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Mescladis e còps de gula
Mescladis e còps de gula
  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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3 janvier 2008

La forteresse jacobine assiégée par les langues minoritaires

jacobins
Le club des Jacobins

 

Langues et territoires

 

Langues et territoires. C’est le titre d’une livraison de la revue de géographie et de géopolitique Hérodote (n° 105, 2002), entièrement accessible en ligne, qui rassemble les textes d’un colloque qui s’est tenu en octobre 2001 à l’université Paris VII. Il contient une série d’articles très différents par le ton et les positions soutenues, consacrés à une pluralité d’espaces linguistiques qui presque tous concernent, directement ou non, le territoire national (corse, basque, créoles, rrom). On note aussi deux interventions consacrées à la présentation de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, que la France a refusé de ratifier. La quantité et, parfois, la qualité des informations qui s’y trouvent contenues ne sont pas négligeables, et la diversité des opinions en ferait un très intéressant reflet de l’état des débats dans les années écoulées sur les questions de langue régionale, si l’ensemble, tel qu’il est présenté et construit, n’était  une opération idéologique partisane, foncièrement hostile aux revendications linguistiques. Je me concentrerai ici sur cet aspect extrêmement déplaisant du volume. Mon approche sera donc partielle et, certainement, partiale, mais j’espère moins aveuglément partisane que ne le sont les analyses proposées par les responsables du numéro.

 

La rengaine jacobine

Il pourrait sembler que soumettre à une lecture critique des textes publiés il y a maintenant cinq ans soit une perte de temps et d’énergie. Ce à quoi je répondrai :

– 1 que leur publication n’a, à ma connaissance, suscité aucune critique développée de la part de tous ceux qui sont pourtant si violemment mis en cause. Cela, à mon humble avis, trahit une faiblesse théorique foncière dans nos mouvements culturels. Ignorer l’adversaire est la pire des stratégies ; elle lui permet d’occuper seul l’espace public et de s’imposer d’autant plus facilement et durablement qu’aucune contestation ne se fait entendre. Il est vrai que la pluralité des opinions est présente dans la publication elle-même, et cela doit être mis au crédit du volume. La manière cependant dont les textes sont ordonnées (les trois premiers articles au moins du recueil convergent et se renforcent mutuellement pour constituer une espèce de forteresse jacobine) et surtout présentés par Béatrice Giblin (« Langues et territoires : une question géopolitique »), avec une hostilité ouverte à l’égard des défenseurs de la diversité linguistique, laisse limpression fâcheuse que les voix dissidentes servent surtout de faire-valoir et à donner l’illusion d’un pseudo-débat, qui n’a absolument pas lieu. Dans son article introductif, Giblin évoque les « représentations contradictoires qui alimentent le débat, voire la polémique entre les citoyens » et adopte elle-même une pseudo neutralité, mais elle milite en fait ouvertement avec ceux qui affirment que « seule la langue française doit être autorisée sur le territoire national, car elle est à la fois le garant de l’unité nationale et la marque de la souveraineté étatique sur le territoire » (p. 4). De sorte que le débat est en fait tué dans l'oeuf par la position adoptée d’entrée de jeu, qui consiste à asséner des assertions partisanes en se réfugiant derrière de pseudo-autorités scientifiques. Le colloque a donné lieu, nous dit Giblin, à de très vifs échanges. On l’imagine aisément, mais il n’en transparaît pas grand chose car l’ensemble est proprement verrouillé par l’équipe ultra-partisane d’Hérodote. Il n’est jamais trop tard pour rouvrir le débat.

 

– 2 Ces positions, en cinq ans, n’ont pas varié : elles sont même plus fortes, plus dominantes que jamais, comme en témoigne l’article plus récent de Barbara Loyer dans la même revue, issu d’une journée tenue en 2006 (Hérodote, n° 126, 2007. On peut se reporter au texte en ligne, et à la critique que j’en ai faite). La convergence, que Loyer souligne non sans satisfaction dans son article, entre la position qu’elle défend et les déclarations de l’actuel président de la République lorsqu’il était candidat, devrait suffire à montrer combien il est important d’essayer de faire entendre notre désaccord et de l’argumenter. Je dis bien « essayer », parce que l’espace de discussion, en France, est sur ces questions tout aussi verrouillé que ne l’est ce numéro d’Hérodote : les possibilités de publier dans la presse comme dans les revues nationales ou régionales des critiques de la position dominante étant extrêmement réduites.

 

La thèse du complot

Giblin et Loyer ont une thèse, simpliste et caricaturale, qui n’est rien d’autre que la vieille thèse paranoïaque du complot, appliquée aux revendications linguistiques et culturelles : derrière le combat pour la langue, et le simple fait de s’engager pour la reconnaissance et la sauvegarde des langues régionales, il existe toujours des enjeux de territoires ; les revendications linguistiques servent à la fois de masque et de justification pour les luttes nationalistes. Ou, en d’autre termes : les revendications et même les pratiques linguistiques (pédagogiques, éditoriales, etc.) constituent la face avouable du séparatisme et du nationalisme. Si nos géopolitologues sont ainsi obsédés par le complot nationaliste, c’est en fait qu’ils défendent une position, au sens militaire du terme, archi-nationaliste.

On chercherait en vain, de ce côté-là, la moindre esquisse d’autocritique : le nationalisme français coule de source. Il est la religion naturelle de tous les bons français. De sorte que les organisateurs du colloque et responsables du numéro projettent leur propre obsession idéologique sur les défenseurs des langues minoritaires. Leur manque de discernement et de finesse d’analyse est proprement confondant. Car le statut pseudo-scientifique de leurs discours, cautionné par leurs fonctions universitaires et le prestige de la revue, cache en fait une position ultra-idéologique. De ce point de vue, il y a tromperie absolue sur la marchandise, car on ne trouve pas ici le commencement d’un début de réflexion objectivante et distanciée. Nous sommes confrontés au militantisme cocardier le plus brutal, qui se prêche donc en chaire à l’université.

