L’occitan « langue ethnique » selon Claude Sicre
L’occitan « langue ethnique » selon Claude Sicre
Claude Sicre, l’âme des Fabulous Troubadours et du Carrefour Culturel d’Arnaud Bernard, l’initiateur du Forom des Langues, des repas de quartiers, etc. etc. a donné un entretien l’année dernière à la revue Midi-Pyrénées Patrimoine (n° 14). Ce texte a suscité un certain émoi dans les milieux occitanistes, toutes tendances confondues ou presque. A juste titre, me semble-t-il, car Sicre, même s’il est présenté par la revue en question comme le « troubadour moderne d’un occitan vivant », croit pouvoir d'abord constater la « mort » de celui-ci comme langue parlée, juge ensuite que cette disparition est le résultat d’un libre « choix » des occitanophones eux-mêmes (niant expressément toute forme de « répression » linguistique), et estime surtout que cette fin de l’occitan comme langue d’échange spontanée, non seulement est un fait, mais un fait positif. Cela il ne le dit pas en toutes lettres, mais il s’agit bien, comme je voudrais le montrer, de la conséquence nécessaire d’un raisonnement que je trouve pour ma part, non seulement fallacieux, mais pervers.
Ce qui frappe au premier abord est le peu de sérieux des informations historiques, linguistiques et mêmes politiques et l’on se demande quelle est la part de responsabilité de la revue à ce sujet, en la personne du journaliste qui a réalisé l'entretien, Stéphane Thépot. Déjà, les lignes introductives contiennent une regrettable ambiguïté, qui disent : « Jadis, membre de l’institut d’études occitanes, Claude Sicre s’est progressivement détaché du parti occitan… ». En l’absence de lettres capitales, le lecteur comprend que l’Institut d’Études Occitanes, pourtant à vocation strictement culturelle, incarne le parti occitan (et notons bien non pas le Parti Occitan, mais un nébuleux « parti occitan », comme on parlait autrefois du parti de Moscou, ou du parti de l’étranger).
Viennent ensuite, dans les propos rapportés de Sicre, une confusion de noms et surtout une imprécision historique, qui méritent à peine d’être relevés[1]. Plus embarrassante est l’affirmation selon laquelle « il n’y a jamais eu de « répression » de la langue d’oc », et surtout pas à l’école de la République, où l’on se faisait taper sur les doigts certes, mais pas plus quand on parlait occitan que quand on ne savait pas ses règles de multiplication. Pourtant, cette expérience de la « répression » de la langue est rapportée par tous les anciens, qui disparaissent aujourd’hui un à un, mais vous en trouverez encore facilement autour de vous ; c’est un argument qu’ils donnent d’ailleurs souvent lorsqu’on leur demande pourquoi ils n’ont pas transmis la langue. Sont-ils de mauvaise foi, quand ils avancent cette raison ? En partie, et même pour l’essentiel, je le crois, mais on ne saurait pour autant dire que l’école française a finalement été débonnaire, sinon envers les patois, en tout cas avec les petits patoisants. Cette idée, absolument discutable, s’est imposée peu à peu à partir de l’ouvrage de Jean-François Chanet, L’école républicaine et les petites patries (Aubier, 1996), et la passion jacobine a fait le reste, d’autant plus que les contradicteurs potentiels – ceux qui ont vécu la pratique du signal etc. – se font rares. Je renvoie ici à l’ouvrage de Philippe Martel qui, sur cette question essentielle remet les pendules à l’heure (L’école française et l’occitan. Le sourd et le bègue, Montpellier, Presses Universitaires de la Méditerranée, 2008, voir sur ce blog L’école française face au patois). Aussi, affirmer qu’il n’y a jamais eu de répression de la langue d’oc (dans un pays où l’abolition des « patois » fut régulièrement considéré comme une priorité) et aujourd’hui moins que jamais est à mon avis une chose impossible, car elle suppose, comme acquise – ce qui est visiblement le cas pour Sicre –, que cette langue ne puisse avoir d’autre légitimité que dans le strict domaine privé. Le « troubadour moderne » donne son plein assentiment à l’article 2 de la constitution, selon lequel la seule langue de la République, la seule langue officielle (publique donc) de la nation, est le français. Tout usage public d’une langue autre que le français est alors anticonsitutionnelle, partant, bien sûr, illégale. Si un citoyen français ne reconnaît pas