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Mescladis e còps de gula
Mescladis e còps de gula
  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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4 octobre 2010

Francophonie en Limousin et plurilinguisme

 

francophonies_2010

 

Limoges : Francophonie et plurilinguisme

 

 Les Francophonies en Limousin s’achèvent et elles nous auront permis de voir des spectacles de grande qualité, venus de foyers de création dont le dénominateur commun est, a priori, qu’ils ont à voir avec la langue française.

 J’ai déjà dans le passé (sans avoir d’ailleurs suscité la moindre réaction des organisateurs), insisté sur un paradoxe : le français, comme il se doit, règne en maître sur le festival, mais la poussée des autres langues parlées dans les pays réputés francophones, en Afrique, ailleurs et jusqu’en France même (territoires d’Outre-mer et métropole compris), est évidente, discrète en certains spectacle, massive en d’autres.

 Lors de cette édition, nous aurons eu une pièce de théâtre tunisienne (Amnesia, d’une qualité tout à fait exceptionnelle) entièrement jouée en arabe dialectal ; quelques mots en swahili ont été prononcés dans le beau spectacle congolais “Et si on te disait indépendant ?”, plusieurs des chanteurs et danseurs d’Afrique noire ont fait entendre leurs langues (par exemple le lingala et le swahili, associés au portugais, du chanteur congolais Lokua Kanza... On a remarqué cette année une très forte présence du Congo). Plusieurs titres de spectacles ont aussi fait résonner diverses langues : Ayiti (“Haïti” en créole haïtien) ; Losanganya (“Rencontre” en langue tetela) ; Tozokende Wapi? Tokokende Wapi? (“Où allons-nous ? Où irons-nous ?”, titre en lingala d’une exposition photographique sur le quartier de Kindele à Kinshasa). Les langues minorées de France ont elles-mêmes fait leur entrée cette année, par la petite porte de la chanson et quasiment en contrebande : des accents de breton, d’alsacien, et d’occitan, mariés à l’arabe irakien dans le concert de l’iraquien Fawzy Al-Aiedy (Noces-Bayna)[1] et même (grande première) peut-être (je n’y étais pas et demande confirmation) y a-t-il eu quelques mots de prononcés en occitan limousin lors du concert du groupe trad-punk de Seilhac, Le Band, qui n’hésite habituellement pas à introduire dans son répertoire quelques morceaux en Limousin (surtout en fait dans leur deuxième formation : Balàlavoix). Il faut aussi signaler ce très beau spectacle du vendéen Sébastien Bertrand, magnifique monologue écrit par son ami acteur Yannick Jaulin et humoriste bien connu. Bertrand, enfant adopté par un couple de musiciens trad vendéens, y raconte son retour, à trente-cinq ans, dans sa ville natale, Beyrouth. Le récit, où les accents et les échos du parlanjhe vendéen sont bien présents, est consacré aux questions d’origine, d’identité, de territoire parsemé de chansons de sa composition ou empruntées à la tradition vendéenne, jouées à l’accordéon.

 Cette liste non exhaustive montre d’abord le fait que des artistes francophones (au sens le plus large, sans tenir compte de la partition idiote et au combien suspecte entre artistes français et francophones) ressentent de plus en plus la nécessité d’associer au français leurs autres langues, voire carrément de les faire passer avant le français ou par-dessus le français. Cela veut aussi dire, et nous devons leur en savoir gré, que les organisateurs ne sont pas hostiles à cette présence, car ils pourraient évidemment exclure a priori tout autre idiome que le français (à l’image de ce que le Conseil Général de la Haute-Vienne – l’un des partenaires des Francophonie – a récemment fait pour l’occitan lors d’une manifestation à Saint-Pardoux), ce qu’après tout une vision étroite de la vocation du festival pourrait justifier.

 Si le festival développe une politique d’invitation des langues et de plurilinguisme, c’est tout à son honneur. Pour autant, rien n’en transparaît dans sa communication : trop souvent cette présence n’est même pas signalée, parfois même il n’est pas dit de quelle langue sont les mots et expressions, dument traduits en français, qui servent de titres de spectacle ou de nom aux compagnies (par exemple on nous dit bien que l’association fondée par le rappeur congolais Pasnas, « Kake Ya Mohi », signifie « La foudre en plein jour », mais on ne nous précise pas en quel idiome, de même pour l’expo photo signalée ci-dessus…). Ces négligences sont en tout cas significatives du rôle très subalterne et pour tout dire anecdotique joué par ces échos pourtant nombreux, tout un monde en fait, bruissant aux portes du français. Dans son texte de présentation du festival, Jean-Marie Borzeix, le président des Francophonies, s’en tient à l’éloge de « l’utopie francophone », et répète inlassablement le mythe d’une francophonie de la fraternité entre les peuples et les classes sociales, bonne fée qui se serait penché sur le berceau des  indépendances africaines, dont on fête cette année le cinquantième anniversaire (ce sur quoi insiste justement Marie-Agnès Sevestre, directrice du festival, dans sa propre introduction). Tout au plus est-il dit que ce rêve sublime était celui de « s’approprier une langue commune, de la partager avec d’autres dans le respect de leurs cultures respectives » (je souligne). Borzeix, par son festival, se veut le dépositaire de ce rêve, affirmant bien haut que la francophonie « offre la chance de favoriser l’expression de la diversité des cultures tout en donnant des armes pour résister aux égoïsmes nationaux, aux intolérances communautaires, aux tentations funestes du repliement sur soi » (je souligne encore). Le mot de langue n’est donc pas prononcé, même s’il est nécessairement impliqué dans celui de « culture » décliné au pluriel… S’il l’était, ce serait sans doute plutôt (puissé-je me tromper !), pour mettre en garde que cet usage des petites langues à vocations locales ne servent le communautarisme et le repli sur soi, ce qu’exclut évidemment la vocation universaliste du français. Ceci pour rester dans les coordonnées de la langue et pensée de bois francophoniste.

