L'enseignement des langues régionales ne sera plus possible en Ile-de-France
On a plus d'une fois évoqué sur ce blog l'existence du cours d'occitan de Noisy-le-Grand, les difficultés rencontrées par les lycéens s'étant inscrit à l'épreuve d'occitan du baccalauréat cette année et les propos effarants que le directeur du SIEC (Service Interacadémique des Examens et Concours) d'Arcueil a tenus à la délégation du CREO de la Talvera. Le groupe des Verts a récemment présenté un voeu pour l'enseignement des langues régionales en Ile-de-France en séance plénière du Conseil Régional. Le texte a été soutenu par les communistes et apparentés, par l'UDF et une partie des élus socialistes (dont le président du groupe). L'UMP, le FN, le MRC et l'autre partie du PS (dont J.-P. Huchon) ont voté contre accusant les Verts de « démarche idéologique », de « communautarisme » et « de vouloir faire exploser le système », alors qu'ils ne demandaient, comme le souligne Catherine Candelier sur son blog, que de permettre la continuité d'un enseignement existant depuis trente ans… Si certains en doutaient encore, voici un signe fort du changement des temps et l'un des premiers effets de la dévolution, ou plutôt du confinement de l'enseignement des langues régionales aux régions. Juste une remarque fiéleuse : il est plaisant de voir que les partis qui participent à plein de l'involution nationaliste à l'échelle hexagonale et tous ceux qui, de plus en plus nombreux, attendent tout de la région en matière de sauvegarde et de promotion des langues minorisées partagent une même conception bêtement territoriale des langues et des cultures, la même idiotie des frontières. Ils devraient finir par s'entendre...
Ci-dessous, le texte refusé des Verts.
J.-P. C.
Enseigner les langues régionales en Île-de-France
Vœu du groupe Verts – Sylvie Duffrene
Séance plénière des 27, 28, 29 juin 2007
Depuis quelques années, en Ile-de-France, des lycéens et des lycéennes étudient l’occitan, le breton, le corse, ou d’autres langues régionales, qui font la richesse du patrimoine linguistique de notre pays. Il y a quelques jours, ils ont pu valoriser cet enseignement en présentant ces langues à l’épreuve du baccalauréat. Mais de justesse. Une interprétation restrictive de l’article 20 de la loi Fillon – loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école - a en effet voulu limiter ces épreuves aux territoires dans lesquels ces langues sont pratiquées : le corse en Corse, le breton en Bretagne, l’occitan en Occitanie et ainsi de suite.
Au mois d’octobre 2006, 36 élèves du Lycée Flora Tristan de Noisy-le-Grand se sont vus refuser leur inscription à l’option facultative d’occitan. L’association CREO de la Talvera, regroupant des enseignants d’occitan, s’est mobilisée à temps pour obtenir que les élèves qui se sont investis ne soient pas pénalisés. Mais ils n’ont obtenu qu’un sursis. L’an prochain, des élèves de toutes les régions françaises se trouveront face à une rupture de contrat pédagogique. Leurs efforts ne seront pas récompensés et le temps consacré à ces disciplines, bien que riche à titre personnel, sera autant de temps de moins mobilisé pour décrocher le diplôme nécessaire pour accéder aux études supérieures. La Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) a été saisie de ce qui peut être considéré comme un cas de discrimination à part entière.
Pourquoi limiter l’enseignement d’une langue régionale à sa région géographique ? Les langues survivent et s’enrichissent par la transmission, et donc la mobilité. Notre région compte un million de Bretons ; combien d’Occitans, de Corses, de Créoles, Basques, Catalans ou même de Tahitiens ? La Région Ile-de-France, en revanche, ne dispose pas d’une langue régionale. Quel beau symbole, dès lors, pour la région capitale, d’accueillir toutes celles pratiquées dans le pays ! Le public motivé par l’enseignement de ces langues dépasse largement les frontières régionales. Cet enseignement suscite y compris l’intérêt de personnes issues de l’immigration. Il faut donc non seulement permettre, mais favoriser le développement des langues régionales sur tout le territoire. Ouvrir largement sur la diversité historique et culturelle française ne peut qu’enrichir notre patrimoine commun grâce auquel nous pouvons renforcer et vivifier le lien social, dont notre société a tant besoin, notamment en Île de France.
L'article 2 de la Constitution, indique que « la langue de la République est le français. » Mais comme le reconnaît la délégation générale à la langue française et aux langues de France, il faut tant promouvoir la langue française, instrument de cohésion sociale, que les langues dites régionales, qui contribuent à la diversité culturelle en Europe et dans le monde. Il s’agit là du sens et des valeurs que nous voulons donner à notre République : l’intégration des régions signifie-t-elle la désintégration des identités, ou bien la promotion de la diversité sur tout le territoire et au-delà ? Les Verts, qui portent une Europe des Régions, fondée sur des identités locales communes, ont déjà répondu à cette question.
Les langues régionales ont façonné l’histoire et la culture de notre pays. La culture française est l’émanation des cultures régionales. Qu’il s’agisse de littérature bien sûr, mais aussi de musique, de danse, de gastronomie, des lieux et sites historiques et jusqu’au sport, l’empreinte des régions de France est partout fortement présente dans notre patrimoine national.
C’est pourquoi le Groupe des Verts considère que ces langues constituent le bien de tous les citoyens et qu’elles ne peuvent pas être cantonnées aux seules régions où elles sont traditionnellement en usage.
J’ajoute que de par la volonté régionale, un lycée international va voir le jour à Noisy-le-Grand. J’espère que nous pourrons en faire un fleuron de la promotion du patrimoine linguistique de toutes les cultures, qu’elles soient régionales ou nationales.
Pour aujourd’hui, nous vous proposons donc, chers collègues, qu’ensemble nous émettions le vœu que le Président du Conseil régional intervienne auprès de la Ministre de la Culture et du Ministre de l’Education Nationale, pour obtenir l’autorisation pour les élèves franciliens et des autres régions, de présenter au baccalauréat les langues régionales de leur choix, et ceci de façon pérenne.