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Mescladis e còps de gula
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  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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8 mars 2006

discussion d'un texte de Claude Sicre : Identité et civilité. 42 thèses sur le jeu de l’Occitanie

écrit en 2004 à la demande de la Linha Imaginòt en vue d'une "tenson" qui ne se fit pas...

Voir le texte de Claude Sicre, ici-même.

 

 

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Discussion du texte de Claude Sicre, Identité et civilité. 42 thèses sur le jeu de l’Occitanie

 

Ces réflexions critiques sont d’un néophyte, mal informé sur l’occitanisme, mais qui ne demande qu’à y voir plus clair. Je pense en tout cas qu’il est urgent de conduire une réflexion de fond sur les questions agitées par Claude Sicre et par d’autres autour de ce que peut être une identité occitane, qui ne se replie pas (on connaît l’accusation du repli identitaire), mais qui se déplie et déploie en ce que Sicre appelle une « civilité ». Evidemment, je ne vais pas pouvoir discuter ici les 42 « thèses ». Heureusement, en réalité, il y en a moins, qui se dégagent elliptiquement de ce qui est plutôt 42 aphorismes (je renverrai aux chiffres romains qui les mentionnent). Autre chose : je me donne ici délibérément le mauvais rôle. Le texte de Sicre est plein de traits d’humour, de désinvolture, tout le vocabulaire philosophique qu’on y trouve est utilisé cum grano salis, de manière décalée, drôle et pétillante. S’il ne l’était pas, d’ailleurs, cet « essentialisme », qui nous parle de l’Occitanie comme d’une « idée » pure, qui adviendrait dans l’histoire dont ne sait où, ni on ne sait comment, sinon par l’acte de volonté sublime d’un sujet souverain, passerait difficilement pour autre chose que pour une rodomontade théorique. Je vais pourtant être ce lecteur obtus, je vais pinailler, pédantiser, prendre au sérieux ce qui éventuellement ne devrait pas l’être (mais comment savoir ?), faire des objections contre des positions que l’on devine plus qu’autre chose, car – aphorisme oblige – elles ne sont le plus souvent qu’esquissées.

 

Je ne vais pas m’attarder sur les points de convergence : je ne suis pas choqué de lire que l’Occitanie n’existait pas avant que l’occitanisme en ait forgé le concept (II) ; je récuse moi aussi spontanément l’idée d’un « retour », qui comme tous les autres ne saurait être qu’un retour à ce qui n’a jamais été (XII) ; je suis d’accord pour rejeter dos à dos, comme les deux faces de la même médaille, nationalisme et régionalisme (VIII) ; d’accord pour élire le centralisme comme « adversaire » (quoique le mot moins fair play mais plus réaliste d’« ennemi » me tente) (V) ; d’accord pour convenir que la faiblesse de nos adversaires (là le mot convient mieux) vient de notre propre faiblesse (si nous devenions forts, ils deviendraient meilleurs par la force des choses, qui est celle du combat) (X) ; d’accòrdi tanben per dire que la lenga, la lenga d’òc es un patrimòni non pas tant a salvar qu’a « civilisar » (XX), ou plutôt on ne sauvera pas la langue si l’on n’est pas capable de fabriquer avec elle de la culture, de la pensée, de la société et de la « civilité », en effet. Mas per aquò caldriá tener bon, e continuar de la parlar e de l’escriure. D’où la question qui se pose d’emblée : pourquoi ce petit manifeste n’est-il pas aussi écrit en occitan ou au moins entremesclat d’occitan ? Pourquoi la présence de l’occitan est-elle d’ailleurs tellement seconde, secondaire – una lenga de pelha pourrait dire décorative – dans La Linha ?

 

J’y reviendrai, mais il y a des questions qui me paraissent plus urgentes encore, autour des notions centrales dans le texte de « projet », « d’idée », de « jeu » occitaniste et de « civilité » occitane.

