En réaction à un débat récent organisé par l'Institut d'Etudes Occitanes, dont le but était d’engager des initiatives concrètes pour développer (sic) la présence de l’occitan dans le Parc Naturel Régional Périgord-Limousin, (j’en fus l’immodéré modérateur), Jean-Christophe Dourdet m’a communiqué le texte qui suit. Personnellement, je ne suis pas d’accord avec certains points de son analyse et en particulier j'ai sans doute beaucoup moins de réticences quant au principe de la labellisation « òc » d’un hypermarché, s’il remplit effectivement les critères (sans qu’il soit question de label, voir ici, Family Village Limoges et Auchan Périgueux : supermarchés et couleur linguistique). On peut évidemment s’interroger sur tous les aspects de cette labellisation et la façon même dont elle est poursuivie, parfois – ce qui pour moi est proprement scandaleux –, par des chargés de mission qui ne connaissent pas la langue. Le modèle breton de l’Office pour la Langue Bretonne (label "Ya d'ar brezhoneg"), semble montrer que ce type d’initiative joue un rôle positif dans l’image de la langue et devient un argument important pour les associations cherchant à développer la pratique de la langue, à l’école et ailleurs, voire même dans les hypermarchés ! (ici, le magasin Auchan de Périgueux offre une formation en oc aux salariés intéressés). Évidemment l’instrumentalisation commerciale de la langue est à double tranchant et l’on peut aussi remarquer que la présence massive de l’anglais dans les boutiques n’a guère fait progresser sa maîtrise linguistique ! Bref, les questions sont nombreuses autour de ces efforts pour réintroduire la langue dans la vie économique et le texte de Dourdet est un excellent moyen d’ouvrir la discussion.
J.-P. C.
Hypermarché, label oc et culture paysanne
Vendredi 4 novembre dernier se déroulaient « Las rencontras de l’occitan en Peiregòrd-Lemosin[1] » à Saint-Matthieu (87), organisées par l'IEO dans le cadre du parc naturel régional Périgord-Limousin. A l’issue de la première présentation du début d’après-midi portant sur « la linga dins l’economia e l’agricultura », un débat s’est engagé consécutivement à l’intervention d’un participant[2], conteur limousin et cultivateur de pommes bio, membre de l’association « Les croqueurs de pommes », au sujet de la labellisation « òc per l’occitan[3] » d’un grand supermarché de Périgueux qui affiche la langue dans ses rayons. Le participant à cette occasion a fait connaître ses doutes quant à la labellisation du supermarché en question[4] précisant « qu’avec la langue, il y a aussi la culture et qu’il ne faudrait pas l’oublier », qu’à ce titre, la labellisation « òc per l’occitan » du supermarché de Périgueux ne lui plaisait pas beaucoup dans la mesure où la grande distribution, est tout de même ce qui a largement contribué à tuer l’agriculture paysanne, ce à quoi plusieurs participants des rencontres ont rétorqué que le label « òc per l’occitan » n’avait pas vocation à se soucier de culturel mais seulement de linguistique, parmi lesquels Erwan Le Cloadic de l’Office de la Langue Bretonne qui a promu le même genre de label pour le breton.
Alors que j’assistais au débat, cela a suscité chez moi une vive interrogation sur la manière de s’engager pour notre langue ; à savoir si oui ou non il est possible voire souhaitable de distinguer radicalement, dans le cadre de l’engagement en faveur d’une langue minorisée, revendication linguistique et culture vernaculaire, revendication linguistique et lutte sociale, revendication linguistique et préoccupation écologique.
A mon sens, bien que la langue d’oc ne soit pas inféodée, au sens des sciences naturelles, à la culture vernaculaire paysanne, et qu’il semble bienvenu qu’elle conquière ou reconquière de nouveaux espaces socioculturels, il serait tout de même particulièrement exagéré de nier les rapports étroits que la langue a entretenu au cours des siècles passés, et ce jusqu’à aujourd’hui, avec le monde paysan, et par conséquent avec l’agriculture familiale et une certaine « manière de vivre » (un biais de viure diraient d’autres). Jan dau Melhau, artiste limousin, a coutume de dire que ce qu’il nomme la civilisation paysanne est morte le jour où sa grand-mère a lié les vaches pour la dernière fois (déclaration qui a d’ailleurs été évoquée et critiquée lors du débat). Pour la langue, on pourrait sans doute ajouter que ce fut alors le début de la fin. On peut ne pas être d’accord avec cette déclaration dans la mesure où une langue, grâce à ses locuteurs, est capable de se renouveler et de s’adapter, et qu’elle n’est évidemment réductible en rien à une dimension socioculturelle et une seule, mais on ne peut pas non plus faire abstraction des siècles de culture paysanne qui ont laissé leur empreinte sur la langue tant dans le domaine lexical que dans le domaine idiomatique par exemple. En ce sens, séparer radicalement aujourd’hui la langue de la culture vernaculaire et paysanne me semble regrettable.