Universitaire moi-même, je prends toujours soin de dire que j’interviens dans ces débats non pas ex-professo, mais comme locuteur d’une langue minorée et comme membre des associations culturelles auxquelles j’appartiens : IEO et Calandreta (mes propos n’engageant cependant que moi). C’est pourquoi je me sens particulièrement à l’aise pour dénoncer ce qui m’apparaît comme une pure et simple imposture intellectuelle. Non que je croie possible, dans les sciences humaines et sociales, la production d’un discours délié de toute forme d’implication idéologique, mais il existe dans nos disciplines des procédures de falsification et de pondération sinon de véritables méthodes qui permettent au chercheur de maintenir à distance ses propres engagements. Ici l’engagement idéologique est au premier plan, agressif et tonitruant.

Je prendrai, en hors d’œuvre, un seul petit exemple de la fausse neutralité de l’article de présentation : l’auteure place en effet dans un rapport d’exacte symétrie les « articles opposés d’Henri Giordan et d’Yvonne Bollmann ». Giordan est un spécialiste de littérature et un linguiste impliqué en effet dans les revendications pour les droits des langues et des cultures minoritaires (il est, ou du moins a été, vice président Groupement pour les Droits des Minorités[1]), auteur d’un fameux rapport en 1982 – Démocratie culturelle et droit à la différence –, commandité par François Mitterrand, mais resté lettre morte. Sa parole est donc celle d’un acteur engagé. Il revient dans son intervention (« Le pouvoir et la pluralité culturelle ») sur les avatars des revendications linguistiques de ces vingt dernières années pour constater le blocage institutionnel et idéologique spécifiquement français. Giordan présente à mon avis une analyse fort juste du refus constitutionnel de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : « Le Conseil ne conçoit pas que les citoyens français puissent avoir le droit de pratiquer une langue autre que le français ‘non seulement dans la vie privée mais également dans la vie publique’. Ce raisonnement tend à laisser penser que le Conseil définit la nation non pas par le partage de valeurs politiques, mais bien par le partage d’une réalité linguistique, l’usage collectif du français. C’est ainsi que l’on ‘ethnicise’ la conception de la nation »[2]. Il envisage en outre les actions raisonnables permettant de surmonter ces obstacles, par des mesures compatibles avec la Constitution française et l’élaboration d’un nouvel équilibre entre le pouvoir et la pluralité linguistique et culturelle. Ses lecteurs peuvent sans doute être en désaccord avec lui, mais le propos est raisonnable et pondéré, ouvert à la discussion. Par contre, les idées défendues par Yvonne Bollmann (« Les langues régionales et minoritaires en Europe, Volksgruppen : le grand retour ») sont tout simplement délirantes. Bolmann considère les revendications linguistiques comme le vecteur d’un grand retour des « groupes ethniques », des « Volksgruppen », et à travers celle-ci de la grande et terrible Allemagne. Son idée fixe, qui devrait suffire à la discréditer absolument dans l’arène universitaire, est celle d’un complot de l’Allemagne, prête à faire main basse sur une Europe émiettée en régions. Elle n’hésite pas en effet à présenter la Charte des langues régionales ou minoritaires[3], « comme l’alibi culturel pour une véritable contre-révolution, qui fait de citoyens libres et égaux les éléments indifférenciés de groupes ethniques » (p. 195). Ainsi vaticine-t-elle sur un avenir apocalyptique où « tout occupée à gérer les conflits internes qui naîtraient de cette situation nouvelle, la France laisserait le champ libre à l’Allemagne, que son homogénéité ethnique protège d’un tel danger » (p. 199). Comment accorder le moindre crédit à ces absurdités indécentes ? Comment peut-on d’ailleurs se poser en zélatrice des principes républicains et utiliser la notion même « d’homogénéité ethnique » ? Que l’idée délirante, paranoïaque et haineuse, selon laquelle la charte européenne des langues minoritaires serait un moyen détourné excogité par l’Allemagne pour réaliser, une fois encore dans l’histoire, son rêve de Reich (« l’ethnisme est l’un des outils qui peuvent permettre de faire du troisième essai le bon ») trouve naturellement sa place dans un débat entre universitaires, est en soi, à mes yeux, une chose assez effrayante.

Du reste, Giblin, qui ouvre le numéro, défend des positions voisines, la germanophobie en moins. La question qu’elle pose à propos des langues régionales est proprement inquisitoire, sinon inquisitoriale : « Quel est le territoire sur lequel certains partisans de leur renaissance souhaiteraient les remettre en usage et pourquoi ? ». La réponse est contenue dans la question : elle est en fait accusatoire et peut se formuler ainsi : vouloir parler et enseigner d’autres langues que le français sur certaines portions du territoire national est une démarche en elle-même subversive au service de visées crypto-nationalistes. Comme telle, il s’agit d’une menace pour l’unité et l’intégrité de la nation. Dans cette conception des choses, les « enjeux culturels » n’ont en eux-mêmes aucun intérêt et ne sauraient être pris en compte et reconnus comme tels  (sur ce plan du reste, les compétences de nos géographes géopoliticiens sont proches de zéro) ; ils trouvent leur sens, leur intérêt et leur fonction, exclusivement, dans les « enjeux géopolitiques », comme paravents des crypto-nationalismes.