Le « projet occitaniste »  est « le jeu qu’il a à mener pour la reproduction élargie de l’identité occitane » (III). Mais qu’est-ce que ce jeu ? La thèse XI le définit comme une « activité supérieure de l’humanité », comme « jeu de l’histoire défini comme le plus humain des jeux ». Ce jeu de l’histoire est décrit plus loin, comme une « grande aventure » qui s’offre à l’occitanisme, une aventure de civilité, qui « doit prendre en compte tous les aspects de l’humanité pour la rendre encore plus humaine » (XIV). L’humanité qui devient encore plus humaine, dans l’activité supérieure du jeu de l’occitanisme, porteur des « valeurs les plus hautes de l’humanité » ? Je le dis tout net, pour moi, c’est là du verbiage humaniste ronflant, qui ne nous dit rien de ce qui pourrait, devrait faire la spécificité – l’identité – du projet occitaniste et de la civilité occitane.

Ce projet est cependant qualifié « d’esthétique » et de « politique ». Voyons l’un et l’autre. Cette dimension « esthétique », jugée essentielle pour le projet occitaniste en tant que fondé sur l’absence de « fatalité » (pas de fatalité à être occitan, çò ditz, e i tornarai), est bien problématique, du fait même qu’il est donné comme un libre jeu. On en retire en effet une idée de gratuité bien peu satisfaisante. Si en effet l’ « esthétisme » est la caractéristique d’une recherche culturelle, littéraire, musicale, etc., envisagée comme libre jeu de l’occitanisme, n’ayant d’autre fin que l’affirmation d’elle-même (de son identité), l’ensemble du projet me paraît en effet voué à la gratuité sinon à la vacuité.

C’est tout le problème de ce que j’appellerai le volontarisme de la position de Sicre : « être occitan, c’est vouloir être occitan » (IX). De sorte que, si je comprends bien, on est libre de l’être ou de ne l’être pas. Or cela me paraît tout à fait insuffisant. Il y a du donné, que l'on ne choisit pas : être né là plutôt qu’ailleurs, avoir eu des parents parlant la langue, venir d’ailleurs mais s’être installé dans une zone où l’occitan est encore parlé, tomber sur des œuvres occitanes dans ses études et se prendre d’amour pour la langue, etc. Dans le fait de devenir occitaniste, il entre une part de hasard, ou de nécessité, mais cela revient au même, car une rencontre casuelle dans la vie devient fatale, pourvu que l’on y investisse désir et volonté. Sans cette fatalité, qui nous attache à des origines géographiques ou familiales, ou à des rencontres décisives, la décision de supporter le projet occitaniste n'aurait aucun sens. Dans la « thèse » XXVIII, « l’identité occitane » est présentée comme fruit d’une volonté pure, et comme l’invention une nouvelle « civilité » qui n’aurait rien à voir avec un donné, avec « une quelconque sociabilité, un biais de viure, une langue, une culture, un territoire, une économie, ni rien de ce genre… » Mais une identité ainsi pensée n’est rien, rien du tout, qu’une idée fumeuse ! Le mot d’ordre du « retour » est certes à rejeter ; d’ailleurs tout projet en arrière est contradictoire et voué à l’échec, e  nos volèm pas contentar de repapiar ! Mais la seule « soif de l’aventure » (XII), l’aller simple, le droit devant sans regarder derrière est tout aussi déficient : l’occitanisme est nourri en effet de ce qui reste (la langue, etc.) et de ce qui revient (la mémoire). Si l’on jette cela, il ne reste plus rien : le projet est vide de toute substance, il devient proprement impensable. C’est aussi pourquoi, même s’il faut déterritorialiser l’occitanisme, même si l’on ne veut pas se laisser épingler par l’étiquette « médionaux » (XXX), il faut conserver l’idée d’un « espace occitan ». Certes, l’occitanie est partout où on la fait, et l’occitan partout où on le parle… Mais le lien historique, culturel, social avec un (des) territoire(s) est tellement évident que l’on ne peut pas écarter, comme ça, d’un revers de main, la notion d’ « espace occitan » (et la conserver n’implique nullement le régionalisme, ni le nationalisme).