 En fait, et c’est tant mieux, le festival lui-même vaut bien mieux que sa propre publicité. Deux spectacles qui sortaient complètement du cadre de la promotion francophoniste m’ont donné de quoi réfléchir à ce qui reste tout de même le scandale culturel de cette manifestation, à savoir l’ostracisme de la langue historique du limousin, dont la moindre des choses serait qu’elle ait sa place, explicite, visible, reconnue, fût-elle modeste, dans le festival.

Le premier fut la représentation d’Ouverture Alcina, spectacle musical et théâtral, entièrement en romagnol de Ravenne. Cette pièce de Marco Martinelli, servie par une comédienne exceptionnelle (Ermanna Montanara), une très belle musique électroacoustique (Luigi Ceccarelli) et un texte magnifique du grand poète romagnol Nevio Spadoni, associe en fait une déclamation dans le « dialecte » de la région de Ravenne, utilisé pour sa puissance tellurique et sa corporéité (représentation discutable d’un langue minorée en perdition, mais en tout cas extrêmement fertile d’un point de vue esthétique dans ce spectacle) et celles de quelques vers et octaves fameux du Roland furieux, le grand poème de l’Arioste (XVIe siècle), dont certains poètes paysans, aujourd’hui encore dans la péninsule connaissent par cœur de larges extraits. La rencontre entre le romagnol de Spadoni et le toscan de l’Arioste se fait à travers le nom d’Alcina, la magicienne, ensorceleuse d’hommes dans le Roland furieux (et d’autres textes), qu’un homme très modeste dans un village, grand lecteur du poème, choisit pour sa fille. C’est l’histoire « vraie », à la fois fait-divers et réactualisation du mythe d’Alcina, sur laquelle Spadoni a bâti son magnifique poème. Cette création qui, depuis dix ans, sillonne le monde, si proche par certains aspects du monologue de la Medelha de Max Rouquette mériterait sans aucun doute un post spécifique. Ici, je voudrais seulement demander, à haute voix, quelle est cette malédiction qui pèse sur notre langue, en sa propre terre, qui fait que l’on accueille ici avec curiosité et émotion un texte en l’un nombreux « dialectes » italiens, alors qu’il n’est encore pas possible, dans le cadre des francophonies limousines, dirigées par quelqu’un qui larmoie sur son (soi-disant) « patois » (soi-disant) défunt (voir ici « La langue des cimetières » : l’oraison funèbre d’un "francophone" pour le "patois" limousin), d’y entendre du Max Rouquette ou du Jan dau Melhau ?

 Ma deuxième réflexion est suscitée par le spectacle de rue auquel les Francophonies nous ont permis de participer, place de la Motte : Domaine public. Il consiste en un dispositif ludique et stimulant : les acteurs improvisés (qui sont aussi leurs propres spectateurs) déambulent, munis de casques audio par lesquels ils sont guidés, et au travers desquels sont posées des questions personnelles, nombreuses, simples et parfois embarrassantes. Ils y répondent par des gestes codifiés, inattendus, illisibles par les passants qui dessinent une étrange chorégraphie… Ce qui se joue n’est pas anodin, c’est à la fois la proximité et les différences de tous ordres qui unissent et séparent les individus, situés socialement (ainsi apparaît, au fil des questions, les clivages inattendus de ceux qui gagnent plus ou moins de 2000 euros par mois, de ceux qui sont nés ou non dans le pays, etc.). Dans le Popu de ce jour (vendredi 1er octobre), le metteur en scène est présenté, simplement comme un « espagnol » ; en réalité il s’appelle Roger Bernat, il est catalan (la documentation des francophonies dit plus objectivement « Espagne/Catalogne) », vit à Barcelone et son spectacle est d’ailleurs sponsorisé en partie par la Generalitat de Catalunya. Ce metteur en scène, considéré comme l’un des plus novateurs de Catalogne et d’Espagne, s’exprime en catalan dans les interviews qu’il donne (voir par exemple un entretien sur You tube, que les occitanophones comprendront sans problème, où il explique sa démarche et raconte brièvement son itinéraire). J’ai pu discuter avec lui, avant le spectacle, lui en catalan, moi en languedocien, sans difficulté aucune. Surpris de rencontrer des occitanophones à Limoges, qu’il ignorait d’ailleurs complètement être en zone occitane (c’est la Libraria occitana, rue de Haute-Vienne qui lui avait mis la puce à l’oreille), il me dit en riant, mais non par simple plaisanterie que, s’il avait su, il aurait pu aussi faire la bande audio en occitan car, comme il me le montra, un switch sur le casque permet de changer de langue ; ainsi me dit-il, à Barcelone, les gens peuvent-ils choisir entre catalan et castillan, au Canada entre français et anglais, et en France, en France… entre français et français… Voilà, tout est dit. La France est le pays où il n’y a d’autre choix linguistique légitime qu’entre français et français. Les autres sont soumises à une clandestinité plus ou moins tolérée, et acceptée comme une sorte de bruit de fond, sur lequel se détachent les accent clairs et élégants de la francophonie.