L’obsession du complot va jusqu’à la dénonciation de l’apprentissage tardif, ou simplement scolaire des langues minoritaires. Seuls les locuteurs natifs échappent à l’accusation de participer à une entreprise concertée de déstabilisation linguistique – et donc politique –, à condition, cela va de soi, de résister à toute acculturation écrite et de décliner tout engagement culturel. En effet, apprendre et plus encore enseigner une langue minorisée, c’est se rendre coupable de la mettre « en concurrence » avec la langue nationale. « Pour nombre de locuteurs des langues régionales, en particulier ceux qui ont parlé l’une d’entre elles dans leur enfance, il n’y a pas concurrence entre la langue régionale et la langue nationale » (p. 5). Il en va tout autrement pour ceux qui les apprennent et les enseignent : « la langue devient un enjeu de pouvoir quand il existe dans la région un mouvement nationaliste ». Ceux-là cherchent à « imposer leur langue » pour « reconquérir leur territoire ».

Ainsi donc derrière toute revendication linguistique et culturelle, et même toute forme d’implication dans les associations culturelles se cache le spectre du « nationalisme régional ». Il serait absurde de nier l’existence des nationalismes, qui prennent les langues comme étendards. Remarquons seulement que dans le cadre d’une réflexion de géographes et de géopolitologues, il n’y a aucune raison de stigmatiser ces nationalismes-là par opposition au nationalisme français. Mais il est tout aussi absurde de ramener au crypto-nationalisme l’ensemble des initiatives collectives ou individuelles en faveur des langues régionales. Cette obsession nationaliste est révélatrice d’un nationalisme étriqué et paranoïaque, qui voit des ennemis partout et ne se pose jamais la question cruciale de la démocratie culturelle. Cette question, le nationalisme obtus ne la pose pas, parce qu’il y a toujours déjà répondu par la négative. En effet, pour les adeptes de la religion du français, tant que la nation n’est pas parvenue à imposer une unité et une unicité linguistique, elle apparaît menacée dans ses principes mêmes.

Quant à moi, et je ne crois pas être isolé parmi ceux qui résistent en France au nivellement linguistique, j’avoue volontiers placer la démocratie avant la nation. L’esprit démocratique, me semble-t-il, ne saurait se satisfaire du carcan national. La nation sert de cadre au développement de formes restreintes de démocratie, mais elle est précisément un cadre contraignant et restrictif, qui ne saurait éviter d’entrer en contradiction avec l’esprit même de l’égalité et de la liberté démocratiques. Sans parler de sa nature foncièrement belliciste et mortifère. Ceci dit, ce n’est pas en extirpant les langues et en travaillant à niveler les cultures que l’on fera taire les aspirations séparatistes. C’est au contraire le meilleur moyen de les exacerber. Et puis nos auteurs semblent oublier que l’un des principes fondamentaux de l’esprit démocratique moderne, issu pour une bonne part des Lumières françaises, est le droit des peuples à décider de leur propre sort. Rien ne saurait empêcher une collectivité territoriale de s’autodéfinir comme peuple et de revendiquer son autonomie politique, voire son indépendance. Cela a été et reste le cas dans toutes les colonies (les dernières de l’empire français, évidemment baptisées autrement, sans que personne ne soit dupe). Cela pourrait après tout se passer de la même façon sur le territoire métropolitain, même si l’on en est encore tellement loin que les cris d’orfraie poussés par nos géopolitologues frisent le ridicule. Je comprends en tout cas fort bien que de ce côté-ci des Pyrénées, l’on puisse regarder avec sympathie et même envie certaines autonomies de l’Espagne voisine. Mais en accusant les partisans des langues minoritaires de crypto-nationalisme, les collaborateurs d’Hérodote ne font qu’exhiber leur propre nationalisme, à la fois arrogant et aux abois. Mais leur logique géopoliticienne les empêche de voir que, selon vos propres critères, il y a bien pire que des nationalistes dans les rangs de ceux qui portent les revendications linguistiques. Il s’y trouvent en effet des citoyens qui croient en la démocratie locale, participative, voire pour certains, en la démocratie directe ! Bref la chienlie absolue.

 

La thèse du conflit des langues

Pour justifier le nationalisme monolingue, il est évidemment important de discréditer le bilinguisme, tâche très difficile au regards des données de la linguistique et de la sociolinguistique sur la question (voir par exemple mon compte rendu du numéro de Langage et société – 2006 - consacré au bilinguisme). Dire, comme le fait Giblin, que « les exemples de réels bilinguismes sont rares » est, littéralement, une ânerie, même si l’on a bien compris qu’il s’agit de bilinguismes collectif. Tout dépend évidemment de ce que l’on entend par « réel ». L’auteure voudrait nous faire croire, que seul le monolinguisme est naturel ou du moins normal ; le bilinguisme ne pouvant jamais être que transitoire, selon la citation de Pierre Martel : « Le sujet naît dans la langue de ses parents, vit avec elle dans la société dont cette langue est l’instrument normal de communication, la transmet à ses propres enfants, et la parle jusqu’à sa mort. Dès qu’une autre langue se mêle au jeu, il y a fatalement conflit, qui ne peut déboucher que sur la mort de l’une des parties ». Martel a beau être cité comme une autorité, cette déclaration est démentie tous les jours par l’anthropologie, la linguistique, la psychologie et l’histoire : partout des « sujets » naissent et grandissent dans plusieurs langues, il existe de multiples sociétés dont les membres sont bilingues et même plurilingues, sans qu’ils aient à vivre ce conflit mortel dont nous parle Martel, on ne sait trop où d’ailleurs[4]. Cette idée du monolinguisme comme situation normale et en quelque sorte naturelle des sociétés humaines est une vision purement idéologique.