C’est aussi pourquoi je ne suis pas d’accord avec la thèse selon laquelle « l’histoire de l’identité occitane n’est rien d’autre que l’histoire du projet occitaniste » (XXIV). Les éléments qui constituent cette identité débordent de tous les côtés la seule histoire du projet occitaniste, qui n’en saisit d’ailleurs qu’une partie : par exemple tout ce que nous apporte le collectage, tout ce que nous offre la littérature occitane (par exemple ce que Max Rouquette ou Manciet nous disent respectivement), ne peut évidemment pas être simplement ramené au projet occitaniste ; c’est pourquoi ces ressources sont si précieuses et nous permettent d’inventer du neuf, là où l’(les)idéologie(s) occitaniste(s) patine(nt).

 

Aussi, pour toutes ces raisons, n’est-ce pas un hasard si la notion de « patrimoine », au sujet de la langue, finit par échapper dans le texte (XX) : certes pour dire que l’occitan « n’est pas un patrimoine à sauver, mais à civiliser ». Formule équivoque (ce patrimoine ne l’est-il pas déjà, civilisé ?), mais qui consiste bien à reconnaître qu’on ne peut inventer quoi que ce soit d’occitan sans partir de la langue comme patrimoine, ou plutôt, je préfère, comme héritage. Contrairement à ce qu’affirme Mistral (Qui ten la lenga, ten la clau), pour Sicre : « La clé n’est pas dans la langue, mais dans le rapport langue-civilité ». Bon, soit (mais au fond, Mistral disait-il autre chose ?). Il n’en demeure pas moins que la langue est la priorité des priorités et que le combat politique et culturel doit être mené d’abord et avant tout à ce niveau : salvar la lenga es evidentament la condicion de tot çò que se pòt far amb la lenga ; de civilitat, de literatura, de cançon, ect. Que la langue ne soit pas une fin en soi, et qu’il faille la cultiver en l’émancipant du modèle de civilité dominante (que caldriá tanben un pauc definir), certes… Mais un blessé grave a d’abord besoin des premiers secours.

Cette intervention d’urgence requiert une politique culturelle et une politique de la langue. Si l’occitanisme n’est pas politique, il ne peut être rien d’autre que le constat de l’écrasement définitif des langues et cultures minoritaires par le centralisme. Certes, dans le projet occitaniste, « esthétique » est, pour Sicre, associé à « politique », et cette politique a un « adversaire » qui est le « centralisme ». Mais la manière de penser celui-ci n’est guère satisfaisante. Je cite : « qu’est-ce qui fonde le centralisme ? c’est l’anti-centralisme. Qu’est-ce qui fonde l’anti-centralisme ? c’est le concept d’Occitanie. Qu’est-ce qui fonde le concept d’occitanie ? ce sont les concepts de centralisme et d’anti-centralisme » (VI) Tout viendrait donc ensemble, dans une relation de fondation réciproque. Qu’aquò es polit ! Mais d’un point de vue historique, il est clair que des politiques centralistes ont existé bien avant que n’existe l’Occitanie (selon la définition donnée). En outre, la contestation du centralisme politique et culturel n’est bien sûr pas seulement l’affaire des occitans, mais aussi des bretons, des basques, des ròms, e de totis aquels que son contra lo centralisme, pertot ont se podon trapar, e mai al centre !

