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Mescladis e còps de gula
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  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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12 juillet 2007

Enfin une politique linguistique en limousin ?

monsieurquitirelalangue

dessin de J.-M. Simeonin


Enfin une politique linguistique en limousin ?

        Le dernier numéro de la feuille périodique du conseil régional, La Lettre du Limousin n° 73 présente une double page consacrée à l’occitan limousin : « Limousin, terre occitane et après ? » La première chose qui frappe la vue est un encart coloré où est signalé triomphalement en grosses lettres que, chaque année, 100 000 euros sont consacrés par la Région « au soutien de la culture occitane ». Soit. Il faut reconnaître que la Région est l’un des seuls soutiens conséquents et fidèles des initiatives associatives en faveur de l’occitan, mais tout de même, il aurait fallu un peu expliquer comment cette somme est distribuée et dans quels objectifs ; ce qui du reste, aurait permis de faire apparaître des partenaires importants dont les noms ne sont pas même mentionnés (Calandreta notamment). Pour ceux qui trouveraient ce budget excessif, rappelons que le budget total des francophonies de Limoges était en 2003 (je n’ai pas trouvé de chiffrage plus récent) de 1 500 000 euros

      Par ailleurs, le dossier est essentiellement constitué de courtes (beaucoup trop courtes) interventions, de quelques élus (en bien petit nombre) et d’acteurs culturels impliqués dans le combat de la transmission et de la promotion de la langue. Ainsi, pour une fois au moins, la voix de ces derniers se fait entendre : les limousins, dit Jan Dau Melhau, « sont les victimes d’un colonialisme intérieur qui les porte au dénigrement de ce qu’ils sont, à la négation de leur identité occitane, les incite à la passivité face à la domination culturelle du français ». L’écrivain, conteur, chanteur, musicien, éditeur ajoute que nous ne pourrons sans « volontarisme politique [...] sauver [...] une langue qui a reculé depuis trente ans ». Dominique Decomps présidente du CREO (Centre régional d’enseignement de l’occitan), déplore la situation extrêmement défavorable pour l’enseignement de la langue (lire son intervention lors des Assises de l’occitan en Limousin, le 25 mars 2006, auquel aucun représentant de l’académie n’avait daigné assister) : « le développement de l’enseignement de la langue dans les écoles du Limousin est en partie bloqué... par des limousins de milieux occitanophones, qui, parce qu’ils ont le sentiment d’avoir « réussi » socialement, ne veulent plus entendre parler de ce qu’ils voient uniquement comme le patois de leurs grands-mères ! » L’analyse est juste : les ennemis les plus farouches de l’enseignement de la langue et plus généralement de sa transmission (et Dieu sait qu’il n’en manque pas en Limousin !), parmi les élus et dans les administrations, sont bien souvent des gens qui ont été en contact avec la langue et qui se sont construits, socialement et psychologiquement, contre elle. Car, que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit bien sûr pas d’opposer un occitan lettré au patois des grands-mères, mais de considérer ce « patois » là comme une langue à part entière, associée à une culture et à une civilisation, auxquelles appartiennent en effet aussi des oeuvres littéraires de première importance obstinément méconnues. Le volontarisme politique est essentiel, mais il est clairement inséparable d’une revalorisation par les Limousins eux-mêmes de leur propre langue (c’est pourquoi d’ailleurs il est si important de parler d’occitan limousin et non d’occitan tout court) et de leur propre culture ; l’un et l’autre se soutenant mutuellement, mais nous sommes encore très très loin d’une telle dynamique. Le nombre très restreint d’élus limousins ayant appelé à la manifestation de Béziers du 17 mars dernier, dont les revendications étaient pourtant strictement culturelles, est très significatif de ce passif et de cette passivité.

          C’est pourquoi, Jean-Marie Caunet, directeur de l’Institut d’Etudes Occitanes du Limousin a raison d’envisager une telle dynamique à l’échelle interrégionale, où elle est une réalité, fort modeste encore, mais indéniable : « L’occitan peut se développer à nouveau parce qu’il a atteint la masse critique nécessaire pour sortir d’une torpeur relative. Dans ce contexte, tous les conseils régionaux d’Occitanie ont une responsabilité historique face à cette langue et à cette culture. Cette responsabilité doit s’exercer vis-à-vis des générations qui viennent. Elles nous poseront des questions sur ce qu’on a fait de leur environnement naturel et de leur écologie culturelle et linguistique. Voilà pourquoi nous souhaitons que le Limousin s’intègre à 100 % dans une démarche interrégionale en faveur de la langue occitane... »