la légitimité de cet énoncé constitutionnel et passe à l’acte, en soutenant par exemple un doctorat en breton, ou en prenant la parole pour prononcer la moindre phrase en occitan à l’Assemblée Nationale, alors la censure s’abat immédiatement sur lui, et la parfaite légalité de cette dernière ne l’empêche nullement d’être répressive. On peut juger cette répression nécessaire et justifiée – je n’entre pas ici dans ce débat –, mais répression il y a et il faut au moins avoir le courage de l’assumer comme telle. Lorsque la police réprime une manifestation interdite par la préfecture, on peut juger cette répression légitime, mais on ne va nous faire croire que le fait de vivre en une démocratie – ou prétendue telle –, exclut ipso facto les pratiques répressives. En outre, dire qu’il « n’y a pas de minorités linguistiques dans notre pays, au sens où personne ne peut se dire stigmatisé, mis à l’écart en raison de sa langue », est évidemment une fausseté grossière : tous les groupes et les individus qui ne parlent pas encore le français, ou le parlent mal, ou avec ce qui est identifié comme un fort accent, connaissent la stigmatisation et la mise à l’écart – ce qui est sans doute un phénomène que l’on trouve à peu près dans toutes les sociétés du monde – mais il ne faut pas prétendre alors que la France fasse exception. Il y a des minorités « audibles » comme il y a des minorités « visibles » – et ce ne sont bien sûr pas forcément les mêmes. Il ne suffit pas de décréter l’absence de pertinence du concept de minorité en régime français pour abolir la réalité des phénomènes minoritaires. La réalité est têtue. Et si les locuteurs de langues dites « régionales » ne sont pas stigmatisés, c’est bien sûr en tant qu’ils parlent désormais tous le français, car il y a bien eu stigmatisation et discrimination sociale et culturelle, indiscutablement, des citoyen(ne)s français parlant ces langues sans connaître le français, pendant des siècles et jusqu’à ce que disparaisse le dernière (la dernière) d’entre eux (elles). Par piété, ne badigeonnons pas notre histoire politique et sociale, passée et présente, en rose bonbon et bleu layette.
Une autre affirmation de Sicre, difficile à avaler, est celle selon laquelle les occitanophones, comme la plupart des locuteurs des autres langues historiques de France, ont « choisi majoritairement » d’abandonner leur langue au profit du français. Je suis le premier convaincu qu’il y a eu, de fait, en France, un déficit de résistance (active ou passive) linguistique et culturelle, des élites d’abord, puis beaucoup plus tard et pour finir des classes laborieuses et des paysans parlant d’autres langues que le français. Mais à la fois, avaient-ils véritablement le choix, dès lors que le français ne s’imposait pas seulement comme langue publique officielle (c’est-à-dire dont la connaissance était absolument nécessaire pour se défendre en justice, traiter avec l’administration, etc.), langue de l’enseignement, mais aussi comme langue des échanges marchands, de la promotion sociale, langue de la culture reconnue enfin, de la culture écrite, puis radiophonique et télévisuelle ? Le « choix », dira-t-on, leur était laissé de conserver leur langue dans la vie privée, et ce fut en effet longtemps le cas, mais le français et lui seul, par la boite de la poste devant la porte et par les antennes, sur le toît, ne cessait d’investir cet espace, sans presque aucune ouverture, presque aucune reconnaissance de l’existence de quelque chose d’autre. L’immense succès de la chronique quotidienne de Panazô sur Radio Limoges dans les années 50-60 répondait clairement à se désir frustré et ravalé pour une présence de la langue autre, pour déconsidérée qu’elle fût (et qu’elle st restée ici) dans les médias publics. Finalement, pouvons-nous parler de choix lorsque la dernière génération des locuteurs natifs (celle de mes parents) cessa de transmettre la langue à ses propres enfants ? Drôle de « choix », qui ne fut jamais exprimé, revendiqué, raisonné... Un refus sans doute, l’adhésion dans l’éducation de ses propres enfants aux modèles d’échange public dominants, voire exclusif, mais cette notion de « choix » ici est très problématique... Je suis sûr qu’il nous faut des outils psychologiques et socio-linguistiques autrement plus fins pour décrire le phénomène.