Au nom de cette même belle logique, il n’y aurait pas d’autres occitans que les occitanistes. On ne peut donc être occitan sans le savoir (XXX). Pour un occitaniste, il est pourtant clair que l’immense majorité des locuteurs sont dans ce cas, convaincus de parler un patois, un pauvre idiome sans grammaire ni littérature[1] et qui, spontanément, confrontés à ce qui se présente comme occitan, disent : « L’occitan existissis benlèu, mas nos autres paures bogres parlam solament lo patoès ». Il ne s’agit pas de dévoiler une occitanité, mais de donner (et non pas effectivement de « rendre ») aux « patois » une dignité de langue à part entière, et pour cela on a besoin du concept fédérateur, linguistiquement justifié, d’occitan. Il est évident que la minoration extrême de la langue d’òc, telle qu’elle est intériorisée par les locuteurs qui ont choisi (se podèm parlar atal, e ne soi pas brica segur) de ne pas transmettre la langue pour éviter à leurs enfants la marque d’infamie sociale qu'il représente, relève de ce que l’on peut appeler une forme d’aliénation (de négation et de haine de soi). Mais voyons les choses en face : ces générations (celles de mes grands parents et parents) disparaissent peu à peu et effectivement, on peut toujours attendre, le combat est perdu de ce côté-là. Le seul espoir de sauver la langue réside donc dans l’occitanisme militant, qui doit montrer par les actes que la langue vaut la peine d’être parlée, écrite, etc. et qu’elle est susceptible de servir de lien, de liant et de médium à une société dans laquelle on ait envie de vivre.

Certes, il est dit, sur un ton prophétique (o trufarel ?) que la civilité nouvelle naîtra du verbe occitan (XVIII). Compreni, ièu, que la lenga occitana, parlada, escrita, cantada, es çò que balha sens al projècte occitaniste. Mais la suite me devient alors incompréhensible : « ce pouvoir de la langue n’était concevable qu’en français »… L’occitan, la langue occitane n’aurait donc ce pouvoir de forger une « civilité »… qu’en français ? Certes, l’occitan, aujourd’hui ne peut se penser sans ses relations, ô combien difficiles, avec le français : des relations déguelasses, il faut quand même le dire, où le plus fort s’est donné le pouvoir et le droit d’éliminer le plus faible, où le plus faible lutte pour sa survie, et c’est d’abord pour ça que l’on est occitaniste, évidemment, de quelque obédience que l’on soit, du moins il me semble. Mais pourquoi dire que la langue d’oc, avec l’occitanisme, tire son pouvoir du passage par le français, elle qui a existé tout de même avant le français et sans le français ? La langue préexiste au projet occitaniste, et elle a été associée, dans l’un de ses usages, à une forme de civilité, majeure pour l’histoire de la culture, la civilité courtoise, et à d’autres formes bien sûr, moins reconnues, mais tout aussi dignes.

Cette belle architecture conceptuelle de fondation réciproque me paraît en fait pécher par abstraction et verser dans l’idéalisme (au sens philosophique), d’ailleurs d’emblée impliqué par la référence à Platon. Un texte parle aussi par ses absences : l’insistance sur l’ « esthétisme » associé au politique (une politique érigée en « esthétique » ?), s’accompagne de l’absence de toute évocation des réalités sociales occitanes et de l’occitanisme (paysannerie, élites urbaines, etc.). La chose sociale est-elle une obscénité sur laquelle le vocable d’esthétisme  permet de jeter un voile pudique ? Pour moi, il est clair qu’un projet occitaniste qui n’est pas en mesure d’intégrer les données sociales ne saurait avoir aucun intérêt, ni aucun avenir… C’est pourquoi le sarcasme contre ceux qui auraient « glané quelques miettes de pouvoir lorsque l’Occitanie était minablement à la mode » (XXVI) me paraît bien mal venu. S’agit-il des années 70 ? C’est-à-dire lorsque l’occitanisme était inséparable des revendications sociales de la paysannerie ? Cet occitanisme engagé, celui du Larzac dans les années 70 par exemple, ne se réduit évidemment pas à un phénomène de mode. Et il est idéologiquement mesquin et historiquement faux d’opposer les bons occitanistes d’aujourd’hui (ceux, j’imagine, qui n’étaient pas sur le Larzac en 2003) aux mauvais occitanistes qui, hier, étaient à la mode. D’ailleurs la situation ne nous permet absolument pas de faire ce type de partage. Nous n’avons pas le choix, il nous faut serrer les rangs car nous sommes trop peu. Enfin, il y a cette attaque grossière contre le souci de prendre en compte les « raisons économiques », qui ne sauraient être ce qui pousse les « gens intelligents » à lire Nelli, les Troubadours, etc. (XXIX) Mais quel marxiste a-t-il jamais été à ce point caricatural  pour soutenir de telles fadaises ? En tout cas pas Bourdieu, si c’est lui qui est ici la cible. Et les raisons sociales (qui ont bien à voir, certes, avec l’économie) sont ici évidentes, et pour ne pas avoir à produire un pensum sur la question, il suffit de raisonner de manière négative : si l’on ne m’avait pas appris à lire, si j’avais vécu dans un monde social sans livres, évidemment je n’aurais jamais lu Nelli, ni Castan, ni Sicre. Et l’analyse sociologique, en ce domaine, me paraît infiniment plus acceptable, même si elle est réductrice et insuffisante, que l’affirmation selon laquelle il y a d’un côté les gens intelligents qui lisent Nelli, etc. et de l’autre les imbéciles (qui font quoi au fait ? Le public des Fabulous lit-il Nelli et Castan ?).

