòrd que se la reconeissença de la pluralitat de las lengas se fa pas que dins la politica del signe, a lòga de se far dins la teoria d’ensems del lengatge, pòt pas que demorar dins l’oposicion entre identitat e alteritat, dins l’espotiment de las minoritats per la sola fòrça de l’economicòpolitic. Espotiment qu’afavorís los terrorismes particularistas. Valdriá donc mai parlar de lengas-culturas que non pas de lengas, amor a concebre e a preservar melhor las valors que se son inventadas en lor dintre e que ne son portairas - valors antropologicas, artisticas, eticas e politicas.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.12 La question de las valors implica de desmesclar çò qu’enfosquís la nocion d’egalitat de las lengas. E tanben qu’impòrta de s’acarar, puslèu que de la postular solament dins l’abstrach (lo « democrata abstrach » de Sartre) a l’egalitat de las lengas entre elas.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.13 Se pòt pas denegar que totas las lengas, quitament aquelas que son parladas per una populacion pas gaire nombrosa e fòrça localizada, tanplan coma tot çò qu’a trach a çò que fa una lenga, son egalas entre elas al sens ont tota lenga complís la totalitat de las fonccions lingüisticas d’una lenga, per pensar, sentir, comunicar, viure dins una societat donada.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 14 Mas dos factors venon trebolar aquela nocion primieirenca de l’egalitat antropologica de las lengas. E aquestes dos factors son d’òrdres cap e tot distincts, qu’impòrta de pas los confondre, e s’adicionan pas. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 15 Un d’aqueles factors es la poténcia economicòpolitica d’un ensems nacional, o teologicòpolitic, e que s’impausa coma una translenga de comunicacion pannacionala o internacionala. Aital, coma poténcia teologicòpolitica, l’arab en Egipte a de long dels sègles estofada o enebida la lenga còpta coma lenga veïculara, en la redusiguent a un usatge purament liturgic. L’economicòpolitic es vuèi representat per la mondializacion de l’anglés de comunicacion.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 16 Aitanben un autre factor de supremacia culturala e d’expansionisme, o de durada delà la quita durada dels empèris, es l’invencion dins tala o tala lenga de valors artisticas, eticas e politicas. Dins aquel cas son aquestas valors que fan l’expansion e lo prestigi d’aquelas lengas, endelà de tota nocion de comunicacion lingüistica, locala, regionala o planetària.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 17 Son alavetz aquestas valors que fan çò que son aquelas lengas, son las òbras que son mairalas e non pas brica las lengas. Aqueste fach en el meteis es tanplan incontestable istoricament, mas a pas res de comun ni amb çò qu’es e çò que fa lingüisticament una lenga e tota lenga, nimai amb la poténcia dels empèris economicòpolitics. Impòrta de quitar d’atribuir a las lengas çò qu’es lo fach de las òbras, quitament e justament se sas valors constituïsson un apòrt especific a tala o tala lenga, au punt de li èsser identificadas.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 18 Aquela mena de valors se pòdon universalizar. Las valors politicas de la Declaracion dels Dreches de l’Òme de 1789, o de la lucha per la vertat contra lo manten de l’òrdre dins l’Afar Dreyfus an plan a l’encòp simbolizat e universalizat la lenga francesa, mas dins lo meteis temps son pas lo fach de la lenga francesa e se pòdon dire e tornar far en tota lenga e en tot luòc.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 19 Parièr per, d’un autre latz, las valors esteticas e eticas de las òbras literàrias e de las òbras de pensada. Qu’an per efièch que d’unas lengas son mai famosas que d’autras, a l’encòp portairas e portadas per aquelas valors. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.20 Aqueles efièchs de supremacia venon l’escasença d’una idèa de la superioritat d’unas lengas soncament dins e per la confusion entre la lenga e las invencions de pensada o los combats de la pensada qu’an fach tala o tala cultura. Aquelas valors dependon pas de las lengas en tant que lengas. Aitanben l’istòria culturala que las i apària inevitablament permet pas d’esperela de reconéisser que son las òbras e las luchas, tot còp d’un tot pichon grop d’individús contra lor pròpia collectivitat, que fan qu’òm atribuís a la lenga çò qu’es estat fach en son dintre e de còps tanben, poeticament, contra ela. Dins lo regèt dels contemporanèus.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 21 Aquelas distincions son capitalas amor a non atribuïr a una lenga de vertuts de natura, qu’aquí s’encapita lo mit de l’engèni de las lengas. Mas tot parièr per forviar que se redusiguèsse lo lengatge a de lenga, e mai encara mens a de comunicacion. Tendéncia recenta que contra ela es important de luchar. Amor a la carestiá de pensada, de mejans, qu’adutz aquel reduccionisme, e qu’afortisson los progrèsses tecnics de la comunicacion. En escondent qu’aqueles quites progrèsses son un factor de regression e de barbaria.<br /> <br /> De pensar lo lengatge coma teoria d’ensemble es çò solet que poguèsse permetre de far empach als efièches pervèrs d’aquel biais de pensar las lengas coma se foguèsson natura - coma se foguèsson engèni, en rapelant de contunh los ligams entre especificitat e istoricitat. Istoricitat radicala. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 22 Aital la fobia de l’anglés en francés pòt aparéisser melhor coma una desconeissença del caractèr istoric dels manlèus, e de sos limits, lexicals e sintaxics. La desconeissença d’aqueste caractèr fa lo regèt dels manlèus e dels contactes al nom d’un purisme qu’implica a l’encòp una desconeissença de la quita istòria de las lengas, un passeïsme, donc un academisme, una nocion de declin (variabla : per Gobineau, lo declin del francés començava al sègle XIV ; per d’autres, au sègle XIX ; per d’autees, lo francés de uèi es un « cap d’òbra en perilh » que de longa se n’anóncia la mòrt).<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 23 Quicòm mai qu’aquela fobia purista es la caponariá etica e politica que fa que d’especialistas fórvian de s’exprimir dins lor pròpia lenga, e contribuïsson per aiçò a la massificacion comunicacionalista. L’atribucion a la soleta lenga de las vertuts ligadas a una istòria s’engana d’engèni, e mòstra tanben del meteis còp cossí d’engèni n’an pas gaire, ni tanpauc de sens del lengatge, los pseudodefenseires del francés. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 24 Del punt de vista d’una teoria d’ensemble, se pòt a la rebors remarcar doas causas. Una d’elas es que lo mai grand perilh per una lenga aquò’s pas l’egemonia d’una autra, amai e encara mai s’aquela egemonia es solament economicòpolitica, lo perilh màger (consequéncia de la reduccion del lengatge a la lenga) es l’abséncia de creacion de valors (artisticas, eticas, politicas) per los que la parlan. Abséncia de creacion egala traïdura.<br /> <br /> Lo grèc classic e l’ebrèu biblic son lo quite exemple que, demest las lengas, una, l’ebrèu, a pas jamai agut d’importància politica, e l’autra que son importància a pas susviscut a l’empèri d’Alexandre, an agut e an encara lor importància transistorica amor a las òbras de pensada que son estadas produchas dins aquelas lengas. E son las òbras, las invencions de pensada, qu’an fach çò qu’aquelas lengas son devengudas, çò que ne son vengudas portairas. Estent qu’aquò’s pas las lengas, en tant que lengas, qu’an produch las òbras. E quitament quora l’estat de lenga es ancian, o que la lenga passa per mòrta, coma lo latin, la paraula, ela, es viva. <br /> <br /> Aital lo latin que lo dison mòrt al sègle XVII, e lenga solament dels saberuts entre eles (sabèm que las tèsis al sègle XIX s’escrivián encara en latin, aquela de Jaurès, per exemple), se pòt pas dire qu’aquò’s una lenga mòrta (banalitat aparenta que torna prene aitanben un obratge recent, Le latin ou l'empire d'un signe, XVI-XXe siècle, de Françoise Waquet, Albin Michel, 1998), se Francis Bacon, Hobbes, Descartes, Spinoza, Leibniz inventan de pensada, inventan lor pensada, aladonc, en latin. <br /> <br /> Aitanben l’aramean, qu’aviá del temps pòstbiblic una importància comunicacionala transnacionala, existís pas mai que dins quauques vilatges. Tot parièr los grands empèris d’un còp èra an pas res laissat de mai que de vestigis arqueologics.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 25 Cal reconóisser una istoricitat del sentit dels rapòrts entre las lengas. Aital i a una patz de las lengas vernacularas a l’Edat Mejana, en Euròpa, dins la transnacionalitat del latin. Puèi una guèrra de las lengas contra lo latin, e puèi entre elas en Euròpa a partir del sègle XVI. D’aquí es sortida l’universalitat del francés en Euròpa al sègle XVIII. D’aquí la lucha de la Revolucion francesa contra los « patés » (barrejant forra borra los dialèctes del francés e las autras lengas - lo breton, lo basc) fins al temps de la IIIna Republica. Aitanben la francofonia de uèi, qu’es una multiplicitat de las formas de francés dins lo mond, es pas pus compatibla amb Rivarol. Aquò tanben cal que siá pensat. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 26 Es plan segur que lo sentit de la pluralitat intèrna (e mai tanben extèrna) - lo sentit al sens de sentiment d’una necessitat e d’una còpreséncia - es recent, e ligat probable a l’istòria de las descolonizacions, mas remonta tanben als rapòrts entre lo romantisme de las especificitats e los nacionalismes que ne son la politizacion. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 27 Çaquelà, aqueste sens de la pluralitat pòt el-meteis èsser siá regionalista e nacionalista, embarrat sus el-meteis (e reprodusent a mai pichona escala l’embarrament de la pensada de la lenga), siá pluralista, valent a dire que se realiza coma la reconoissença de las pluralitats intèrnas, e de la pluralitat de l’identitat. Capable aladonc d’una teoria d’ensemble.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 28 Del moment que se reconois que l’avaliment d’una lenga pòt èsser degut, siá a la destruccion d’una populacion, siá a un escrachament cultural, aquò’s clar que la defensa de las lengas es pas un problèma de lenga, mas necessàriament la reconeissença de l’interaccion entre la teoria del lengatge, la teoria dels actes de pensada, l’etica e la politica. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.29 Si que non, estent que çò que rèina es l’eterogeneïtat de las categorias de la rason, l’etica soleta s’atròba despoderada, la politica soleta es tota poderosa, las causas de l’art son pas compresas coma melhora defensa de las lengas, e las lengas estent redusidas a de mejans de comunicacion, las lengas que comunican lo poder economicò-politic son las solas que s’espandiguèsson, e estofan las autras. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 30 Conclusion paradoxala - mas lo trabalh de la pensada es de tremudar las paradòxas en truïsmes del futur - çò que ressòrt d’aquel encadenament de las rasons es que la defensa de las lengas es pas ges dins la pensada de la lenga, mas dins lo ligam que ne fa encara l’utopia de la pensada del lengatge, lo ligam entre lengatge, art, etica e politica coma teoria d’ensemble. Es a dire un ensenhament obligatòri del sens del lengatge.<br /> <br /> <br /> <br /> Tèxt propausat au Forom de las lengas lo 28 de mai de 2006, plaça del Capitòli a Tolosa, per Eric Meschonnic, professor emerit de lingüistica a l’universitat París 8, poèta, traductor de la Bíblia, assagista. <br /> <br /> <br /> <br /> Proposicion per una Declaracion saus Devers envèrs las Lengas mei lo Lengatge<br /> <br /> (Occitan gascon)<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 1 I a premèir una especificitat de reconéisher a las causas dau lengatge. Aquela especificitat fèi que l’òm ne sauré simplament reportar sus aquelas questions lo calc de las declaracions coneishudas saus dreits daus èsters umans mei de las collectivitats.<br /> <br /> <br /> <br /> Se prononciar sus dreits supausa tanben de se prononciar sus devers. L’un e l’aute presupausan una pensada de çò que son e de çò que hèsen lei lengas. Mes aquela pensada sembla pus activa, envisatjada en tèrmes de devers.<br /> <br /> <br /> <br /> L’especificitat das causas dau lengatge supausa ela-medissa una pensada especifica. Per tant de tenir tots los elements qu’aquesta pensada supausa ‘quò’s necessari de postular qu’aquesta pensada diu estar una critica perpetuala de sa pròpia istòria, sos pena de ne pas pensar son objèct, mes de s’identificar a tala o tala idèia recebuda tocant las lengas e la lenga.<br /> <br /> <br /> <br /> La premèira causa de reconéisher es que pensar las lengas supausa de pensar çòn qu’es una lenga, çòn qu’es la lenga, amei en qué consistís istoricament dens son estat present la pensada de la lenga.<br /> <br /> <br /> <br /> Pensar la lenga se bòrna siga a ne concéber que la lenga, que de la lenga, e la consequéncia ne n’es l’isolament de la lenga hòra das practicas socialas dau lengatge dens tota la sua diversitat, çòn qu’es ben pr’au segur la mei mavada situacion que puscan concéber per fin de sauger çò qu’es e çò que fèi una lenga, amei per la defénder. <br /> <br /> <br /> <br /> Art 2 S’impausa donc de se representar que per tant de defénder una lenga, e saber premèir las limitas de çò que significa la quita nocion de lenga, fau una teoria d’ensemble dau lengatge. <br /> <br /> <br /> <br /> En qué i a de qué carcular autament que segond lo pur modèle institucionau que propausa la « Declaracion universala daus dreits lingüistics » de Barcelona, de junh de 1996, que ne pòrta que sus las lengas e moisha pr’aquí las limitas de sa pensada dau lengatge.<br /> <br /> <br /> <br /> Atau una teoria d’ensemble implica una reflexion sus los ròtles, las activitats amei las fòrças dau lengatge dens totas las practicas socialas - una teoria daus rapòrts entre la lenga e lo parolís, entre la nocion de parolís e una teoria daus subjècts, entre una teoria daus subjècts e l’art, l’etica, la politica, qu’aquò’s tot aquò-‘quí qu’implica la nocion de subjèct. <br /> <br /> <br /> <br /> La lenga n’es donc pas l’afar dei lingüistas sols, nimei dei politics sols. L’istòria de la politica de las lengas n’es pas tan solament una istòria politica. Inclutz daus elements que tenen tanben a l’art, a l’etica, a l’istòria sociala. Pensar la politica de las lengas supausa donc aquela teoria d’ensemble, aquela tinguda indesseparabla dau lengatge, de l’art amei dau politic per tant de pensar los rapòrts entre lengatge e societat. Senon, demòran o tornan tombar dens una pensada de la lenga sola, e de la politica sola, çon que de tira mena a desconéisher lo ròtle de l’art dens la societat, lo ròtle de l’etica dens la politica, donc a desconéisher la libertat daus subjècts.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.3 Tenir ensemble una pensada dau lengatge e daus subjècts diu pr’aquò trabalhar end’una critica de l’oposicion entre identitat e alteritat, perqué de pensar a l’encontra l’interaccion istorica constanta entre identitat e alteritat. Pensar la pluralitat das lengas e l’interaccion entre las lengas supausa donc de pensar l’identitat per l’alteritat. <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 4 Per tant de pensar l’identitat per l’alteritat, es indispensable de pensar l’accion de las arts dau lengatge particulariament, amei de l’art mei generalament, sus las transformacions daus mòdes de pensada, de sensibilitat e de compreneson, donc sus la pensada dau lengatge e de las lengas. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.5 Aon ‘quò impòrta de reconéisher un ròtle privilegiat a las practicas mei a la pensada dau traduïre, çò qu’impausa a son torn de tornar pensar lo traduïre en fonccion d’una reconeishença de las arts de la pensada, que non pas mei solament coma un passatge de lenga a lenga, mes de parolís a parolís, mei eventualament de sistèma de parolís a sistèma de parolís. Senon, aquò’s la desconeishença costumèira, mascada per la bona consciéncia daus truïsmes acomplits, e que ne vei briga que las traduccions son deis esfaçantas. Esfaçantas de las culturas, esfaçantas de las especificitats, esfaçantas de las diferéncias. Ce que supausa a son torn qu’una teoria dau traduïre ne pòt pas briga mei estar isolada a pretendudament autonòma que non pas la teoria dau lengatge n’es reductibla a la sola nocion de lenga. Aquera pretenduda autonomia n’estant arren mei que la sua situacion tradicionala dens l’ermeneutica, lo sens, lo signe. D’onte l’esfaçanta.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.6 En qué i a lòc de reconéisher tanben qu’un enemic de las lengas, e benlèu lo premèir enemic de las lengas, n’es pas l’egemonia culturala-economica-politica de tala o tala lenga, mes premèir la pensada que reduïs lo lengatge a la lenga, e que dessepara la lenga de l’art, de la cultura, de la societat, de l’etica mei dau politic per la n’envisatjar que dens son isolament - independentament de l’estudi tecnic de sos fonccionaments que, en tant que tala, a la sua legitimitat dens son quite pit, a condicion de’n reconéisher lei limitas. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.7 La reconeishença de l’identitat per l’alteritat supausa la de l’identitat coma pluralitat intèrna e coma istòria, que non pas coma natura. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.8 D’aquí estant, i a propausar un ensenhament que n’existís pas (mei a lo preveire a tots los nivèus, coma una novèla traca d’educacion civica), de la teoria dau lengatge coma reconeishença daus rapòrts entre identitat e alteritat, entre unicitat e pluralitat intèrna, aquò’s a dire coma una poetica, una etica amei una politica daus rapòrts interindividuaus, interculturaus e internacionaus. Aon poetica, etica e politica diven estar inseparables, au riscle de tornar tombar dens lo modèle tradicionau. Damb son insufisença, que bien ne veden pas, e dont fau fèser prendre consciéncia. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.9 Aqueth ensenhament de la teoria dau lengatge coma teoria d’ensemble diu donc trabalhar a reconéisher, per devath au modèle tradicionau e dominant dau signe (damb tota sa coeréncia lingüistica, antropologica, filosofica, teologica, sociala mei politica) lo trabalh dau continú coma trabalh dau còrs dens lo lengatge, dau subjèct sus la lenga, de las invencions de la pensada sus las lengas, e coma interaccion, indesseparabilitat e istoricitat radicala dau lengatge, de l’art, de l’etica mei dau politic. ‘Quela experiéncia de pensada permeteré de milhor situar los problèmas ligats a l’alteritat mei a la pluralitat, comunament concebudas coma unicament extèrnas, e de las moishar autanplan intèrnas coma extèrnas. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.10 Contra la coeréncia regnanta dau signe e de la sola pensada de la lenga, i auré a pensar, reconéisher mei cultivar una contra-cultura, una contra-coeréncia, la d’aquela solidaritat e interaccion entre las categorias de la Rason que tota una istòria de la pensada continua de gaitar coma eterogenèas e separadas, çò de qué testimònian a l’un còp la quita istòria de la constitucion de çò qu’apèlam las sciéncias umanas, e nòstas disciplinas universitàrias, que’n son salhidas. Una vertadèira critica de la Rason lingüistica. <br /> <br /> <br /> <br /> L’òm poiré, e l’òm diuré, ‘lavetz, comprendre milhor amei favorizar los bilingüismes e los plurilingüismes, sivant chasque situacion culturala, en los situant dens una pensada de la pluralitat intèrna, de l’etica mei de la politica daus subjècts. Çò que la sola juxtaposicion de las lengas ne permet pas de pensar.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 11 Que se la reconeishença de la pluralitat de las lengas ne se hèi que dens la politica dau signe, que non pas de se far dens la teoria d’ensemble dau lengatge, ne pòt que demorar dens l’oposicion entre identitat e alteritat, dens l’espotiment de las minoritats per la sola fòrça de l’economicòpolitic. Espotiment que favoriza los terrorismes particularistas. Vadré donc mei parlar de lengas-culturas que non pas de lengas, per tant de milhor concéber e preservar las valors que s’an inventadas end’elas e dont son portanèiras - valors antropologicas, artisticas, eticas e politicas.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.12 La question de las valors implica de desarmalhar ce que brolha la nocion d’egalitat de las lengas. E a la quala impòrta de s’acarar, que non pas de postular dens l’abstrèit tan solament (lo « democrata abstrèit » de Sartre) l’egalitat de las lengas entr’eras.<br /> <br /> <br /> <br /> Art.13 Aquò’s incontestable que totas las lengas, amei las que son parladas per una populacion chic nombrosa e fòrt localizada, autanplan coma tot çò qu’a trèit a çò que fèi una lenga, son egalas entr’eras au sens on tota lenga plenha integralament las fonccions lingüisticas d’una lenga, per pensar, sentir, comunicar, viure dens una societat donada.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 14 Mes dus factors venen tracar aquela nocion majora de l’egalitat antropologica de las lengas. E aquestes dus factors son d’òrdres cap e tot distints, qu’impòrta de pas confónder e que ne s’adicionan pas. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 15 L’un es la poissança economicòpolitica d’un ensemble nacionau, o teologicòpolitic, e que s’impausa coma una translenga de comunicacion pannacionala o internacionala. Antau, coma poissança teologicòpolitica, l’arab en Egipta a capvath los siègles estofat o shardit la lenga còpta coma lenga veïculara, en la reduïsent end’un usatge purament liturgic. L’economicòpolitic es anueit representat per la mondializacion de l’anglés de comunicacion.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 16 Mes un aute factor de supremacia culturala e d’expansionisme, o de durada delà la quita durada daus emperis, es l’invencion dens tau o tau lenga de valors artisticas, eticas e politicas. Auquau cas son aquestas valors que hèsen l’expansion mei lo prestigi d’aquelas lengas, endelà de tota nocion de comunicacion lingüistica, locala, regionala o planetària.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 17 Son ‘lavetz aquestas valors que fèsen çò que son aqueras lengas, son las òbras que son mairalas e non mei briga las lengas. Aqueste fèit en eth-medís es tanplan incontestable istoricament, mes n’a pas arren de comun ni damb çòn qu’es e çòn que fèi lingüisticament una lenga e tota lenga, nimei damb la poissança daus emperis economicòpolitics. Impòrta de bacsar d’atribuïr a las lengas çò qu’es lo fèit de las òbras, quitament e justament se sas valors constituïssen un apòrt especific a tau o tau lenga, au ponht d’i estar identificadas.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 18 Atau de las valors se pòden universalizar. Las valors politicas de la Declaracion daus Dreits de l’Òme de 1789, o de la luta per la veritat contra lo manten de l’òrdre dens l’Afar Dreyfus an bien a l’un còp simbolizat e universalizat la lenga francesa, mes a l’un còp ne son pas lo fèit de la lenga francesa e se pòden díser e tornar har en tota lenga e en tot lòc.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 19 Atau n’es, autament, de las valors esteticas e eticas das òbras literàrias mei das òbras de pensada. Qu’an per efèit que certanas lengas son mei famosas que d’autas, a l’un còp portanèiras e portadas pr’aquelas valors. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.20 Aqueths efèits de supremacia ne venen l’ocasion d’una idèia de la superioritat de certanas lengas que dens e per lo trebolisse entre la lenga e las invencions de pensada o los combats de la pensada qu’an fèit tau o tau cultura. Aquelas valors ne dependen pas de las lengas coma lengas. Mes l’istòria culturala que las i apariona inevitablament ne permet pas a ela sola de reconéisher que son las òbras e las lutas, daus uns còps d’un tot petit grop d’individús contra lur pròpa collectivitat, que fan qu’òm atribuïs a la lenga ce qu’es estat hèit en ela e daus uns còps tanben, poeticament, contra ela. Dens lo rejet daus contemporanèus.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 21 Aqueras distincions son capitalas pre fin de ne pas atribuïr ad una lenga de vertuts de natura, çò que situa lo mite de l’engèni dei lengas. Mes tot autant per ne pas reduïre lo lengatge a de la lenga, e encara mens a de la comunicacion. Tendéncia recenta contra la quala aquò impòrta de lutar. <br /> <br /> A causa de l’apraubiment de pensada, de mejans, qu’aquel reduccionisme apòrta, e qu’afortissen los progrès tecnics de la comunicacion. En mascant qu’aquels quites progrès son un factor de regression mei de barbaria. La pensada dau lengatge coma teoria d’ensemble es ce que sol pòt perméter de har empach aus efèits pervèrs de la pensada dei lengas coma natura - coma engèni, pr’au rapelet constant daus ligames entre especificitat e istoricitat. Istoricitat radicala. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 22 Antau la fobia de l’anglés en francés pòt milhor aparéisher coma una desconeishença dau caractèr istoric daus empronts, e de sas limitas, lexicalas e sintaxicas. La desconeishença d’aqueste caractèr fèi lo rejet daus empronts e daus contactes au nom d’un purisme qu’implica a l’un còp una desconeishença de la quita istòria de las lengas, un passeïsme, donc un academisme, una nocion de declin (variabla : per Gobineau, lo declin dau francés començava au siègle XIV ; per d’autes, au siègle XIX ; per d’autes, lo francés d’au jorn d’adara es un « cap d’òbra en perilh » dont anoncian d’arron la mòrt).<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 23 Auta causa qu’aquela fobia purista es lo coardèir etic e politic que hèi qu’especialistas resignan de s’exprimir dens sa pròpa lenga, e contribuïssen pr’aquí a la massificacion comunicacionalista. L’atribucion a la sola lenga de las vertuts ligadas ad una istòria a l’un còp s’engana d’engèni apuei moisha dau medís còp coma an chic d’engèni, e de sens dau lengatge, los pseudodefenseires dau francés. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 24 Dau ponht de vista d’una teoria d’ensemble, l’òm pòt a l’encontra remarcar duias causas. L’una es que lo mei grand dangèir per una lenga n’es pas l’egemonia d’una auta, amei e encara mei s’aquera egemonia es solament economicòpolitica, lo dangèir major (consequéncia de la reduccion dau lengatge a la lenga) es l’abséncia de creacion de valors (artisticas, eticas, politicas) per los que la parlan. Abséncia de creacion egala traïson. Lo grèc classic mei l’ebrèu biblic son lo quite exemple que de las lengas que l’una, l’ebrèu, n’a pas jamès augut d’importància politica, e l’auta que son importància n’a pas susviscut a l’emperi d’Alexandre, n’an augut e n’an encara lur importància transistorica que per las òbras de pensada que son estadas produïtas dens aquelas lengas. E son las òbras, las invencions de pensada, qu’an fèit çò qu’aquelas lengas son vingudas, ce de qué son vingudas portanèiras. Que aquò’s pas las lengas, en tant que lengas, qu’an produïr las òbras. E quitament quora l’estat de lenga es ancian, o que la lenga passa per mòrta, coma lo latin, la paraula, era, es viva. Atau lo latin que lo disen mòrt au siègle XVII, e lenga solament daus letraferits entr’els (e las tèsis au siègle XIX s’escrivèvan encara en latin, la de Jaurès, per exemple), l’òme ne pòt pas díser qu’aquò’s una lenga mòrta (banalitat aparenta que torna préner totun un obratge recent, Le latin ou l'empire d'un signe, XVI-XXe siècle, de Françoise Waquet, Albin Michel, 1998), se Francis Bacon, Hobbes, Descartes, Spinoza, Leibniz inventan de la pensada, inventan la sua pensada, alavetz, en latin. Mes l’aramean, qu’avèva dau temps pòstbiblic una importància comunicacionala transnacionala, n’existís mei que dens quauques vilatges. Per tant qu’aus grands emperis d’alavetz, n’an deishat que vestigis arqueologics.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 25 Fau reconéisher una istoricitat dau sentit daus rapòrts entre las lengas. Atau i a una patz dei lengas vernacularas a l’Atge Mejan, en Euròpa, dens la transnacionalitat dau latin. Puei una guèrra de las lengas contra lo latin, apuei entr’elas en Euròpa a partir dau siègle XVI. D’on es sortida l’universalitat dau francés en Euròpa au siègle XVIII. D’on la luta de la Revolucion francesa contra los « patés » (abarrejant indistintament los dialèctes dau francés e las autas lengas - lo breton, lo basco) dincas dens la IIIau Republica. Per tant qu’a la francofonia d’anueit, o multiplicitat daus francés capvath lo monde, n’es pas mei compatibla damb Rivarol. Aquò tanben demanda d’estar pensat. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 26 Ben pr’au segur que lo sens de la pluralitat intèrna (amei tanben extèrna) - lo sens au sens de sentiment d’una necèira mei d’una còpreséncia - es recent, e probable ligat a l’istòria de las descolonizacions, mes remonta tanben aus rapòrts entre lo romantisme deis especificitats e los nacionalismes que’n son la politizacion. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 27 Çaquelà, aqueste sens de la pluralitat pòt eth-medís estar siga regionalista e nacionalista, embarrat sus eth-medís (e reproduïsent a mei petita escala la barradura de la pensada de la lenga), siga pluralista, aquò’s a dire se realizar coma la reconeishença dei pluralitats intèrnas, mei de la pluralitat de l’identitat. Capable alavetz d’una teoria d’ensemble.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 28 Dau moment que reconeishen que la disparacion d’una lenga pòt estar discuda siga a la destruccion d’una populacion, siga ad un espotiment culturau, aquò’s clar que la defensa de lei lengas n’es pas un problèma de lenga, mes necessariament la reconeishença de l’interaccion entre la teoria dau lengatge, la teoria daus actes de pensada, l’etica mei la politica. <br /> <br /> <br /> <br /> Art.29 Fauta de qué, ce que règna estant l’eterogeneïtat dei categorias de la rason, l’etica sola es impoissanta, la politica sola es tota poissanta, las causas de l’art ne son pas compristas coma milhora defensa de las lengas, e las lengas estant reduïtas a daus mejans de comunicacion, solas s’espandissen mei estofan las autas las lengas que comunican lo poder economicòpolitic. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 30 Conclusion paradoxala - mes lo trabalh de la pensada es de tremudar las paradòxas en truïsmes dau futur - çò que ressòrt d’aquel encadenament dei rasons es que la defensa de las lengas n’es ponht briga dens la pensada de la lenga, mes dens lo ligame que’n hèi enquèra l’utopia de la pensada dau lengatge, lo ligame entre lengatge, art, etica e politica coma teoria d’ensemble. Aquò’s a dire un ensenhament obligatòri dau sens dau lengatge.<br /> <br /> <br /> <br /> Tèxte propausat au Forom de las lengas lo 28 de mai de 2006, plaça dau Capitòli a Tolosa, per Eric Meschonnic, professor emerit de lingüistica a l’universitat París 8, poèta, traductor de la Bíblia, assagista. <br /> <br /> <br /> <br /> English<br /> <br /> Proposal for a Declaration of obligations towards languages and language<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 1 One first must recognize one specificity of the issues related to language. Because of this specificity one cannot simply apply a copy of the known declarations of the rights of human beings and communities to these issues.<br /> <br /> <br /> <br /> Addressing rights also implies addressing obligations. Both presuppose reflecting upon what languages are and what they do. But such thinking seems more active and to be considered in terms of obligations.<br /> <br /> <br /> <br /> In itself, the specificity of the issues related to language implies specific thinking. In order to understand all elements that this thinking implies, one must assume that this thinking needs to be a constant criticism of its own history, with the risk of not thinking its object but identifying itself with some preconceived idea on languages and language.<br /> <br /> <br /> <br /> The first thing to admit is that thinking languages implies thinking about what a language is, what the language is, what thinking the language means historically and today.<br /> <br /> <br /> <br /> Thinking language either is limited to conceiving only language, only some language, and consequently language is isolated from the diversity of its social practices, which probably is the worst situation one can imagine when trying to determine what a language is and what it is made of, and to defend it.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 2 One thus must imagine that defending a language and, as a prerequisite, knowing the limits of what the notion of language itself means, requires a global theory of language.<br /> <br /> <br /> <br /> Consequently, one must think outside of the pure institutional framework of the June 1996 Barcelona "Universal declaration of linguistic rights", which is only about languages and thus illustrates the limits of the thought about language.<br /> <br /> <br /> <br /> Such a global theory implies thinking about the role, activities and strengths of language in all social practices – a theory of the relationship between language and discourse, between the notion of discourse and a theory of subjects, between a theory of subjects and art, ethics and politics because the notion of subject implies all of these.<br /> <br /> <br /> <br /> A language thus is not exclusively the business of linguists, nor exclusively that of politicians. The history of language policy is not merely political history, but includes elements relating to arts, ethics and social history. Thinking language policy thus implies this global theory, this inseparable whole of language, arts, ethics and politics, so one can conceive the relationship between language and society. Otherwise one remains and switches back to thinking about language in itself, and politics in itself, which immediately leads to poor knowledge of the role arts play in society, the role of ethics and politics, and thus poor knowledge of the subjects' liberty.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 3 Thinking together about language and subjects thus requires elaborating a critical approach of the opposition between identity and otherness, in order to actually conceive the constant historical interaction between identity and otherness.<br /> <br /> <br /> <br /> Thinking the plurality of languages and the interaction between languages hence implies conceiving identity through otherness.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 4 In order to conceive identity through otherness, one must particularly think the action that the art of language, and art more generally, has on the transformations of ways of thinking, sensitivity and understanding, thus on the thinking of language and of languages.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 5 Where it is important to recognize that translation practices and the thinking associated with translating play a major role, which in turn imposes rethinking translation in conjunction with a recognition of the art of thinking, and no longer only as a passage from one language to another, but from discourse to discourse and maybe from system of discourse to system of discourse. Otherwise it results in the habitual ignorance that is obscured by conscious and well-rounded truisms and that does not realize that translations are erasers.