Il est vrai, comme Loyer le rappelle dans son article, aux mêmes fins que Giblin, que des sociolinguistes, en particulier catalans (Lluís Aracil, Puig i Moreno), ont développé la notion de « conflit linguistique ». Soit, pour reprendre la citation que Loyer donne de Henri Boyer : « Ou bien la langue imposée va se substituer lentement, mais sûrement, à la langue dominée, ou les usagers de celle-ci vont œuvrer à sa normalisation, c’est-à-dire à une utilisation normée (standardisée) dans tous les domaines de la communication, en combattant sans relâche les tendances à l’assimilation. »[5] Ce n’est pas ici le lieu de mettre en question la thèse du conflit, tout à fait discutable, comme suffit à le montrer les situations de diglossie prolongées pendant des siècles[6]. Il suffit simplement de remarquer ici que même s’il on en concède la vérité, on ne voit pas en quoi elle pourrait valoir comme un argument recevable d’hostilité à l’égard des langues régionales, car c’est évidemment aux citoyens à décider, collectivement, quelles langues ils veulent parler. Mais, il s’agit en fait ici, encore et toujours, d’affirmer que le regain des langues régionales menace les langues nationales considérées comme les seules langues légitimes pour la production d’une culture digne de ce nom. Avec le retour des patois, la barbarie nous menace, celle des micro-nations claniques, les Folksgruppen, le couteau entre les dents, mercenaires cachés à la solde de la grande Allemagne (voir supra au sujet de l’article de F. Bollmann). 

 

Une histoire mensongère

Giblin nous présente un récit historique partiel, partisan et donc fatalement faux, selon lequel les langues régionales ont servi au clergé et à la noblesse pour maintenir leur domination sur les populations paysannes et faire barrage aux idées révolutionnaires. Il est évidemment facile de montrer que la Révolution s’est faite aussi dans ces langues-là, et que celles-ci ont participé aux mouvements sociaux et progressistes des deux derniers siècles ; les témoignages et les textes qui le prouvent ne manquent pas. Il est faux et malveillant de considérer, comme le fait l’auteure après tant d’autres, que les langues régionales sont et ont toujours été vecteurs de conservatisme et d’obscurantisme alors que le français serait garant de progrès, de savoir et de liberté[7]. Cela est mensonger, parce que, contrairement à ce que les partisans de cette opinion fallacieuse voudraient nous faire admettre, les langues n’ont pas d’idéologie, pas de religion, pas de parti, pas même de patrie. Les locuteurs certainement, mais c’est une tout autre question ; on peut évidemment exprimer des différences et divergences de conviction de tous ordres, tout aussi fortes et radicales dans ces langues qu’en français.

Du reste l’auteure doit reconnaître elle-même que les mouvements pour la sauvegarde et la promotion des langues et cultures régionales qui se sont succédés n’ont pas tous été, loin s’en faut, du côté du conservatisme ou de la réaction. Elle concède par exemple l’existence d’un courant autonomiste proche des communistes au début des années Trente, en particulier en Bretagne, puis à nouveau après la seconde guerre, qui a joué un rôle important dans le processus dont l’aboutissement fut la loi Deixonne (1951).

Ayant déjà dépensé pas mal d’encre à réfuter ces reconstitutions historiques visant à justifier a posteriori la chasse aux patois, que l’on retrouve inchangées de publication en publication, je ne perdrai pas de temps sur les raisons avancées par Giblin visant à nous faire apparaître leur disparition comme un progrès manifeste. Je me contenterai de citer sa thèse révisionniste sur les bienfaits de l’exode rural, comme bienfait de l’instruction et de l’acquisition du français ; une thèse en vérité assez audacieuse : « Il faut donc rappeler les conséquences positives de l’acquisition de la langue française et de l’instruction, qui ont permis au plus grand nombre d’échapper à un contrôle social et religieux oppressant en pouvant partir ». Notons aussi que la seule issue envisagée pour échapper au « contrôle social et religieux oppressant » est non l’action des individus au niveau local mais le départ : comment en effet accéder à la liberté, sinon en fuyant les campagnes patoisantes pour gagner la ville lumière ?

 

Vieux badumes[8] et langues nouvelles

Mais les attaques de l’auteure se concentrent surtout sur les langues promues par les mouvements renaissantistes, qu’elle considère comme de « nouvelles langues » : « En vérité, selon les sociolinguistes tels Jean Le Dû (spécialiste des dialectes bretons) ou Pierre Martel (spécialiste des dialectes occitans), le plus souvent, il n’y avait pas une même langue régionale parlée sur un territoire bien délimité, mais des dialectes plus ou moins proches parlés sur des territoires parfois très petits » (p. 10). « En vérité »… Quelle vérité ? comment pourrait-il y avoir la moindre vérité dans de tels approximations et confusions terminologiques ? « Le plus souvent »…, point de « langue » mais des « dialectes plus ou moins proches »… Alors que l’on sait bien pourtant que les langues sont dans les dialectes qui la constituent, parlés sur des territoires de taille très variables. Mais il s’agit de montrer que la fragmentation dialectale sur des micro-territoires interdit de parler véritablement de langues. Cette absurdité d’un point de vue linguistique a, évidemment, pour enjeu de « prouver » l’illégitimité de revendications linguistiques et l’artificialité des notions même de langue occitane, bretonne, basque ou corse.