Mais là où, à mon sens, Sicre dérape complètement, c’est en opposant ce qu’il appelle des « langues ethniques » à des langues qui seraient affranchies de cette qualité ; l’occitan tel qu’il est, ou plutôt tel qu’il était parlé dans les campagnes et les villages étant gratifié de cet épithète, alors que le français apparaît au contraire comme une langue par laquelle on échapperait à l’ethnicité. Sicre ne donne aucune définition précise de ce qu’il entend par « langue ethnique », mais en tout cas il est facile de voir que l’opposition qu’il établit n’a aucune pertinence linguistique, sociolinguistique ou/ et historique. Par contre elle exploite à plein la connotation négative qui pèse sur la notion d’ethnicité. Que cela soit bien clair, mon objectif, n’est certes pas ici de réhabiliter cette notion, ni d’ailleurs de participer (dans ces lignes) à une critique des revendications ethniques et ethnicistes, mais seulement d’analyser le discours de Sicre et ses présupposés, dont l’honnêteté intellectuelle me paraît pour le moins suspecte.
L’histoire des langues qu’il nous raconte en effet, de manière on ne peut plus fruste, est un récit mythique. Au départ, selon lui, les langues naîtraient dans des « territoires ethniques » (les guillemets sont dans le texte). Aujourd’hui, à l’ère de la globalisation, l’ethnicité serait une chose dépassée : « à part quelques isolats, il n’y a plus, désormais, de langues ethniques de part [sic] le monde ». On comprend, ou croit comprendre, faute d’explication, qu’une langue ethnique est une langue étroitement territorialisée, sans relation ou contact avec les autres langues. A-t-il jamais existé de telles langues ? C’est-à-dire des communautés humaines dont les membres ne bougent pas (parce que la langue est là où sont les locuteurs et voyage avec eux), et n’entretiennent aucun contact avec les locuteurs d’autres langues ? En tout cas, cela n’a évidemment jamais concerné les locuteurs des dialectes occitans, à quelque époque que ce fût. Déjà, l’expression « territoire ethnique » laisse songeur : qu’est-ce en effet qui distinguerait un territoire ethnique d’un territoire qui ne le serait pas, et partant une langue ethnique de celle qui ne le serait pas ? Un élément de réponse est apporté dans l’évocation du fait qu’il s’agirait de langues nées dans les territoires où elles sont parlées et Sicre donne l’exemple de la Guyane où, à côté des langues ethniques, est parlée depuis les années 1970 la langue des H’Mong chassés du Laos, aujourd’hui figurant dans la liste des langues de France. Cette langue ne serait donc pas ethnique, uniquement parce qu’elle ne serait pas née en Guyane, où elle est maintenant parlée, mais au Laos (où elle était bien sûr ethnique !). Mais... est-on sûr que les langues indigènes de Guyane soient nées là où elle sont actuellement parlées ? Sans compter évidemment que l’on peut se demander ce qu’est l’acte de naissance d’une langue, avant même de s’interroger sur son lieu de naissance et sur le sens qu’il y a à définir une langue comme ethnique ou non ethnique selon le lieu où elle est parlée… Les linguistes utilisent plutôt la distinction entre langues indigènes et allogènes, mais pour ne signifier généralement qu’une différence dans l’histoire des idiomes (d’ailleurs souvent contestable si l’on va dans le détail et que l’on observe par exemple comment la langue importée se transforme au fil du temps) et non pas du tout de leur nature supposée (ethnique, pas ethnique…) : ainsi en Calabre, à côté des « dialectes » calabrais indigènes utilise-t-on le syntagme de « dialectes (ou langues) allogènes » pour l’arbëresh (issu d’Albanie), le grico (d’origine grecque) et… l’occitan (migration vaudoise en Calabre). Selon l’usage que Sicre fait de l’expression « langue ethnique » en tout cas, il semble impossible de ne pas évidemment considérer le français, « né » quelque part en France et apparemment, selon les historiens, en