<br /> <br /> <br /> <br /> Which in turn implies that a theory of translation cannot be isolated and supposedly autonomous any more than the theory of language cannot be reduced to the mere notion of the language. This supposed autonomy merely being its traditional situation in hermeneutics, meaning, symbol. Thus the eraser.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 6 Which also means recognizing that one enemy of languages, and perhaps even the biggest enemy of languages, is not the cultural-economic-political hegemony of this or that language, but above all the thinking that reduces language to the language, and that separates the language from art, culture, society, ethics and politics and only sees it in its isolation – independently from the technical study of how it functions, whose legitimacy, as such, lies in its object itself, provided one recognizes its limits.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 7 Recognizing identity through otherness implies recognizing identity as an internal plurality and as history, instead of as a natural phenomenon.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 8 Taking it from there, one needs to suggest a discipline that does not yet exist (but that one should plan at all levels, as a new form of civic education), teaching the theory of language as a recognition of the relationship between identity and otherness, between uniqueness and internal plurality, in short as poetics, ethics and politics of interindividual, intercultural and international relationships. Where poetics, ethics and politics must be inseparable if they are not to revert to the traditional model. With its pitfalls, which many do not see and which one must take into account.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 9 Teaching the theory of language as a global theory thus needs to thrive to recognize, under the traditional and dominant model of the symbol (with all its linguistic, anthropological, philosophical, theological social and political coherence), the work of the continuum as the work of the body inside the language, of the subject on language, of the inventions of thought on languages, and as radical interaction, inseparability and historicity of language, art, ethics and politics.<br /> <br /> <br /> <br /> Such experimental thinking would allow to better place the problems linked to otherness and plurality, which habitually are conceived as solely external and demonstrate that they are both internal and external.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 10 As an opposition to the ruling coherence of the symbol and the mere thinking of the language, it would be good to think, recognize, teach and cultivate a counter-culture, a counter-coherence, of this solidarity and interaction between the different categories of Reason that the whole history of thought continues to consider heterogeneous and separate, as show both the very history of the composition of what we call humanities and our resulting academic disciplines. A genuine criticism of linguistic Reason.<br /> <br /> <br /> <br /> This might allow, and would allow us to better understand and favor bilingualisms and plurilingualisms, according to each cultural situation, by situating them in our thinking of subjects' internal plurality, ethics and politics. Which the mere juxtaposition of languages does not allow us to think.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 11 For if the plurality of languages can only be recognized within the politics of the symbol, instead of within the global theory of language, this plurality can only lie in the opposition between identity and otherness, in the crushing of minorities by mere economic-political forces. This crushing favors particularist terrorisms. <br /> <br /> <br /> <br /> One thus should talk about culture-languages rather than languages, in order to better conceive and preserve the values that invented themselves inside these and which they carry – anthropological, artistic, ethical and political values.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 12 The issue of values implies untangling what causes confusion in the notion of inequality among languages. And which one needs to confront, instead of assuming the equality of languages among each other in a purely abstract manner (Sartre's "abstract democrat").<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 13 It is undeniable that all languages, including those spoken by a small and very localized population, just as everything relating to what makes a language, are equal in the sense that any language entirely performs the linguistic duties of a language, allowing its speakers to think, feel, communicate, live in a given society.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 14 However, two factors cause confusion in this crucial notion of languages' anthropological equality. And these factors are radically distinct, one must not mix them up, nor add them to one another.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 15 One is the economic-political power of a national, or theological-political, whole, and which imposes itself as a trans-language of pan-national or international communication. For example, acting as theological-political power, over the course of centuries, in Egypt Arabic has suffocated or prohibited the Copt language as a vehicular language, and has reduced it to a mere religious use. The globalization of communication English today represents the economic-political. <br /> <br /> <br /> <br /> Art. 16 But another factor of cultural supremacy and expansionism, or that lasts even longer than empires, is the invention of artistic, ethical and political values in a given language. In this case, these values are what causes the expansion and prestige of those languages, beyond all notions of local, regional or global linguistic communication.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 17 Hence these values are what makes these languages; we have mother works and no longer mother tongues. This fact in itself is just as indisputable historically, but it has nothing in common neither with what linguistically is and makes a language and any language, nor with economic-political empires. One must stop attributing to languages what is the deed of the works, even if and precisely if their values make a specific contribution to a given language, to a point where they are identified with that language.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 18 Such values can become universal. The political values of the 1789 Declaration of Human Rights, or the struggle for truth against the maintenance of order during the Dreyfus Affair, indeed have both symbolized and globalized the French language, all while not being a result of the French language: they can be said and redone in any language and anywhere.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 19 The same applies, differently, to the esthetic and ethical values of literary works and works of thinking. Which cause certain languages to be more famous than others and to simultaneously carry and being carried by these values.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 20 These supremacy effects only give rise to thoughts that certain languages are superior in and because of the confusion between the language and the inventions of thought or the struggles of thought that created a given culture. These values are not the result of languages in terms of languages. However, the cultural history that inevitably associates these values and languages does not by itself allow to us to recognize that it is because of the works and the struggles, sometimes of a very small number of individuals against their own community, that one attributes to the language what has been created within it and also sometimes, poetically, against it. Rejecting the contemporaries.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 21 These distinctions are paramount so one does not attributes nature's virtues to a language, which situates the myth of languages' genius. But also so one doesn't reduce language to a language, and even less to communication. A recent tendency that must be fought.<br /> <br /> <br /> <br /> Because of the impoverishment of thought, of means, that this reductionism brings, and that the technical progress of communication strengthens. Hiding the fact that this very progress is a factor of regression and barbarism.<br /> <br /> <br /> <br /> Only thinking language as a global theory can allow to counter the perverse effects of thinking language as nature – as genius, by constantly recalling the links between specificity and historicity. Radical historicity.