L’état dans lequel nous est parvenu l’occitan est à l’évidence étroitement corrélé avec la vie paysanne, avec les ancêtres mêmes, ces ancêtres dont Delpastre a érigé en livre le tombeau (cf. Le tombeau des ancêtres chez Payot et Rivages). De cette manière, c’est la langue de mémé, mémé la paysanne, qui a subsisté et en faire abstraction me semble relever en quelque sorte d'un raisonnement biaisé. On peut bien entendu vouloir défendre la langue en tant que telle séparément de tout aspect culturel mais il s’agira alors à mon sens d’inventer un nouvel espace social, l’ancien ayant disparu, dans lequel la langue aura sa place car sinon, je m’interroge : à quoi bon vouloir substituer une langue à une autre, en l’occurrence l’occitan au français, si celle-ci doit jouer exactement le même rôle sans faire entendre sa voix dans ce qu’elle a de particulier (id est la culture dont elle est vecteur) ?
La langue n’est certes pas « limitée » (c’est déjà énorme pourtant) à la civilisation paysanne, elle procède aussi de la lyrique courtoise des troubadours, des littératures renaissantistes du XVIe et XVIIe siècle, ou patoisantes, ou encore plus récemment des littératures d’obédience félibréenne ou bien occitaniste, de la création artistique contemporaine également, et cela, il ne faut pas l’oublier lorsqu’on prétend à donner une image assez complète de la langue, mais tirer un trait net sur la paysannerie, alors que c’est grâce à ces paysans que la langue n’est toujours pas morte, quand bien même la transmission a fini par s’interrompre au XXe siècle, c’est aller vite en besogne, c’est même particulièrement ingrat vis-à-vis de pépé et mémé. Vous me direz, pépé et mémé n’ont rien demandé, ils sont morts et enterrés, et que désormais la langue appartient aux « nouvelles générations ». Sans doute, mais je trouve tout de même dommage de faire table rase du passé, d’ailleurs de la même manière que les détracteurs des langues minorisées le font qui renvoient exclusivement ces langues à une caricature de passé considéré essentiellement comme un âge obscur à oublier au plus vite. La querelle des Anciens et des Modernes ne se résoudra évidemment pas aujourd’hui, entre ceux qui veulent absolument sauver la langue pour la langue faisant totale abstraction de la culture qui nous l’a transmise et ceux qui ne jurent que par la glorieuse civilisation paysanne « d’un còp era ».
En ce qui me concerne, je vois mal comment on peut réussir à extraire radicalement, et j’insiste sur cet adverbe, la langue du milieu qui l’a porté pendant ces derniers siècles et même si je suis en faveur d’un renouvellement des formes et des lieux d’expression de la langue, je préfère ne pas couper les ponts au moins avec une part de la culture des ancêtres, même si je ne peux bien entendu pas accepter tout de l’héritage de mes propres grands-parents tant leurs conditions de vie étaient rudes (pourquoi néanmoins jeter le bébé avec toute l’eau du bain ?) . Ce biais de viure des ancêtres, je préfère le réactualiser en un mouvement qu’on pourrait qualifier d’humainement et écologiquement responsable, en privilégiant une agriculture à taille humaine respectueuse de l’environnement, en rejetant donc tout consumérisme et productivisme, en soutenant un mode de vie plus ou moins alternatif, en tous cas conscientisé.
Mais que trouver à redire du point de vue linguistique au fait qu’un supermarché affiche la langue dans ses allées ? A priori rien, au contraire, cela prouve que la langue est capable de s’approprier de nouveaux espaces et c’est une bonne chose. On peut néanmoins aussi remettre en question la politique consumériste des supermarchés qui ont tué le petit commerce et les petits agriculteurs en refusant de voir associer sa langue à l’industrie agroalimentaire. Le label « òc per l’occitan » tel qu’il a été conçu n’a manifestement pas cette préoccupation. C’est là qu’on peut s’interroger : peut-on faire abstraction de la situation sociolinguistique de l’occitan en séparant engagement linguistique en faveur d’une langue en situation minorisée et engagement pour une société plus juste ? La question mérite débat. Je n’ai pas de réponse arrêtée en ce qui me concerne.