divers lieux d’une partie du territoire de la France actuelle (y compris d’ailleurs du sud), comme une langue ethnique… Et il suffirait de parler occitan à Paris, comme nous le faisons à l’occasion avec les amis de l'association d'Îles-de-France la Talvera, pour ne plus avoir affaire à une langue ethnique… Or Sicre oppose justement l’occitan, qui serait ethnique, au français, qui ne le serait pas, et qui au contraire aurait permis aux occitanophones de se délivrer de leur ethnicité, au profit d’une langue, comprend-on, qui, elle, ne serait pas ancrée en un sol, qui serait déterritorialisée et donc ouverte à l’universel, là où la langue ethnique par contre resterait refermée sur le local. Cette opposition, telle qu’elle est ici exprimée, est en fait elle-même tributaire du mythe de l’autochtonie, de la représentation mythique de groupes d’hommes nés de la terre où ils vivent (voir la République de Platon), tout armés de leur langue, de leur mentalité et de leur culture. Selon ce mythe, les langues « nées » dans le territoire où elles sont parlées entretiendraient un rapport de consubstantialité avec le territoire, le terroir, la terre, et les hommes, la race ou l’ethnie qui les parlent. Or une telle conception de la langue n’a aucune pertinence linguistique, aucune, et avec elle, c’est bien sûr l’opposition, la dichotomie établie par Sicre entre deux types essentialisés de langues, qui s’écroule.
En fait, avec cette distinction, nous sommes confrontés à un discours purement idéologique : il s’agit d’accréditer l’idée d’un progrès du passage de l’occitan et des autres langues dites ethniques, en tant qu’elles sont justement dites ethniques, au français, langue qui, par essence ou par un heureux accident de l’histoire, on ne sait trop, ne le serait pas. C’est un tel gain et un tel progrès, qui est exprimé dans les énoncés qui émaillent la fin des propos de Sicre : « Les Français ont majoritairement choisi d’abandonner leurs langues ethniques au profit du français » ; « personne ne peut revenir au parler ethnique de sa campagne d’origine » (la campagne est évidemment le lieu par excellence de l’ « ethnique » !) ; « faut-il […] mener une politique de conservation « muséale » des langues ethniques ? » S’il est établi que l’occitan est une langue ethnique, comme langue mythique d’avant les contacts de langues et d’avant les migrations, de langue de la campagne réputée immobile opposée au français, langue des villes où tout bouge et se mélange sans cesse, alors évidemment, il est déjà, toujours déjà enfermé dans sa réserve muséale. La seule question étant de se demander s’il faut, oui ou non, liquider le musée, et la réponse pour Sicre est clairement affirmative. Et il faut bien voir ce que cela veut dire : car Sicre considère qu’il n’y a plus de sens à transmettre la langue occitane parlée, la langue utilisée dans l’échange verbal quotidien… du moins pour être parlée, cela n’ayant plus de sens, puisque la langue ne « sert » plus dans les échanges, qu’elle n’est plus utile, et l’entretenir reviendrait à dépenser inutilement de l’argent et de l’énergie pour entretenir le musée de la langue ethnique, avec en plus la sourde menace d’un retour des fantômes du passé, empoissonnant le corps sociale de leurs méchantes revendications ethniques. Par contre, selon Sicre, ce qui devient possible, si l’on renonce à ce qu’il appelle musée, c’est l’usage de l’occitan et des autres langues ethniques ou désormais post-ethniques, comme « langues de mémoire » et « langues de culture ». L’inversion est tellement surprenante, qu’elle en devient intéressante, puisque c’est la langue parlée qui est considérée comme un musée des antiquités ethniques alors que les œuvres de culture et la mémoire, que l’on croirait vouées à la patrimonialisation – et donc au musée –, sont appréhendées, dans leur renouvellement, comme la vie même et l’avenir de la langue. Je suis sensible à la beauté intrinsèque des