 

 Pour conclure je renverserai une boutade, où je crois retrouver, dans les métaphores et l’ironie, ce même déni du social, de l’économique, du matériel, de la bosa cauda, de la fanga pegosa e de la miseria dels jorns : « Le projet occitaniste est le négatif de la bassesse, de la laideur, du snobisme et de la pauvreté » (XLI). Je mets de côté le snobisme qui ne me paraît pas de saison (des occitanistes snobs, il en existe peut-être mais je n’en connais pas, et s’il y en avait ce serait un bon signe, un très bon signe pour le statut de la langue et de la culture occitanes). Mais sans nul doute, au projet idéaliste qui vise « l’érection (bigre !) des valeurs les plus hautes de l’humanité », je préfère ceux qui sont plutôt modestes, pas forcément très beaux et pas riches du tout… Mais qui ont le mérite d’exister, de s’obstiner, et de s’inscrire vaille que vaille dans le paysage culturel et politique. Coma aquel de la Linha Imaginòt per exemple !

 

Jean-Pierre Cavaillé

 

[1] Voir encore, récemment, Hélène Carrère d’Encausse, « Au secours du français », séance publique de l’Académie Française, le jeudi 5 décembre 2002 

 


 

 

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Commentaires
J
Salut à vous! Où est donc la deuxième partie du "feuilleton"?<br /> <br /> Merci d'avance<br /> <br /> J
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T
Merci, j'ai rectifié.
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J
Le discours de Mme Carrère d'Encausse de décembre 2002, intitulé "Au secours du français", a changé d'adresse: <br /> <br /> <br /> <br /> http://www.academie-francaise.fr/au-secours-du-francais-seance-publique-annuelle<br /> <br /> <br /> <br /> La menace due aux "langues de France" est évoquée dans le dernier quart du <br /> <br /> discours.
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C
Bien , j'ai enfin lu cette critique de mon livre Identité et Civilité . Livre qui date de 1983 (décembre pour la publication , septembre pour la fin de son écriture ) . Critique qui date de mars 2006 . Donc 23 ans après . Et ma réponse arrive 9 ans après la critique , nous sommes donc 32 ans après la sortie du livre . Installés dans le temps long , comme si les aléas de l'actualité n'avaient aucune prise sur nous , et c'est bien le cas . Interressante et peu banale situation , n'est-ce pas ?<br /> <br /> <br /> <br /> Ce livre , tiré à 500 exemplaires , édité par l'IEO musica ( c'est-à-dire par moi ) , n'a pas fait beaucoup de bruit à sa sortie : aucun revue n'a daigné en dire un mot , aucun intellectuel occitaniste ne s'en est préoccupé ; pourtant certains l'ont eu dans les mains : je l'ai envoyé à pas mal d'entre eux , et ,pendant quelques années , il a été sur les stands de boutiques présentes lors de manifestations culturelles ou politiques occitanistes importantes , je veux dire où il y avait du monde : les essences majuscules agitées dans le texte n'ont pas compensé la modestie voulue du nombre restreint de pages ( 20, je crois ) et de la présentation . Ceux qui l'ont feuilleté dans les stands n'ont pas été frappés par cette disproportion entre l'ambition des concepts et la pauvreté de l'emballage , qui dit pourtant le projet . J'ai vu les sourires de commisération et les haussements d'épaules , j'en ai été ravi , car c'est tout-à fait ce à quoi je m'attendais . Mais je me disais que peut-être je serais victime d'une bonne surprise . Je l'ai été , finalement : Jean-Marie Auzias a compris