L’un des éléments qui prouverait l’artificialité est l’unification forcée de l’écrit, là où règne la diversité orale. Il s’agit de cette confusion grossière, entretenue par tous les contempteurs des « langues régionales », entre l’adoption d’une graphie unifiée et l’unification phonétique, celle-là n’engageant d’aucune façon celle-ci. Cette confusion, qu’elle soit le fruit de la mauvaise foi ou de l’ignorance, est en tout cas indigne d’un enseignant et d’un chercheur qui devrait tout de même savoir que l’adoption d’un même système graphique n’a rien à voir avec une unification de la langue elle-même, qu’elle soit parlée ou écrite. Pour montrer l’absurdité et la grossièreté de cette confusion, il suffit de constater que cette logique devrait alors conduire à dire que lorsqu’on graphie le breton et l’occitan à la française, ils deviennent … du français ! En réalité un même système graphique est évidemment modulable selon les particularités phonétiques, lexicales, syntaxiques, grammaticales, etc. locales. On m’excusera ces trivialités, mais les collègues universitaires ont parfois l’oreille dure, sans parler de tous ceux qui nous racontent qu’on veut les spolier de leurs idiomes natifs et ancestraux pour leur substituer une langue artificielle et en tout cas artificiellement unifiée. Cela est faux et archi-faux. De ce point de vue, le discours des détracteurs provençaux, gascons et auvergnats de l’occitan (l’article de Philippe Blanchet dans ce numéro en présente un excellent exemple[9]) repose tout simplement sur une contre-vérité : l’affirmation selon laquelle l’adoption d’un code commun d’écriture équivaut à l’imposition d’une langue parlée et écrite unifiée et standardisée. C’est un mensonge que chacun peut constater en retrouvant dans la graphie unifiée les variantes dialectales et sous-dialectales du provençal, du gascon, de l’auvergnat, du limousin, etc.

A la fausseté éhontée s’ajoute le ragot : « Il se dit que ceux-ci n’ont d’ailleurs aucun plaisir à écouter les émissions de radio ou de télévision en breton ou en corse car ce n’est pas « leur » langue, elle ne sonne pas comme celle qu’ils ont parlée dans leur enfance ». « Il se dit que », « on raconte que » : voilà du solide !  du sérieux ! de la preuve ! de la science ! Il s’agit là d’une question bien différente, qui est la tendance à une homogénéisation dialectale de la langue orale telle qu’elle est pratiquée dans l’enseignement et dans les médias. Ce recentrage sur des standards dialectaux est une tendance indéniable, dommageable pour les particularités phonétiques, syntaxiques et lexicales qui, en effet vont s’éteindre avec les locuteurs les plus âgés. Il faudrait tout faire pour laisser vivre et laisser se transformer d’elles-mêmes ces particularités locales, mais le fait est : le fil générationnel est rompu, et les nouveaux locuteurs, souvent enfants et petits-enfants des anciens qui ont fait le « choix » (si tant est qu’il s’agisse d’un choix délibéré) de ne pas transmettre la langue, reprennent la langue à un niveau différent, plus dialectal, moins particularisé, moins fortement individualisé aussi par les différences d’accentuation, plus francisé dans la prononciation également. Rien de cela n’en fait pour autant des langues nouvelles et artificielles.

Ainsi l’affirmation répétée tout au long de l’article, selon laquelle on assiste à « la création de nouvelles langues » n’est-elle ps étayée par le moindre argument probant et d’ailleurs par le moindre argument tout court. « Recréer une langue en fabriquant l’essentiel du lexique, en fixant des règles grammaticales, dit-elle sentencieusement, ce n’est pas sauvegarder un patrimoine linguistique en en préservant la riche diversité des dialectes ». Mais qu’elle nous montre donc, exemples et chiffres en main, dans les dictionnaire et les ouvrages didactiques en quoi le lexique est « fabriqué » de toute pièce et les règles de grammaires fixées arbitrairement ! De plus, en s’exprimant ainsi, elle tient pour acquis que la langue non écrite ne possède aucune règle fixe de grammaire. Que rétorquer à de telles inepties ? Et enfin, et surtout, qui se soucie de « la riche diversité des dialectes » ? Qui pratique le collectage ? Qui se livre à des travaux d’ethnographie rurale, à des études de phonologie des parlers locaux ? Les géographes d’Hérodote ? Certainement pas… Par contre, comme par hasard, ce sont des membres d’association et des chercheurs engagés dans la pratique de ces soi-disant « langues nouvelles » et artificielles. Ceux-là donc, si Giblin avait raison, seraient de purs schizophrènes incapables de faire le lien entre leur intérêt constant et soutenu pour les pratiques locales et la langue qu’ils parlent et qu’ils écrivent ? Est-ce vraiment sérieux ?

Quant à les accuser carrément « d’accélérer la mort de ces langues parlées encore vivantes », comme elle le fait, c’est évidemment friser l’indécence. Il est vrai qu’il s’agit là aussi d’une accusation récurrente, sans que l’on ne nous explique jamais en quoi défendre l’occitan ou le breton, militer pour une reconnaissance symbolique et institutionnelle de ces langues, les parler et les écrire le mieux possible en respectant des différences dialectales, peut porter tort aux locuteurs des sous-groupes dialectaux. Évidemment que nous parlons la langue des vieux, même si nous ne la parlons plus tous exactement comme ils la parlaient et la parlent encore. Je l’ai dit et le répète : le fil de la transmission directe s’étant rompu, la plupart des locuteurs ont dû apprendre ou réapprendre la langue à partir d’une connaissance passive ou ex novo. Notons, du reste, que d’importantes différences générationnelles existent aussi dans les langues où la transmission se fait normalement, et cela est vrai du français comme des autres langues vivantes ; il suffit pour s’en convaincre d’écouter de vieux enregistrements, ou de tendre l’oreille au sein de sa propre famille.

Giblin poursuit, toujours en s’appuyant sur l’article fantôme de Martel, en disant que cet artificialisme et cette nouveauté présumés sont « l’une des raisons du piètre succès de la relance de l’occitan, car il n’y a pas une langue occitane mais des langues qui appartiennent à l’ensemble occitan, et que les locuteurs âgés, souvent paysans, veulent garder comme telle, langue de l’intimité qui n’a rien à voir avec la langue construite et parlée par les néo-Occitans qui vivent en ville et dont les parents ne parlaient déjà plus ou presque plus l’une d’entre elles. » « Piètre succès de la relance »… Giblin a certes le droit de le penser[10]. On ne peut en effet que constater les obstacles et les difficultés innombrables rencontrées par les associations et mouvements qui se sont donnés pour vocation de maintenir et de faire vivre la langue. Mais quels sont les critères, les méthodes d’évaluation qui lui permettent de porter ce jugement d’échec péremptoire ? Un simple renvoi à Pierre Martel fait l’affaire. Le Dû pour le breton, Martel pour l’occitan… Comment peut-on sérieusement se contenter de s’en remettre à deux « autorités », de surcroît fort peu représentatives, là où il existe des milliers d’études ? Il s’agit bien en tout cas d’un usage du principe d’autorité puisque, à chaque fois, il s’agit pour l’auteure de ne pas avoir à justifier des assertions à l’emporte-pièce, qui trahissent une méconnaissance profonde des travaux de linguistique et de socio-linguistique.