paradoxes, mais pas disposé à me laisser berner par ce qui m’apparaît comme un simple tour de passe-passe car, à mon sens, le sort des œuvres et de la mémoire est étroitement lié à celui de l’usage verbal, oral, ordinaire de la langue : certes l’écrit, le livre et justement les musées des arts et traditions populaires et – pourquoi pas ? – de la langue elle-même peuvent survivre à la parole, quelques années, quelques décennies, peut-être même quelques générations, mais elle est alors devenue comme un poulet qui continue de courir après qu’on lui ait coupé la tête. C’est pourquoi tous les acteurs culturels – ou presque ! – ressentent comme une urgence absolue la transmission de la langue parlée, sachant qu’en effet, lorsqu’une langue n’est plus enseignée aux enfants par leurs parents, sa mort est proche, ou disons que sa vie ne tient qu’à un fil, le fil de la communauté capable de la parler et de transmettre cette parole…
Ce problème de la transmission de la langue parlée une fois liquidé, à travers l’invocation stigmatisante, je dirai même infamante, de l’ethnique et du territorial (la région), Sicre peut librement soutenir son projet mirobolant de « nationalisation des langues de France » ; mirobolant, mais vide, ou à peu près car, concrètement, comment pourrait se faire, dans l’éducation, les médias etc. le partage du patrimoine linguistique national, riche de ses 75 langues répertoriées ? Évidemment pas à travers une offre généralisée d’apprentissage… Cela serait fort beau, mais complètement irréaliste. Et alors comment ? L’enseignement de chansonnettes et de comptines en langues de France dans les écoles ? La création de bibliothèques et médiathèques des langues de France ? Des émissions éducatives, où l’on exposerait en français (article 2 sanctifié de la constitution oblige) la beauté des langues ethniques perdues ? Des… musées des langues de France ? D’ailleurs un musée de toutes les langues de France ne suffirait-il pas ? Paris serait évidemment l’endroit idéal… Au-delà de l’ironie de cette rechute probable dans le musée et le centralisme, de telles initiatives ne seraient pas d’ailleurs inutiles, elles auraient un certain poids symbolique (c’est pourquoi du reste, elles auront bien du mal à se faire accepter), mais à la fois, faute d’être adossées à l’effort de valorisation de la langue parlée, elles deviendraient autant de moyens d’en attester et d’en confirmer la mort.
Jean-Pierre Cavaillé
On pourra aussi lire le post de 2006 : discussion de Claude Sicre : Identité et civilité. 42 thèses sur le jeu de l’Occitanie, auquel Sicre, qui avait pourtant sollicité cette discussion, hélas, ne daigna pas répondre. J'espère qu'il en ira différemment de celui-ci.
[1] Ce n’est pas « Malesherbes » (Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, botaniste, magistrat, censeur royal et secrétaire d’État de Louis XV), qui voulait « dégasconner » la cour, mais bien le poète Malherbe, un bon siècle plus tôt (selon ce qu’en dit Guez de Balzac, auteur dégasconné s’il en fût, dans son Socrate Chrétien). C’est bien lui que Sicre a en tête puisque il parle de la cour de Henri IV « où, je le cite, la langue d’oc avait fait son entrée depuis l’accession au trône » du gascon roi de Navarre. Malherbe ne voulait pas chasser le gascon de la cour – tout semble montrer que le gascon n’y fut jamais une langue de communication usuelle, même si beaucoup devait le connaître et le parler à l’occasion –, mais purifier le français, de ce qu’il identifiait, à tort ou à raison, comme des « gasconismes », nous dirions aujourd’hui des occitanismes. Il est vrai, en tout cas, que la volonté de dégager le français de tous ses emprunts régionaux et étrangers est bien l’un des objectifs que se propose l’Académie française lors sa création. Cela explique bien d’ailleurs les réactions épidermiques de cette institution, dès qu’il s’agit d’accorder la moindre reconnaissance aux langues régionales.