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 22 Consequently, the phobia the French language has of English rather seems a lack of knowledge of the historic aspect of the languages' borrowing from each other, and that borrowing's lexical and syntactic limits. The lack of knowledge of this aspect causes borrowings and contacts to be rejected in the name of a purism which simultaneously implies a lack of knowledge of the very history of languages, a pastism and thus an academicism, a notion of decline (variable: Gobineau considers the decline of the French language started in the 14th century; others consider it started in the 19th century; for yet others, today French is a "an endangered masterpiece" whose death they keep predicting).<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 23 In addition to this puristic phobia there is the ethical and political cowardness that leads specialists to refrain from expressing themselves in their own language, thus contributing to communicationalist massification. <br /> <br /> <br /> <br /> Attributing a history's virtues solely to language simultaneously means choosing the wrong genius and shows the little genius, and sense of language, of the pseudo-advocates of French.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 24 On the contrary, from a global historical viewpoint one can notice two things.<br /> <br /> <br /> <br /> First, the biggest danger for a language is not the hegemony of another language, even and even more if this hegemony is merely economic-political, the main danger (result of reducing language to the language) is the lack of (artistic, ethical, political) value creation by those who speak it. Lack of creation equals betrayal.<br /> <br /> <br /> <br /> Ancient Greek and biblical Hebrew are the perfect illustration that the transhistorical importance of languages of which one – Hebrew – never has had any political importance and the other whose importance did not survive Alexander's empire, lied and still lies in the works of thought that were produced in these languages. And it is these works, these inventions of thought, that made these languages what they have become and of what they have become the medium. Because it is not the languages, as languages, that produced those works. And even when the state of the language is old, or the language considered dead, as is Latin, speech is alive.<br /> <br /> <br /> <br /> Thus Latin, which is said to have died in the 17th century, and which only scholars use among themselves (and in the 19th century, doctoral dissertations still were written in Latin, such as Jaurès'), one cannot say it is a dead language (a seeming banality nevertheless claimed by a recent work Le latin ou l'impire d'un signe, XVI-XXe siècle, by Françoise Waquet, Albin Michel, 1998), given Francis Bacon, Hobbes, Descartes, Spinoza, Leibniz invented some thinking, invented their thinking, in Latin.<br /> <br /> <br /> <br /> Aramaic, however, whose communication importance was transnational in the post-biblical period, today only exists in a few villages. As to the past's great empires, they merely left archeological ruins.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 25 One must recognize some historicity in the feeling that languages are interrelated. For example, Latin's transnationality allowed vernacular languages to be at peace in the Middle Ages, in Europe. Then, starting in the 16th century, came a war of languages against Latin, and then between each other in Europe. The result being the universality of the French language in Europe in the 18th century, as well as the French Revolution's fight against the patois (indistinctively mixing up French dialects and other languages – Breton, Basque) until during the Third Republic. As to today's Francophonie, or the multiple French languages around the world, it is no longer compatible with Rivarol. One also must think about that.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 26 It is certain that the sense of internal (and also external) plurality – the sense of the sense of feeling a necessity and a co-presence – is recent, and certainly linked to the history of decolonizations, but it also goes back to the relationship between the romanticism of specificities and the nationalisms that are its polarization.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 27 However, this sense of plurality itself can be either regionalistic and nationalistic, cut off from the outside world (and reproducing, at a lower scale, the closed aspect of the thinking of language), or pluralistic, i.e. it can be created as the recognition of the internal pluralities and of the plurality of identity. Hence capable of a global theory.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 28 Once one recognizes that the death of a language can be due either to the destruction of a population, or to cultural crushing, it is clear that defending languages is not a problem of language, but necessarily implies recognizing the interaction between the theory of language, the theory of acts of thinking, ethics and politics.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 29 Otherwise, because the heterogeneity of the categories of reason is ruling, mere ethics is helpless, mere politics is almighty, issues of art are not understood as being the best defense of languages, and languages being reduced to means of communication, only those languages conveying the economic-political power spread and suffocate the other languages.<br /> <br /> <br /> <br /> Art. 30 Paradoxical conclusion – but the job of thought is to transform paradoxes into tomorrow's truisms – the result of this string of reasoning is that the defense of languages does not lie in the thinking of the language, but in the link that still makes it the utopia of the thinking of language, the link between language, art, ethics and politics as a global theory. In other words, the mandatory teaching of the sense of language.<br /> <br /> <br /> <br /> Text proposed at the Forom des langues on 28 May 2006, Place du Capitole in Toulouse, by Henri Meschonnic, <br /> <br /> emeritus professor of linguistics at Université Paris-8, poet, translator of the Bible, essayist.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Proposición para una Declaración sobre los Deberes hacia las Lenguas y el Lenguaje<br /> <br /> <br /> <br /> 1. Primero hay que reconocer una especificidad en las cosas del lenguaje. Esta especificidad hace que no se puede sencillamente trasladar sobre estas cuestiones, el calco de las famosas declaraciones de los derechos de los seres humanos y de las colectividades.<br /> <br /> <br /> <br /> Pronunciarse al favor de los derechos supone también pronunciarse a favor de los deberes. Tan el uno como el otro presupone un pensamiento de lo que son y de lo que hacen las lenguas. Mas este pensamiento parece más activo, enfocado en términos de deberes.<br /> <br /> La especificidad de las cosas del lenguaje supone por sí-misma un pensamiento específico. Para abarcar todos los elementos que este pensamiento supone, es necesario establecer el postulado que este pensamiento ha de ser una crítica perpetua de su propia historia, so pena de no pensar el objeto, sino identificarse a tal o cual idea preconcebida acerca de las lenguas y la lengua.<br /> <br /> La primera cosa que reconocer es que pensar las lenguas supone pensar lo que es una lengua, lo que es la lengua, y en que consiste históricamente y en su estado presente el pensamiento de la lengua.<br /> <br /> Pensar la lengua ya se limita en concebir sólo la lengua y sólo lengua, y la consecuencia es el aislamiento de la lengua fuera de las prácticas sociales del lenguaje en todas sus formas de diversidad, lo que es seguramente la situación más mala que se puede concebir para saber lo que es y lo que hace una lengua, y para defenderla.<br /> <br /> 2. Pues se impone representarse que para defender una lengua, y saber de antemano los límites de lo que significa de por sí la noción de lengua, se necesita una teoría general del lenguaje.<br /> <br /> <br /> <br /> Para esto, hay que pensarlo de otro modo que no fuera según el puro modelo institucional que propone la "Declaración universal de los derechos lingüísticos" de Barcelona, de junio de 1996, que trata sólo de las lenguas, y da a ver así mismo los límites de su pensamiento sobre el lenguaje.<br /> <br /> Tal teoría general implica una reflexión sobre los papeles, las actividades y las fuerzas del lenguaje en todas las prácticas sociales – una teoría de las relaciones entre la lengua y el hablar, y una teoría de los sujetos, entre una teoría de los sujetos y el arte, la ética, la política, ya que todo esto implica la noción de sujeto.