Le supermarché en question mérite-t-il pour autant un label « òc per l’occitan » ? A nouveau, de la manière dont le label est conçu, pur produit marketing finalement, il n’y aucune raison de refuser le label à un organisme qui en fait la demande. La question culturelle et affective ne fait pas partie de la problématique. On peut alors peut-être regretter que la conception du label n’ait pas en amont intégré une part d’écoresponsabilité eu égard à la situation sociolinguistique particulière qui est celle de la langue dans cet État hyper centralisé qu’est la France. La réflexion a bien entendu été toute différente dans d’autres États, en Catalogne par exemple où la langue a constitué un véritable emblème de fierté nationale marqueur d’une situation sociolinguistique particulièrement favorable.
On peut aussi se demander si le salut de la langue passe nécessairement par l’affichage dans des lieux jusqu’à présent réservés au seul français encore que l’anglais tend à faire son apparition depuis quelques années ? Certains le penseront et peut-être auront-ils raison, considérant les expériences qui se sont déroulées dans d’autres pays d’Europe et du monde, moyennant le fait néanmoins qu’on s’intéresse exclusivement à la langue, et à la culture en arrière plan seulement voire pas du tout. Je ne crois pas pour ma part que d’afficher la langue dans un temple du consumérisme sera d’un quelconque effet, ou alors à la marge, pour la reconquête linguistique ou mieux la restauration de l’usage.
Lutter pour cette langue, la revendiquer, est en soi un acte éminemment politique et cela s’accompagne à mes yeux nécessairement d’une revendication du droit à l’altérité et certainement pas à l’indifférenciation. On peut bien sûr légitimement aspirer à une égalité absolue entre le français et l’occitan, mais c’est tout de même ignorer la situation catastrophique actuelle.
Alors, pourquoi ne pas afficher la langue dans les supermarchés qui le voudront dans la mesure du possible, je ne vois aucune objection, je m’interroge seulement sur l’intérêt réel que cela présente pour la langue. Je vois davantage d’intérêt à redonner sa place à la langue dans le local, dans l’économie locale, dans le cadre d’une société réinventée, où elle pourra retrouver un sens qu’elle ne peut manifestement pas avoir en jouant dans la cour du français en France, français omniprésent depuis plusieurs générations désormais, sur toutes les lèvres, sur tous les panneaux, dans toutes les oreilles. La lutte n’est à l’évidence en rien équitable et ce ne sont pas les quelques concessions des politiciens et autres décideurs qui rééquilibreront les parties.
La langue ne peut guère désormais exister, sauf à vouloir un état indépendant (mais pour qui, pour quoi ?), qu’en complément au français, jamais en substitution. Je poursuivrai à cet égard par quelques questions volontairement provocatrices mais néanmoins fondamentales : quel besoin auraient les gens de l’occitan dans les actes de leur vie de tous les jours alors qu’ils ont déjà cette langue qu’est le français qui remplit bien cette fonction ? On pourra mettre en avant l’aspect identitaire, certes, mais qui se sentira concerné par ce marqueur identitaire qu’est la langue quand tout le monde se sent évidemment avant tout français parlant français ? Qui aujourd’hui se sentira limousin ou périgourdin avant d’être français ? Comment alors susciter l’envie de s’identifier à cette langue ? Cela est-il même souhaitable et si oui pourquoi ? Ne vaut-il pas mieux que la langue meure plutôt que de sauver quelques modalités linguistiques romanes sans préoccupation culturelle aucune d’aucun ordre que ce soit (culture paysanne, mode de vie alternatif ou néo-paysan etc.) ?
Attention, n’allez pas croire que je soutienne l’une ou l’autre de ces thèses, je relaye simplement ce que j’ai déjà pu lire ou entendre et qui suscite l’interrogation. Je ne suis pour ma part en rien hostile à l’innovation, au contraire, même si je préfère qu’elle soit porteuse de sens. Je serais content aux alentours de chez nous de trouver de l’occitan au supermarché, je me pose juste la question de l’intérêt que cela présente réellement, bien que je préfère trouver de l’oc chez un petit producteur qui vend des fruits et légumes en agriculture sinon bio en tous cas raisonnée, produits de qualité auxquels la langue pourra apporter une valeur ajoutée.