           Mais il est très significatif et très inquiétant qu’il ne soit pas relayé par les acteurs politiques qui n’envisagent guère que le seul développement de l’enseignement, et comprennent par là principalement une meilleure prise en charge de celui-ci au sein de l’Éducation Nationale. Ainsi ne peut-on certes reprocher à Henri Bassaler, pourtant conseiller régional délégué à la valorisation de la culture occitane, de se montrer d’un enthousiasme excessif. Il rappelle que nous sommes « dans un contexte de pénurie budgétaire du fait de l’État » et ne fait d’autre proposition concrète que le renouvellement de la demande à la rectrice d’académie de constituer le Conseil académique des langues régionales qui, faut-il le rappeler, ne s’est jamais réuni en Limousin, ce qui est un déni flagrant de légalité. On voit difficilement comment on pourrait faire de plus timides propositions. Quant à Michel Delagranne, président du CESR (Conseil économique et social régional), il se contente de rappeler que le code de l’éducation « prévoit qu’un enseignement de langues et de cultures régionales peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ». ce faisant il utilise d’ailleurs les termes exprès dudit code. Et comme il est bien parlé de « possibilité », personne n’est obligé à rien, et d’autant moins qu’il suffit de dire qu’une langue n’est pas ou n’est plus en usage (comme certains ne manquent pas de l’affirmer) pour rendre inutile toute forme de convention (voir ce qui se passe en Île-de-France). C’est dire tout l’enthousiasme et la foi en l’avenir que peut susciter la lecture de ces propos, où le souci majeur semble bien de rappeler qu’il ne s’agira en aucun cas de « remettre en cause l’unité linguistique nationale ». De ce côté nous sommes parfaitement rassurés !
        De plus ces deux grandes pages présentent une caractéristique tellement évidente, qu’elle pourrait passer inaperçue. Elles sont entièrement rédigées en français et ne contiennent donc pas la moindre ligne en limousin. Cela, à mon avis, est tout à fait symptomatique et préoccupant. Les habitués de La Lettre du Limousin auront pourtant remarqué un modeste, très modeste, trop modeste effort pour mettre dans ses derniers numéros quelques petites lignes en limousin, intégralement traduites en français. Cette fois, on a sans doute jugé, que de l’occitan il n’était déjà que trop question... Bien sûr, concernant cette initiative, de donner quelques bribes de langue, on pourra considérer qu’elle est en tout cas un « progrès » par rapport au reste de la presse limousine qui, à ma connaissance, ne publie plus rien et depuis belle lurette en limousin… Au moins, dira-t-on, fait on l’effort d’assurer une présence symbolique de la langue... Symbolique est le mot, mais lorsque l’on se résout à ce qu’une langue ne soit plus qu’un symbole, c’est que l’on en accepte la mort. Une langue vivante sert à la communication et à la création, elle ne saurait se résoudre à devenir une icône culturelle sans accepter sa propre mort.

J.-P. Cavaillé

 