en partie l'importance du propos , m'a fait un mot et en a parlé à ses étudiants à l'université occitane de Nîmes : il a vu Hegel , le travail de l'anti-négatif et l'humour . Pas assez pour en faire un papier , il semblait très impressionné , en fait , et quand je le croisai , il se montra très timide ( des années plus tard , il m'envoya un petit mot à propos du forom des langues , laudateur ) . Castan a écrit quelques lignes intéressantes je ne sais plus où et s'est depéché de publier le Manifeste . Je crois que Serge Viaules en a dit trois mots quelque part , mais c'est flou dans ma mémoire .<br /> <br /> L'humour , Cavaillé l'a vu , et c'est l'essentiel . Je peux en dire quelques mots : en fait , quand je relis ce livreton , tous les5 ou 10 ans , je me marre autant que quand je l'ai écrit , je me régale de ma prose . Il y a l'humour de la satire aimable et celui de l'ironie , jamais bien méchant . Je me moque des notions inertes de l'occitanisme traditionnel , du messianisme hégéliano-marxiste qui était le fort des situationnistes à cette époque , et du messianisme castanien tout à la fois , en les singeant . Mais pour mener un propos on-ne-peut -plus-sérieux , pas pour faire œuvre parodique , c'est là la clef du projet . Ceci dit c'est l'humour en soi , complètement gratuit , qui me fait le plus rire , comme il me fait rire chez Debord , surgissant au détour d'affirmations théoriques grandiloquentes . Mais aussi comme il me fait rire chez Alphonse Allais .<br /> <br /> Cavaillé , tout en voyant l'humour , prend au sérieux le propos , et il a bien raison , et il le fait bien , excellemment même . Mais bien sûr comme il arrive tard , sans pouvoir donc tout situer ( il n'a pas connu le situationnisme triomphant du début des années 70 et son folklore , il ne peut avoir que les textes ; il n'a pas connu le folklore des propos castaniens en live , dont les textes ne rendent pas tout ; etc ) certaines allusions lui échappent , et à qui n'échappent-elles pas ? . À la limite , pour tout saisir , il faut être un enfant d'ouvrier de Toulouse grandi dans l'après-guerre en lisant Blek le Roc , Sélection du Reader Digest et Vaillant le journal le plus captivant et être allé à la même colonie de vacances CGT que les enfants de la république espagnole et avoir joué au foot dans les terrains vagues jusqu'à un âge avancé tout en fréquentant le lycée bourge de la ville et avoir découvert Socrate en même temps que Socrates le brésilien et avoir tout lu de la serie noire et donc avoir mélangé des le plus jeune âge ce qui venait de l' Americke et ce qui venait de l'URSS et s'être moqué de 'Sartre en classe de philosophie déjà et avoir abordé le gauchisme arrivant avec l'esprit qui présidait dans les réunions tardives des halls d'immeuble de la cité quand tu lâches la mobs et que plus aucune fille ne passant par là tu fais rire tes copains avec des vannes piqueés dans 'Courteline , Chester Himes ( je racontais l'histoire du camion portant des tôles tranchantes qui décapite le motard qui se souvient de ça? ) et il fallait bien , là , que je parle de Socrate comme d'un Zembla de la critique etc etc c'est donc une autobiographie , aussi . Comme tout le temps .