Par ailleurs, je sais bien que certains occitanistes rêvent de Catalogne, Generalitat d’Espagne où la langue catalane est omniprésente avant même le castillan… mais force est pourtant de reconnaître que la situation sociolinguistique est là-bas radicalement différente de celle d’ici. Cela me ferait plaisir de voir afficher la langue de mémé partout, sans aucun doute (galvaudée chez Mc Do, par contre ça me ferait mal, mais passons, je n’ai sans doute pas le monopole de la langue), mais c’est oublier que la langue n’assure pas ou plus en France de fonction véhiculaire, et n’aura probablement plus l’occasion de le faire car le français joue déjà ce rôle, à moins de vouloir faire reculer l’usage du français chez nous ce qui est raisonnablement compliqué pour ne pas dire impossible.
Enfin, je sais aussi qu’il y a bien des petits qui apprennent la langue sans qu’ils n’aient aucun lien affectif avec elle, mais combien ? Et combien de petits seraient susceptibles d’apprendre l’occitan sans avoir aucun rapport de près ou de loin avec cette langue et selon quelle motivation alors ? La littérature, la musique, les spectacles ? Ce sont en effet des motivations qui peuvent venir combler des manques, cependant on a du mal à trouver la matière pour motiver les troupes, en particulier quand on sait qu’une émission de radio d’une heure par semaine n’est pas en mesure de tourner avec des artistes occitans seulement, car il n’y a tout simplement pas suffisamment de création. La situation est véritablement à mille lieues de la situation catalane ou même bretonne. On manque pour ainsi dire de tout en Occitanie en matière linguistique.
Vous l’aurez compris, pour moi, la revendication linguistique est étroitement liée à la fois à l’affectif et à la revendication culturelle. Elle est revendication d’un certain « biais de viure » réinventé, réactualisé, ou en tous cas qui reste à l’être d’une manière plus ou moins alternative. Je comprends bien que d’autres n’auront pas les mêmes préoccupations que les miennes et que le projet de ceux qui rêvent d’une réhabilitation de l’occitan à grande échelle diffèrent du mien mais je reste ouvert à tous les avis. Les questions que je pose plus haut peuvent servir de point de départ à une discussion si besoin.
[2] Le participant en question est Jean-Claude Jarry, conteur limousin, que chacun pourra découvrir dans un documentaire publié en dvd par l’Institut d’Estudis Occitans dau Lemosin intitulé Conterra dans lequel on rencontre également trois autres conteurs occitans : Paul Bony, Fernand Desaguiller et Alberte Forestier.
[3] Le « label òc per l’occitan » consiste en un label valorisant l’implication en faveur de la langue occitane de la part d’un organisme signataire et qui comporte un cahier des charges auquel se conformer selon trois niveaux d’engagement.
[4] Il s’agit du supermarché Auchan de Périgueux-Marsac.
Pour ma part, qu'il y ait de l'occitan chez Auchan ou Leclerc, ça ne me dérange pas, même je m'en fous complètement. Je n'ai jamais pu avoir d'avis tranché là-dessus et m'en suis lâchement désintéressé. Mais la question a été débattue semble-t-il lors de ces Assises à laquelles je n'ai pas pu assister. A dire vrai, je n'ai jamais été vraiment gêné par le fait que ce soit la grande distribution qui "récupère" la langue, j ne m'étais pas vraiment posé la question en ces termes, parce-que je pars u principe que la langue appartient à tous et que j'aimerais justement qu'elle sorte d'un cercle, d'un mitan de quelques centaines de personnes qui dictent ce qui est bon pour elle et ce qui ne l'est pas, même ce qui est bon pour le peuple d'Occitanie et ce qui ne l'est pas. Par contre, je m'étais dès le début demandé à quoi servirait ce saupoudrage de langue en milieu hypermarchien. Je veux dire concrètement, en quoi cela aide la langue ? Sans compter que sans revenir aux histoires de graphies, la question est la même que pour la signalisation bilingue : que quelques jeunes Périgourdins retiennent qu'on dit "Boucharia" ou "Chabatze d'entrare" en occitan, sans en outre forcément faire le lien avec le "patois" de mémé, fait-ce vraiment progresser la langue?
Se pose bien sur cette question du lien aux racines, à la terre, à la ruralité, à la paysannerie. C'est compliqué. Nous constatons que beaucoup de citadins s'intéressant à la langue y trouvent un lien à cette civilisation paysanne presque disparue, à la recherche de laquelle il partent le weekend en fréquentant les foires bio et autres marchés de terroir. Pour eux la langue est une constituante importante (pas essentielle) d'une démarche plus globale de résistance au modernisme débridé et au capitalisme déchaîné. Ceux-là inscriront parfois leur enfant en Calandreta, tant pour Freinet que pour l'oc.