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Commentaires
M
« le développement de l’enseignement de la langue dans les écoles du Limousin est en partie bloqué... par des limousins de milieux occitanophones, qui, parce qu’ils ont le sentiment d’avoir « réussi » socialement, ne veulent plus entendre parler de ce qu’ils voient uniquement comme le patois de leurs grands-mères ! » Voilà bien le fond du problème à mon sens, l'autodénigrement de l'occitan par les occitanophones eux-mêmes. J'ai trente-sept ans et j'ai toujours entendu mon grand-père parler cette langue, mon père aussi mais plus épisodiquement. Il n'ya que peu de temps que j'ai pris conscience que si malheureusement je n'était capable que de comprendre cette langue et pas de la parler, c'était avant tout parce qu'il n'avaient pas souhaité me l'apprendre. Tout cela parce que le français serait la langue de l'instruction et l'occitan, rabaissé dans l'inconscient collectif à l'état de simple patois, de sous-langue donc, la langue des pauvres paysans. C'est oublier que cette langue nous influence trés certainement encore dans tout notre quotidien, dans notre façon même d'être. Il faut rappeler à tous que l'occitan et plus encore le limousin était la langue des troubadours et que cette langue a une vraie histoire, des racines, il faut redorer son image aux yeux des occitans. Mais il ne faut pas en faire une langue d'exclusion, de confrontation au français et donc au centralisme étatique. Cette langue est avant tout une langue de partage (quelle langue ne l'est pas?): d'ailleurs j'ai souvent entendu les anciens, dont mon grand-père, dire que c'est cette langue qui leur avaient permis de comprendre les républicains espagnols exilés dans nos campagnes. Révitaliser l'occitan oui, mais exacerber un "nationalisme occitan" non!!!
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E
Suite à la série d'articles parus dans la Lettre du Limousin,voici un courrier envoyé mi-juillet à Mme La Rectrice de l'Académie de Limoges, courrier sans réponse à l'heure qu'il est...<br /> ____________________________________________________<br /> OBJET : Enseignement de l’occitan dans le 1er degré <br /> <br /> À Madame la Rectrice de l’Académie de Limoges<br /> 13, rue F. Chénieux 87000 Limoges<br /> <br /> Madame la Rectrice,<br /> <br /> J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur ma situation et, de manière générale, sur la quasi inexistence de l’enseignement de l’occitan dans le 1er degré ; à l’heure où des articles posant sérieusement la question de cet enseignement dans notre académie paraissent dans le journal du Conseil Régional, je me sens particulièrement concernée puisque j’ai demandé une mise en disponibilité suite à de nombreux courriers demeurés sans réponse.<br /> <br /> Titulaire du C. R. P. E. spécial Langue régionale – Occitan depuis 2003, j’ai, dès mon premier mouvement, demandé une affectation en relation avec ma formation. J’ai obtenu un CP classique.<br /> En congé parental de septembre 2004 à juin 2007, j’ai enseigné 2 ans l’occitan, de façon régulière et gratuite, avec des objectifs inscrits en toutes lettres dans les Instructions Officielles.<br /> Enfin, au récent mouvement de Haute-Vienne, j’ai obtenu un poste certes intéressant, mais toujours sans rapport avec mon recrutement d’origine. Voici pourquoi j’ai sollicité une mise en disponibilité, qui me permettra, dès la rentrée, d’enseigner l’occitan « de l’extérieur », ce que je déplore, ayant été formée par et pour vos services. <br /> D’autre part, les enseignants qui utilisent ou voudraient utiliser l’occitan constatent le manque de ressources (formations initiale et continue quasi inexistantes, site de l’Inspection muet …), ainsi que les problèmes administratifs rencontrés dès lors qu’ils inscrivent officiellement l’occitan dans leurs horaires de classe ou dans leur projet d’école, problèmes dus, le plus souvent, à une méconnaissance des Programmes. <br /> <br /> Consciente, comme de nombreux collègues du « public », de l’intérêt de cet enseignement, en ce qu’il s’appuie sur l’environnement immédiat des élèves, et leur permet d’aborder tous les domaines d’activités de l’école, je m’adresse à vous pour qu’enfin, dans cette académie, les Textes Officiels concernant l’enseignement de l’occitan soient appliqués, avec, pour commencer, la constitution du Conseil académique des langues régionales. <br /> Espérant que vous voudrez bien prendre les mesures nécessaires, je vous prie d’agréer, Madame la Rectrice, l’expression de mes salutations respectueuses,<br /> <br /> [...]<br /> Copie à : - M. J. P. DENANOT, Président du Conseil Régional du Limousin ;<br /> - M. J. M. SARPOULET, I. P. R. Langues régionales pour les académies de Bordeaux et de Limoges, Rectorat de l’académie de Bordeaux ;<br /> - M. M. DELAGRANDANNE, président du Conseil Economique et Social Régional ;<br /> - C. R. E. O. Lemosin, 3 bd du Marquisat 19000 Tulle ;<br /> - I.E.O. Lemosin, Place des Vignerons, 19140 Uzerche.
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H
adiu amic deu limosin!<br /> <br /> Il faut continuer,militer,nous sommes jeunes et motivés,nous voulons sauver notre langue vivre dans notre langue et decider sur notre terre!<br /> "L’occitan peut se développer à nouveau parce qu’il a atteint la masse critique nécessaire pour sortir d’une torpeur relative"=Je suis tout a fait d'accord avec cette analyse.Nous sommes qu'au debuit de notre renaissance,mais nous devons occuper le terrain en creant des festival des campagne d'information etc etc
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T
Il est à préciser que "l'effort" d'intégration de la langue occitane dans la Lettre du Limousin a été de bien courte durée, car si l'on y consacre ici une double page (sans, comme tu l'as dit, aucune présence de la langue dont on parle!), il faut noter que le bilinguisme français-occitan des titres de rubriques et de la couverture a disparu au bout de trois ou quatre numéros...<br /> Les "efforts" ont duré quelques mois, après les Assises régionales pour l'occitan, et puis plus rien... <br /> <br /> Par ailleurs j'ai bien peur que, d'une certaine manière, ce soit Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon qui, indirectement, fassent plus pour la survie de la langue en Limousin que notre région n'en ferait elle-même...c'est pourquoi le développement d'une politique interrégionale est primordial, comme le dit Caunet qui doit assez bien connaitre les blocages à l'échelle régionale en Limousin pour souhaiter cette solution...C'est notre seule chance...Que nos voisins mettent quelques coups de pied au cul de nos élus locaux...
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