<br /> <br /> Pues la lengua no es asunto de los lingüistas a solas, ni de los políticos a solas. La historia de la política de las lenguas no es sólo una historia política. Incluye elementos que hacen parte también del arte, de la ética, de la historia social. Entonces pensar la política de las lenguas supone esta teoría general, este mantenimiento inseparable del lenguaje, del arte, de la ética y de la política para pensar las relaciones entre lenguaje y sociedad. Si no es así uno se queda o recae en un pensamiento de la lengua sola, y de la política sola, lo que de inmediato trae a despreciar el papel del arte en la sociedad, el papel de la ética en la política, pues a despreciar la libertad de los sujetos. <br /> <br /> <br /> <br /> 3. Para llevar juntos un pensamiento del lenguaje y de los sujetos se tiene que trabajar en una crítica de la oposición entre identidad y alteridad, para pensar, al contrario en la interacción histórica constante entre identidad y alteridad.<br /> <br /> <br /> <br /> 4. Para pensar la identidad mediante la alteridad, es imprescindible pensar en la acción de las artes del lenguaje específicamente, y del arte en general, sobre las transformaciones de los modos de pensamiento, de sensibilidad y de comprensión, pues sobre el pensamiento del lenguaje y de las lenguas.<br /> <br /> <br /> <br /> 5. En que importa reconocer un papel privilegiado en las prácticas y en el pensamiento del traducir, lo que impone a su vez pensar de nuevo el traducir según un reconocimiento de las artes del pensamiento, y ya no sólo como un cambio de lengua a lengua, sino de pláticas a pláticas, y más allá de sistema de pláticas a sistema de pláticas. Pues si no es así, es el desconocimiento habitual, enmascarado tras la buena conciencia de las perogrulladas cumplidas, y que no ven que las traducciones hacen de borrador. Borran las culturas, borran las especificidades, borran las diferencias. <br /> <br /> Lo que supone a su vez que una teoría del traducir no puede estar tampoco aislada y supuestamente autónoma al igual que la teoría del lenguaje no es reducible a la única noción de lengua. Esta supuesta autonomía es por su situación tradicional en la hermenéutica, el sentido, el signo. De allí se hace de borrador.<br /> <br /> <br /> <br /> 6. En eso, también hay que reconocer que uno de los enemigos de las lenguas, y tal vez el primer enemigo de las lenguas, no es la hegemonía cultural-económica-política de tal o tal lengua, sino ante todo el pensamiento que reduce el lenguaje a la lengua, y que separa la lengua del arte, de la culture, de la sociedad, de la ética y de lo político para enfocarlo sólo en su aislamiento – independientemente del estudio técnico de sus funcionamientos, el cual tiene su legitimidad en sí en su objeto mismo, a la condición de reconocer sus límites. <br /> <br /> <br /> <br /> 7. El reconocimiento de la alteridad mediante la alteridad supone el reconocimiento de la identidad como pluralidad interna y como historia, y no como índole natural.<br /> <br /> <br /> <br /> 8. De ahí, hay que proponer una enseñanza que no existe (y preverla a todos los niveles, como una nueva forma de educación cívica), de la teoría del lenguaje como reconocimiento de las relaciones entre identidad y alteridad, entre unicidad y pluralidad interna, es decir como una poética, una ética y una política de las relaciones interindividuales, interculturales y internacionales. En la que poética, ética y política tienen que ser inseparables, so pena de recaer en el modelo tradicional. Con la insuficiencia que muchos no ven, y de la cual hay que hacer cobrar conciencia.<br /> <br /> 9. Esta enseñanza de la teoría del lenguaje como teoría general entonces tiene que trabajar en reconocer, bajo el modelo tradicional y dominante del signo (con toda su coherencia lingüística, antropológica, filosófica, teológica, social y política) el trabajo de la continuación como trabajo del cuerpo en el lenguaje, del sujeto en la lengua, de las invenciones del pensamiento en las lenguas, y como interacción, inseparabilidad e historicidad radical del lenguaje, del arte, de la ética y de lo político.<br /> <br /> Esta experiencia del pensamiento daría a ver mejor los problemas vinculados con la alteridad y la pluralidad, concebidas por lo común como únicamente externas, y de mostrarlas tan internas como externas.<br /> <br /> <br /> <br /> 10. Contra la coherencia imperante del signo y contra el único pensamiento de la lengua, había que pensar, reconocer, enseñar y cultivar una contra-cultura, una contra-coherencia, la de la solidaridad e interacción entre las categorías de la Razón que toda una historia del pensamiento sigue manteniendo por heterogéneas y separadas, de lo cual testimonia a la vez la historia misma de la constitución de lo que llamamos las ciencias humanas, y de nuestras disciplinas universitarias, que emanan de ellas. Una verdadera crítica de la Razón lingüística. <br /> <br /> Podremos entender, y tendremos pues que entender mejor y favorecer los bilingüismos y los plurilingüismos, según cada situación cultural, integrándolos en un pensamiento de la pluralidad interna, de la ética y de la política de los sujetos. Lo que la yuxtaposición sola de las lenguas no permite pensar.<br /> <br /> <br /> <br /> 11. Ya que si el reconocimiento de la pluralidad de las lenguas se hace sólo mediante la política del signo, en vez de hacerse mediante la teoría general del lenguaje, sólo puede permanecer en la oposición entre identidad y alteridad, en el aplastamiento de las minoridades por la sola fuerza de lo económico-político. Aplastamiento que favorece los terrorismos particularistas.<br /> <br /> Más valdría pues hablar de lenguas-culturas que de lenguas para concebir mejor y preservar los valores que se inventaron en ellas y que llevan en ellas –valores antropológicos, artísticos, étnicos y políticos-.<br /> <br /> <br /> <br /> 12. La cuestión de los valores implica aclarar lo que enturbia la noción de inigualdad de las lenguas. Y que importa afrontar, en vez de establecer el postulado de forma abstracta solamente (el “demócrata abstracto” de Sastre) la igualdad de las lenguas entre ellas.<br /> <br /> <br /> <br /> 13. Es incontestable que todas las lenguas, incluso las que las hablan una población poca numerosa y muy localizada, y todos los rasgos que caracterizan una lengua, son iguales entre ellas en el sentido en que cualquier lengua cumple integralmente las funciones lingüísticas de una lengua, para pensar, sentir, comunicar, vivir en dada sociedad.<br /> <br /> <br /> <br /> 14. Pero dos factores andan enturbiando está noción primordial de la igualdad antropológica de las lenguas. Y estos dos factores son de niveles radicalmente distintos, que importa no confundir y que no se suman a ellas.<br /> <br /> <br /> <br /> 15. Uno es la potencia económica y política de un conjunto nacional, o teológico-político, y que se impone como trans-lengua de comunicación pan-nacional o internacional. De este modo, como potencia teológica y política, el árabe en Egipto, a lo largo de los siglos, ha asfixiado o prohibido la lengua copta como lengua vehicular, reduciéndola al uso exclusivamente litúrgico. El económico-político está representado hoy en día por la globalización del inglés de comunicación.<br /> <br /> <br /> <br /> 16. Mas otro factor de supremacía cultural y de expansionismo, o de duración más allá de la duración misma de los imperios, es la invención en tal o tal lengua de valores artísticos, éticos y políticos. En este caso son valores que hacen la expansión y el prestigio de esas lenguas, más allá de cualquier noción de comunicación lingüística, local, regional o planetaria.<br /> <br /> <br /> <br /> 17. Son estos valores los que hacen lo que son estas lenguas, son estas obras las que son maternas y ya no las lenguas. Este hecho en sí es también incontestable históricamente, pero no tiene nada en común con lo que es y lo que hace lingüísticamente una lengua y cualquier lengua, ni tampoco con la potencia de los imperios económico-políticos. Importa que cesara la atribución a las lenguas lo que es el hecho de las obras, mismo y aún más si los valores constituyen una aportación específica a tal o tal lengua, hasta el punto de ser identificados a ella.<br /> <br /> <br /> <br /> 18. Tales valores pueden universalizarse. Los valores políticos de la Declaración de los Derechos del Hombre de 1789, o de la lucha por la verdad en contra del mantenimiento del orden durante el Caso Dreyfus han simbolizado y universalizado a la vez la lengua francesa, pero tampoco son el hecho de la lengua francesa, y pueden decirse y hacerse de nuevo en cualquier lengua y en cualquier lugar.<br /> <br /> <br /> <br /> 19. Pasa lo mismo, de forma diferente, con los valores estéticos y éticos de las obras literarias y de las obras de reflexión. Que tienen como efecto hacer que algunas lenguas son más famosas que otras, a la vez llevan y son llevadas por esos valores.<br /> <br /> <br /> <br /> 20. Esos efectos de supremacía se hacen la ocasión de una idea de la superioridad de algunas lenguas que dentro y mediante la confusión entre las lenguas y las invenciones del pensamiento o las luchas del pensamiento que han hecho tal o tal cultura. Esos valores no dependen de las lenguas como lenguas. Sino de la historia cultural que las asocia inevitablemente no permite por sí sola reconocer que son las obras y las luchas, a veces de un muy pequeño número de individuos en contra de su propia colectividad, que hacen que otorgamos a la lengua lo que se hizo en ella. En el rechazo de los contemporáneos.