<br /> <br /> Et Cavaillé , ce annonce-t'il illico , prend le truc en main exactement comme il le faut , au sérieux du premier degré , comme un gosse de la cité regarde Il était une fois dans l'ouest , sans ce recours au dit second degré que croient pouvoir atteindre les compassés de France-culture ou autre parce qu'ils ne pigent rien à rien , ou à cette dite herméneutique qui ressemble aux jeux d'enfants quand il faut chercher le personnage caché dans les contours d'un dessin , la prétention en plus . Pauvre Onfray ! Son copain Camus aurait été à la hauteur , lui , parce qu'il a joué au foot à Belcourt et qu'il est né d'une femme de ménage , ils ont beau dire , les autres , ça fait la différence , en dernière instance .<br /> <br /> Donc il va " pinailler " , bravo , c'est exactement la définition du filologue chez Meschonnic , celui qui aime discutailler en croupes les positions de son interlocuteur .<br /> <br /> Donc il tombe d'accord avec moi d'emblée sur tout un tas d'idées majeures et il attaque par une mineure : pourquoi ce livre n'est-il pas écrit en occitan ? La réponse : parce que je l'ai pensé en francais . J'aurais pu y mettre un peu d'occitan ici et là , à titre décoratif , comme d'autres le font : c'eût été ruiner mon propos : la langue d'oc n'a pas pour moi vocation à "décorer ", même si je parle plus loin dans le texte des ateliers de peinture , et l'emaillage d'expressions en occitan dans un texte français n'est interressante que quand elle jaillit spontanément . Ça m'arrive , aujourd'hui , parce que j'entends du patois tous les jours , de ressortir des trucs machinalement , à l'oral ou à l'écrit , mais quand c'est à l'écrit j'ai à juger si c'est de la transcription spontanée du parlé ou une posture dont il faut jauger la légitimité auregard d'une stratégie .<br /> <br /> Second point , "le projet ...rendre plus humaine etc " . Cavaillé a bien raison de dire que c'est du " verbiage" . Mais ce n'est pas le verbiage auquel je pensais quand , venant de lire Heidegger et L'Etre et le Néant de Sartre , j'ai eu l'idée de monter des spectacles de " verbiage artistique " . C'était une excellente idée , qui m'a servi plus tard ( joutes poétiques chantées ) , d'ailleurs . Non , là , c'était une critique de Sartre et de Heidegger dont je n'ai vraiment compris ce qu'elle intuitait que lorsque j'ai découvert l'article de Benveniste sur le verbe " être" dans son Introduction ...( je me demande aujourd'hui qu'elle est l'actualité du " pratico-inerte " , je n'en entends plus parler , même par les philosophes ) . C'est un autre "verbiage " , celui de la création , qui joue aux quilles avec les essences pour réaliser un strike et introduire l'occitanisme dans la partie , dans la cour des plus grands donc , puisque la vie de mon voisin vaut bien celles de tous les autres ( " philosophe " ne peut être pour moi qu'un adjectif , qu'il faut prendre dans son sens courant en montrant sa richesse ) .<br /> <br /> Deuxiéme point , " l'esthétique " : je ne dirais plus comme ça aujourd'hui , après avoir lu Meschonnic : je dirais : " poétique " . Je renvoie donc à Mesho , sur ce point .<br /> <br /> Point trois : la volonté . Il faut là , pour tout ce passage , repartir des Stoïciens : il y a les causes ( des événements qui arrivent ) par rapport auxquelles on ne peut rien , et celles par rapport auxquelles on peut agir . Le sage est celui qui " veut ce qui arrive " , éventuellement après avoir tout fait pour que cela n'arrive pas .<br /> <br /> ( j'arrête là pour aujourd'hui , mais tu peux publier cette première partie comme début d'un feuilleton , et en prévenir les lecteurs du blog sur mon interview , ça les armera , merci encore ) .
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