Et puis il ne faut pas oublier les autres, ceux qui n'ont plus de lien avec la ruralité, ceux qui ne se soucient pas de décroissance ni d'agriculture raisonnée, ceux qui n'ont rien à redire de leur vie en ville. Des gens tout à fait coupé du monde rural (et de sa langue donc). On en trouve certainement moins en Limousin qu'en Languedoc ou en Provence, proportionnellement, tant il est vrai que nous avons la chance chez nous d'avoir tout de même une majorité de gens encore liés peu ou prou à la terre, qui aiment leur région, parcourent ses chemins creux et ses villages, dont la famille possède parfois une maison à la campagne, au village familial, où ils aiment le dimanche s'échapper de Limoges, de Guéret ou de Brive. Mais tout de même, malgré tout, la majorité des citadins occitans n'ont plus de lien à la terre occitane. Beaucoup d'ailleurs viennent d'autres régions, sont arrivés là par hasard, parfois par choix mais surtout parce-que "Toulouse ça bouge et c'est tranquille en même temps, c'est cool!" ou que "Marseille c'est la grande ville, mais en 5 mn tu peux te dorer la pilule dans une calanque, tranquilou", je veux dire sans jamais s'être posé la question culturelle, s'être intéressés à la culture traditionnelle locale.
Cependant tous ces gens ne sont pas forcément hostiles, loin de là, je n'ai que l'expérience limousine (qui est peut-être un peu biaisée par le profil décrit ci-dessus : attache affective forte à la région qui est essentiellement rurale) mais j'ai l'impression que minoritaires sont les hostiles à l'occitan, majoritaires sont ceux qui s'en foutent, et entre les deux il y a ceux qui peuvent s'intéresser un peu. On ne peut pas les effrayer ni leur barrer l'entrée sous prétexte qu'ils sont de droite, qu'ils roulent en 4x4 et qu'ils font leurs courses chez Leclerc ou Carrefour. Ces gens-là, disons-le franchement, l'occitanisme a bien du mal à les accepter, à cause de son histoire récente plutôt bien ancré à gauche (Larzac etc.).
Alors c'est compliqué, oui, je n'apporterai pas de réponse non plus, évidemment.
Je voulais ajouter aussi que quand on annonce aux derniers locuteurs naturels et à leurs enfants (qui ont donc la cinquantaine passée maintenant) qu'on va écrire des choses en "patois" au supermarché ou encore qu'on enseigne leur "patois" à l'université, il y a une réaction généralement tout à fait ambivalente : ils sont fiers, c'est comme un pied-de-nez au mépris qu'on a si souvent eu pour leur langue par le passé, et puis en même temps ils n'aiment quand même pas trop qu'on se servent de "leur" langue pour ce genre de choses, qu'on les "dépossède" quelque part de leur langue, qu'on la sorte du milieu familial et du monde paysan justement. Tout ça est à prendre en considération, on ne peut pas le balayer d'un revers de main méprisant du genre "ce sont des passéistes, nous on se bouge pour l'occitan!". En tout cas c'est peut-être aujourd'hui possible en région toulousaine, certainement pas en Limousin, Périgord ou Auvergne. Car non chez nous la langue "naturelle" n'est pas encore crevée, et mine de rien beaucoup de locuteurs actifs et leurs enfants (locuteurs passifs) surveillent du coin de l’œil qu'on ne fasse pas non plus n'importe quoi avec leur langue.
ps: j'avais arrêté de lire le journal La Setmana il y a au moins 2 ans car je le trouvais décidément trop centré sur le "mitan", et en plus le "mitan" languedocien et gascon. Je le feuilletais hier par hasard, je vis une interview de Jan-Francès Vinhaud, de l'IEO Lemosin, à propos de ces Assises dont on parle ici. J'y ai découvert que Jan Francès Vinhaud avait répondu à toute l'interview en languedocien central ! Incroyable non? Plus sérieusement, soit il a répondu aux questions en français et la Setmana n'ayant pas un Limousin dans la bande, a tout traduit en languedocien. Soit pire, JF Vinhaud a répondu en limousin et ils ont traduit en languedocien ! Si quelqu'un a la réponse, que je finisse de me forger une opinion sur ce petit journal.