<br /> <br /> <br /> <br /> 21. Estas distinciones son capitales para no atribuir a una lengua virtudes de carácter, lo que forma el mito del genio de las lenguas. Pero más vale no reducir el lenguaje a lengua, y aún menos a comunicación. Nueva tendencia en contra de la que importa luchar.<br /> <br /> Por causa del empobrecimiento de pensamiento, de recursos, que este reduccionismo otorga, y que está reforzado por los progresos técnicos de la comunicación. Enmascarando que dichos progresos son un factor de regresión y de barbarie.<br /> <br /> El pensamiento del lenguaje como teoría general es lo que solamente puede permitir contrarrestar los efectos perversos del pensamiento de las lenguas como carácter –como genio, mediante la evocación constante de los vínculos entre especificad e historicidad. Historicidad radical.<br /> <br /> <br /> <br /> 22. Así la fobia del inglés en francés puede aparecer más bien como un desconocimiento del índole histórico de las tomas y de los contactos en nombre de un purismo que acarrea a la vez un desconocimiento de la historia misma de las lenguas, un apego por el pasado, pues un academicismo, una noción del declive (variable: según Gobineau, el declive del francés comenzó en el siglo XIV; según otros, en el siglo XIX; y para otros el francés de hoy es una “obra maestra en peligro” para la cual no cesan de anunciar su muerte).<br /> <br /> <br /> <br /> 23. Más allá de la fobia purista es la cobardía ética y política que hace que especialistas renuncian a expresarse en su propia lengua, y contribuyen así en la masificación comunicacionalista. <br /> <br /> <br /> <br /> La atribución a la lengua sola de virtudes vinculadas a una historia a la vez se equivocan de genio y muestran también cuán poco genio y poco sentido del lenguaje tienen, los seudo defensores del francés.<br /> <br /> <br /> <br /> 24. Desde el punto de vista de una teoría general, se puede destacar dos cosas. Una es que el mayor peligro para una lengua no es la hegemonía de otra, incluso y aún más si esta hegemonía es solamente económica y política, el mayor peligro (consecuencia de la reducción del lenguaje a lengua) es la ausencia de creación de valores (artísticos, éticos, políticos) de los que la hablan. Ausencia de creación iguala a traición.<br /> <br /> <br /> <br /> El griego clásico y el hebreo bíblico son el ejemplo mismo que lenguas, una, el hebreo no tuvo nunca importancia política, y la otra cuya importancia no sobrevivió al imperio de Alejandro, tuvieron y siguen teniendo su importancia transhistórica sólo mediante las obras de pensamiento que fueron producidas en esas lenguas. Y son las obras, creaciones del pensamiento, que hicieron lo que son las lenguas, lo que llevan las lenguas. Ya que no son las lenguas, como lenguas en sí, las que produjeron las obras. E incluso cuando el estado de lengua es antiguo, o que la lengua pasa a ser muerta, como el latín, la palabra, ella, es viva.<br /> <br /> Así el latín, del cual se dice muerto en el siglo XVII, y lengua de los eruditos entre ellos (y las tesis de doctorado en el siglo XIX aún se escribían en latín, la de Jaurès, por ejemplo), no se puede decir que es una lengua muerta (aparente banalidad que sin embargo retoma una obra reciente, le latin ou l’empire d’un signe, XVI-XX siècle, el latín o el imperio de un signo, del siglo XVI al siglo XX, de Françoise Waquet, Albin Michel, 1998), si Francis Bacón, Hobbes, Descartes, Espinosa, Leibniz inventan pensamiento, inventan, pues, en latín.<br /> <br /> Pero el arameo, que en la época posbíblica tenía una importancia comunicacional transnacional, ya no existe más que en algunos pueblos. En cuanto a los grandes imperios de aquel entonces, sólo dejaron vestigios arqueológicos.<br /> <br /> Hay que reconocer una historicidad del sentimiento de las relaciones entre las lenguas. De este modo, hay una paz de las lenguas vernáculas en la Edad-Media, en Europa, por la transnacionalidad del latín. Después, una guerra de las lenguas contra el latín, luego entre ellas en Europa a partir del siglo XVI. De ahí, surgió la universalidad del francés en Europa en el siglo XVIII. De ahí la lucha de la Revolución francesa en contra de los “patois”, los hablares regionales (mezclando sin distinguir los dialectos del francés y las demás lenguas -el bretón, el vasco) hasta la tercera república. Tratando de la francofonía actual, o multiplicidad de los franceses en el mundo, ya no es compatible con Rivarol. Esto también, hay que pensarlo.<br /> <br /> <br /> <br /> 25. Es seguro que el sentido de la pluralidad interna (y también externa) –el sentido en el sentido del sentimiento de una necesidad y de una copresencia- es reciente, y seguramente vinculada con la historia de las descolonizaciones, pero también remonta a las relaciones entre el romantismo de las especificidades y los nacionalismos que son el resultado de la politización. <br /> <br /> <br /> <br /> 26. Sin embargo este sentido de la pluralidad puede él mismo ser ya regionalista (y nacionalista, ensimismarse en sí y reproducir a pequeña escala el ensimismamiento del pensamiento de la lengua), ya pluralista, es decir desarrollarse como el reconocimiento de las pluralidades internas, y de la pluralidad de la identidad. Capaz entonces de una teoría general.<br /> <br /> <br /> <br /> 27. En el momento en que reconocemos que la desaparición de una lengua puede ser causada sea por la destrucción de una población, sea por un aplastamiento cultural, está claro que la defensa de las lenguas no es un problema de lengua, pero necesariamente el reconocimiento de la interacción entre la teoría del lenguaje, la teoría de los actos del pensamiento, la ética y la política. <br /> <br /> <br /> <br /> 28. A falta de que, por ser la heterogeneidad de las categorías de la razón que reina, la ética sola es impotente, la política sola es omnipotente, las cosas del arte no son entendidas como la mejor defensa de las lenguas, y las lenguas siendo reducidas a medios de comunicación, solamente se difunden y asfixian las demás, esas lenguas que comunican el poder económico-político.<br /> <br /> <br /> <br /> 29. Conclusión paradójica –pero el trabajo del pensamiento ha de transformar las paradojas en perogrulladas del futuro- lo que se destaca de esta concatenación de las razones es que la defensa de las lenguas no está en el pensamiento de la lengua, sino en el vínculo que aún hace la utopía del pensamiento del lenguaje, el vínculo entre lenguaje, arte, ética y política como teoría general. Es decir una enseñanza obligatoria del sentido del lenguaje.<br /> <br /> <br /> <br /> 30. <br /> <br /> Texto escrito por Henri Meschonnic.<br /> <br /> Propuesto en el Forum de las lenguas el 28 de mayo del 2006, en la Plaza del Capitole de Toulouse.<br /> <br /> Traducido por Emilie Fernandez. <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br /> After we have affirmed rights of languages, it is time to proclaim our obligations towards them.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> ….the biggest danger for a language is not the hegemony of another language, even and even more if this hegemony is merely economic-political, the main danger (result of reducing language to the language) is the lack of (artistic, ethical, political) value creation by those who speak it. Lack of creation equals betrayal.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> In 2011 International PEN released a poweful document aiming at supporting linguistic diversity: the Girona Manifesto. PEN Occitan played an active role in its writing. This declaration was a condensed and improved version of the 1996 Universal Declaration of Linguistic Rights (UDLR, also known as the Barcelona Declaration). In this document we present another document on linguistic diversity due to the famous French linguist Henri Meschonnic who became close to Occitan intellectuals during the last years of his life and regularly participated to the Toulouse “Forom des Langues du Monde” where he delivered this amazing manifesto in May, 2006. Meschonnic and Castan who were the leaders of this cultural event claimed that fighting for linguistic rights is mandatory but is not enough and that, beyond those rights, there is a need to defend the obligations towards languages and language. <br /> <br /> <br /> <br /> We are proud to share in the context of International PEN with all actors of cultural freedom and diversity this intellectual legacy of one of the most impressive actors of modern reflexion about language, translation, and linguistic diversity.
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