Mais, une fois encore, qu’est-ce qui permet à Giblin, sur la foi du mystérieux Martel, d’affirmer que la langue des locuteurs âgés de la campagne « n’a rien à voir » avec la langue « construite » par les « néo-occitans », qui soi-disant vivent en ville ? En quoi, pourquoi, comment n’a-t-elle rien à voir ? Serait-ce, entre autre chose, parce que ces locuteurs sont, ou plutôt seraient (car c’est loin d’être souvent le cas) « jeunes » et « urbains » ? Cela veut dire que la seule langue régionale légitime, culturellement et politiquement légitime, est celle de l’intime (encore une idiotie, car la langue est aussi celle du marché, lieu public s’il en fut), de la campagne et des vieux. Tout autre usage est illégitime, artificiel et surtout politiquement délétère.

 

L’épouvantail de l’immersion et le spectre de l’immigration

La déclaration finale, dans cet article, est des plus édifiantes et, si l’on peut dire, fait sortir le loup du bois : « A-t-on mesuré les risques qu’entraîne la revendication d’un enseignement par immersion totale dans la langue comme le pratiquent les écoles Diwan ou Seaska, car au nom de l’égalité et du respect des cultures, des origines et des racines, comment refuser l’enseignement en arabe, en berbère ou en turc et constituer alors des ghettos d’immersion totale dans ces langues ? » (p. 13).

Cette fausse interrogation suscite deux réflexions : elle contient d’abord une ânerie « totale », répétée plusieurs fois au cours du volume (B. Loyer, p. 16 et 18, Ph. Blanchet, p. 101) concernant les écoles par immersion : Diwan, Seaska, Calandreta, etc. Ces écoles en effet ne sont absolument pas des lieux où se pratique une immersion « totale », exclusive et ghettoïsée. La preuve est facile à fournir, simple, objective, échappant aux discussions idéologiques stériles : ce sont en effet des écoles privées sous contrat (comme Loyer doit bien le reconnaître, p. 30), qui s’engagent donc à porter leurs élèves à un niveau de français égal (et il en va de même évidemment de toutes les autres matières) à ceux des écoles publiques. Or tous les indicateurs montrent qu’en effet, tel est le cas. Le plus visible étant l’aisance avec laquelle les élèves s’intègrent au collège public en classe de sixième. On y enseigne ce que l’on enseigne ailleurs, mais avec en plus l’adoption d’une pédagogie active et de la langue ou des langues pratiquées en immersion. L’expression « immersion totale » est donc fausse et trompeuse car, évidemment, que l’on n’y enseigne pas le français en breton ou en basque, contrairement à ce que s’obstinent à faire encore si souvent les enseignants du public pour les langues étrangères, avec les excellents résultats que l’on sait.

L’auteure cite à l’appui de ses dires, les propos de Christiane Marcellesi (épouse du sociolinguiste corse Jean-Baptiste Marcellesi, précise-t-elle, sans que l’on comprenne bien en quoi cette information privée est si importante) disant au sujet de l’enseignement en occitan : « Quel rôle et quelle place donnez-vous au français lorsque vous revendiquez pour l’occitan le statut de langue enseignante ? Il me semble que c’est bel et bien le français qui devient une langue minorée. Refusez-vous le rôle national du français ?... » (Les Cahiers de Linguistique sociale, n° 7, 1985, p. 71). Il est absolument faux de dire que le français est une langue minorée dans les écoles par immersion, puisqu’il est enseigné au même titre que la langue régionale, mais il n’a pas besoin d’une immersion scolaire spécifique parce que cette immersion a lieu partout ailleurs dans la vie sociale des enfants, preuve en est faite par leur niveau de français égal (sinon supérieur) à celui des enfants du public. Par contre l’immersion est le seul moyen pour que la langue minorée, en récession drastique dans la société, puisse être effectivement parlée. D’ailleurs, dans les calandretas que j’ai fréquentées, le français reste de fait présent dans les échanges au sein même de l’école et de différentes façons, même si la langue régionale est favorisée. Ce procès est donc, absolument, un faux procès. En réalité, ce qui est jugé insupportable, c’est que l’on puisse utiliser d’autres langues que le français dans un cadre scolaire et qui plus est comme langues enseignantes. En effet, que des langues identifiées à l’ignorance soient prises pour des vecteurs d’éducation et de connaissance est proprement inacceptable. C’est sur ce fond d’intolérance viscérale que se bricolent des contre-arguments de pacotille[11].