 L’ai dich : sèm darrèr la pòrta, a espiar, fintar, tustar, butar, romegar… tusta que tustaràs, buta que butaràs, romega que romegaràs ; a man de butar, a man de tustar, a man de romegar, capitarèm ben, un jorn, abans de crebar, d’entrar per la pòrta granda !

 

Jean-Pierre Cavaillé

 

 

lubulu17

Kingele, érosion, collectif SADI

exposition "Tozokende wapi ? Tokokende wapi ?"

 


 

[1] On peut cependant se demander ce que veut vraiment dire donner à entendre une chanson ou deux en occitan à des enfants auxquels on ne dit même pas que cette langue est aussi « leur » langue, une langue dont ils pourraient et devraient être les héritiers, non parce qu’ils seraient de prétendue « souche » limousine, mais parce qu’ils vivent en Limousin et que la langue, à travers ses locuteurs, est liée aux lieux où elle est parlée, parce qu’elle dépend entièrement de la capacité de ceux qui parlent à la transmettre.

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Commentaires
P
petit dur de la feuille, je veux bien être gentil avec tout le monde, mais j'aime bien qu'on m'appelle par mon nom, et qu'on fasse preuve du minimum de courtoisie requis. Comme je suis de bonne humeur, je n'exige pas, en plus qu'on tienne forcément des propos intelligents, parce que faut puis pas trop en demander. Quant au délire broco-gourgaudesque sur l'occitanisme et les nazis ragnagna, faut arrêter, ça vire au procédé qui n'impressionne que les santons grandeur nature du couleitiéou. Si j'avais affaire à quelqu'un de bonne foi, je renverrais à un papier que j'ai publié dans Lengas il y a quelques années sur ce qui s'est passé pendant la guerre, voir si on peut en discuter. Mais visiblement c'est mal barré.. Et s'indigner de voir des occitanistes attentifs au problème berbère, ça ne rend pas vraiment légitime pour donner des leçons d'antifascisme à qui que ce soit.
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L
Insoulenta les occitans e les denouça coumo fasquèron elis dels jousiou del tens de la guèrro es tout un trabal dija!<br /> Moun obro majo es aco ; e tabé tourna dire que les occitanSS coulabourèron activamen a l'Europo nouvèlo d'Adolf Hitler al countro de la falso proupagando que Roberto Lafuente (que Martelou n'es le disipoul) de la resistenço occitano que nous an assucat d'an e d'ans !
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F
Leoupol, de qué avetz fach per nòstra lenga ? De qué fasetz manca insolentar los Occitanistas ont es pas cap l'endrech ?
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L
L'Algerio es independento dempèi 1962 !<br /> On se fout des kabiles en franço , i pas a mescla lour legitime coumbat en Algerio amb la defenso de la lengo d'oc !<br /> Les kabiles fusquèron les pus noubrouses dins le FLN e les pus canis! Boumedienne èro d'ourigino kabile fusquèt un des pus gran enemic des berbères! Se sou pas countent de la poulico algeriano , la devon a-z eli quiti<br /> Per que dounco pas demanda a l'algerio independento d'ensenha l'occitan estant que la majo part des pènegres francéses èron occitan ?<br /> Esperi qu'angessets vistament damanda uno intrevisto a Bouteflika per espaussa vostros teourio enla ?!?<br /> L'ouccitanoulougio es uno secto que refofo d'inoucentasses coumo vous an acabat d'estoufa nostro lengo !<br /> <br /> PS :Ount i a le mai de d'islamistos bartassiès en Algerio al asar Baltasar?
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G
Encore un exemple de boboïsme aggravé : au lieu de répondre que l'oc est la langue du pays, non, on s'enferme dans un discours stupide de diversité linguistique et de mondialisation heureuse.<br /> <br /> http://jacmetolosa.spaces.live.com/Blog/cns!49914F5702C5C72E!15230.entry<br /> <br /> A mettre en relation avec ça, une interview lénifiante, fade, creuse : voilà l'occitanisme d'aujourd'hui. Un tiers-mondisme vaguement écolo. Merde quoi, merde. Où sont les patriotes ? <br /> <br /> http://www.toulouseblog.fr/article-10609-jean_paul_becvort_directeur_du_festival_occitania_il_ny_a_pas_de_notion_de_frontiere.html
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