Mais surtout, quand j’ai dit que le loup sortait du bois dans ce final, je voulais parler de la manière dont sont évoquées dans cette phrase les langues de l’immigration : à en croire l’auteure, la catastrophe des catastrophes, à laquelle nous condamnerait toute permissivité en la matière pour les langues régionales, serait que l’on enseigne aussi par immersion les langues de l’immigration. En ce qui me concerne, je pense au contraire que si une telle immersion existait et remplissait le contrat des programmes de l’éducation nationale, comme le font les écoles en langues régionales, elle serait un enrichissement extraordinaire pour la « nation », et d’abord signerait la fin – j’ose le dire – de la dépréciation et de la relégation culturelle et sociale des populations émigrées dont les langues seraient enfin reconnues et valorisées, condition nécessaire et suffisante à une intégration linguistique francophone réussie. Enseigner le berbère pour mieux réussir « aussi » en Français : cela n’est pas un paradoxe, mais une donnée empirique attestée par les études des psycholinguistes sur le bilinguisme (voir par exemple les travaux de Mehmet-Ali Akinci sur l’enseignement du turc à Lyon[12]). De cela bien sûr, c’est-à-dire des richesses du multilinguisme et du multiculturalisme, il n’est jamais question dans l’étude de Giblin, pour qui le monolinguisme est un devoir national et le bilinguisme synonyme de conflit fatal et de revendication nationaliste larvée. Barbara Loyer, dans son propre article, cite dans le même sens le Mouvement des citoyens de Douarnenez qui estime que l’intégration de Diwan au service public (refusée par le Conseil d’État, comme on le sait, en 2001) conduirait fatalement « les locuteurs des langues de l’immigration [à] demander la même chose, ce qui suppose une mobilisation considérable de moyens dirigés vers l’apprentissage d’autres langues que le français » (Le Télégramme, 31 octobre 2001). Le comble étant, que dans un autre contexte, celui de la Corse, les langues des migrants sont mises en avant par Marianne Lefevre, une autre auteure de la ligne Hérodote, pour dénoncer la conception territoriale engagée dans le texte de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires qui reçoit un écho très favorable dans l’île : « Que devient la « langue des migrants » exclue de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, dans un des territoires régionaux de France où vivent le plus d’étrangers ? » C’est, selon moi, une bonne question, mais on ne peut répondre que par une autre : que deviennent en effet les « langues des migrants » présentes sur tout le territoire national ? Qu’est-ce qui est réellement fait en leur faveur ? Qu’en est-il de leur reconnaissance, de leur usage pédagogique, etc. ? A peu près rien. On s’obstine plutôt à faire comme si elles n’existaient pas. Elles ne sont invoquées que lorsqu’il s’agit de faire barrage aux langues régionales.

 

L’égalité des langues : cauchemar de l’élite monoglotte

Tout aussi révélateurs apparaissent les propos de Barbara Loyer sur l’égalité des langues, joliment formulés sous la forme d’une « hypothèse » de travail : « la revendication d’égalité des langues dans tous les domaines, c’est-à-dire le refus de relations hiérarchiques entre les langues, le refus qu’une langue ait le monopole de certaines fonctions, a de forts risques de déboucher sur une contestation des relations de pouvoir établies au sein d’un État, notamment entre l’État et les régions » (p. 34). Que la question des langues et de leur égalité soit de part en part politique en même temps que culturelle est une plate évidence ; qu’elle conduise à la contestation des pouvoirs qui refusent de reconnaître cette égalité au nom même des principes d’égalité et d’équité est tout aussi évident, mais tout démocrate devrait reconnaître alors la légitimité de cette contestation. Or la mise en cause des pratiques invétérées anti-démocratiques du pouvoir central en matière de culture et de langue est ici envisagée comme la pire des choses qui pourrait arriver. Loyer en appelle à une « réflexion sur le statut que les citoyens de ce pays accordent à la langue nationale » (p. 34). En réalité, la réflexion à conduire est d’abord une réflexion politique sur le respect de la diversité culturelle et l’illégitimité politique de l’exercice d’un pouvoir régalien de l’État nation en matière d’imposition d’une langue et d’une culture uniques et d’extirpation des différences (ce qui, pour les cultures immigrées, reçoit le doux nom « d’intégration »). Dans la situation actuelle, sur le territoire français, la langue nationale n’est menacée nulle part, alors que les langues régionales le sont partout, et de ce point de vue la projection par anticipation sur la France des situations d’ailleurs fort différenciés des combats et acquis autonomistes en Espagne, est hors de saison. Il assez comique d’ailleurs de voir que l’Espagne joue une sorte de rôle de repoussoir, alors qu’on pourrait tout aussi bien considérer qu’elle nous offre des modèles de règlement démocratique des conflits régionaux ; mais, dans ce type de discours, l’Espagne ne saurait être qu’un épouvantail parce que le point de départ, qui obère par avance toute prétention à la moindre analyse un tant soit peu approfondie, est la passion nationale pour la centralisation et le nivellement.

Mais on trouve aussi dans ces analyses la réaction corporatiste d’une intelligentsia dévouée corps et âme au pouvoir central, dont elle tire ses subsides et la possibilité d’imposer son hégémonie culturelle. Cela apparaît très clairement dans l’article de Loyer : « La suspicion envers l’extension d’une langue minoritaire sur un territoire prend racine dans la crainte que cela puisse changer les rapports de forces existants, notamment parmi les élites » (p. 35). En effet : « la discrimination positive pour les locuteurs d’une langue au sein de l’administration est un moyen pour ces derniers d’accéder à des postes où se prennent des décisions, ainsi qu’aux places de professeur, journaliste, directeur administratif, syndicaliste..., ce que j’appelle l’élite, d’où se diffusent les idées » (p. 35). Certainement, si des compétences en langues régionales devenaient un critère d’appartenance à ce que l’auteure nomme « élite », c’est le pouvoir symbolique et effectif des élites monoglottes parisiennes ou étroitement dépendantes de Paris qui seraient mis en cause, comme le sont en Espagne les castillans madrilènes. Devoir faire preuve de compétences plurilingues est en effet le cauchemar des mandarins français, presque toujours incultes en matière de langue et fiers de l’être, de telles compétences n’entrant nullement (ou si peu) en compte dans les procédures de sélections nationales. J’avoue éprouver une certaine jubilation lorsque des collègues ayant tant peiné et sué pour se doter d’une très superficielle compétence en castillan se retrouvent à Barcelone dans des colloques universitaires où l’on entend aussi du catalan. J’ai pu même les entendre, entre eux, dénoncer le « totalitarisme », voire le « fascisme » des catalans, au seul motif qu’ils utilisent leur propre langue. Ces réactions épidermiques sont très significatives et, tout comme la lecture des articles de l’équipe d’Hérodote, ne rendent guère optimiste quant à l’évolution possible de la mentalité universitaire en France sur la question des langues.

 

La loi Deixonne : presque rien, mais beaucoup trop

Je voudrais pour finir revenir un instant sur la loi Deixonne, par quelques évocations autobiographiques. Giblin reconnaît que « l’application de cette loi ne fut […] ni facile ni favorisée », tout en précisant que « cela n’explique pas le recul massif des langues régionales ». Aucun des obstacles mis à l’enseignement et à la promotion des langues régionales ne saurait, de toute façon, entrer en ligne de compte dans ses analyses. Pour elle, c’est la société qui a choisi, librement, démocratiquement, de jeter aux orties les patois dont elle n’avait plus besoin.

J’ai bénéficié de la loi Deixonne, vers la fin des années 70, dont le contenu avait été repris par la loi Bas-Lauriol (1975). En ce qui me concerne, son application s’est limitée à un cours facultatif d’une heure d’occitan délivré par un professeur de français en classe de terminale[13]. Il s’agissait d’une heure, d’une petite heure hebdomadaire, reléguée, si ma mémoire ne me trahit pas, le soir après 20 heures[14]. Mais c’était déjà trop. Trop, car ce cours nous donna le sens de la beauté et de la dignité de la langue, alors que, dans nos campagnes, le « patois » n’était pour nous qu’un prétexte à rire et rire encore de la simplicité et rusticité de nos parents et grands-parents. Ce rire pouvait bien, éventuellement, se charger de bienveillance et de tendresse, mais il naissait comme spontanément de l’inégalité symbolique absolue entre ce que disaient les parents et les vieux en leur idiome natif et la façon dont nous parlaient nos maîtres et modèles, dans les écoles, à la radio, à la télévision, au cinéma... Nous autres lycéens, étions évidemment de ce côté là, du bon côté, nous qui riions, qui ne savions que rire du patois. Et voilà qu’un professeur de littérature française à l’université de Toulouse, spécialiste de Victor Hugo, auteur de beaux articles sur la Princesse de Clèves et sur Racine, nous apprenait à lire les Contes del Drac de Jean Boudou. De sa voix lourde et lente, il nous plongeait à la fois dans l’univers de la culture orale et de sa mise en forme littéraire, sans que nous ne puissions plus trouver rien à rire de cette langue par rapport au français. Et dieu sait pourtant que l’on sait aussi rire en cette langue ! La loi Deixonne, ce n’était pas grand-chose, non, mais déjà beaucoup trop ; elle nous arrachait à la sotte certitude de l’infinie supériorité de la langue nationale sur les patois et, tant qu’à faire, sur les autres langues vivantes que l’on essayait de (ne pas) nous apprendre (ha ! Le merveilleux, l’inoubliable apprentissage des langues vivantes sur le modèle des langues mortes !). L’occitan, pour nous qui venions des fermes et des villages, et qui passions par le marché d’Albi et surtout de Réalmont, avait immédiatement la saveur de la vie et, en même temps, nous découvrions sa dignité littéraire, une petite heure la semaine, le soir, après tout le reste, en option, après toutes les matières sérieuses, celles qui ne seraient pas bradées au bac. Mais c’en était déjà trop. L’année s’acheva par une confrontation au bac avec un professeur, certes bienveillant, mais qui éprouvait de grandes difficultés à formuler ses questions orales dans une langue qu’il connaissait fort mal. De toute façon, nous avions compris, dès le début, l’importance institutionnelle et symbolique donnée à cette « matière » jugée récréative, facultative, et pour tout dire superfétatoire.

 

Jean-Pierre Cavaillé


[1] Voir l’auto-présentation du GDM, sur son site : « Le GDM entend contribuer à la formulation et à la défense des droits humains et plus particulièrement des droits des minorités (d’origine nationale, culturelle, linguistique et religieuse), et ce dans une perspective universelle ».

[2] Les débats autour du refus, dit Giblin dans sa présentation, de ratifier la Charte européenne, ont montré, « dans un pays qui depuis la Révolution, a évité de lier langue et nation » que les « liens entre la nation et la langue sont étroits et complexes, même si peu de territoires d’États-nations correspondent parfaitement à une aire linguistique » (p. 10). En réalité, cette union entre nation et langue française était bien supposée par la chasse aux patois, même si elle ne pouvait être assumée comme telle sans déroger aux principes universalistes de la République et à une conception formelle de la nation comme adhésion volontaire des citoyens. Il s’agit en tout cas, avec l’article 2 de la Constitution et tout ce qui en découle (rejet de la Charte, refus de l’intégration de Diwan…) d’une véritable dérive, dont le caractère ethniciste est souligné à juste titre par Giordan dans son intervention.

[3] Voir par contre, dans le même n°, les interventions de Rinaldo Locatelli, Responsable exécutif du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en Europe : « Les objectifs et les intentions des initiateurs de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires » et de Regina Jensdottir, administrateur-juriste au Conseil de l’Europe : « Qu’est-ce que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ? » .

[4] En effet, la référence bibliographique donnée en note : « L’occitan aujourd’hui », in Jean-François P. Bonnot (dir.), Paroles régionales, normes, variétés linguistiques et contexte social, Presses universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1995, p. 183-194, p. 193 est fausse. Il s’agit peut-être de ce Pierre Martel, curé de campagne en Haute-Provence, fondateur 1953, de l’association Alpes de Lumière, amateur éclairé, grand connaisseur du patrimoine matériel de la Haute-Provence, mais qui n’a jamais publié d’ouvrages sur la langue et dont on ne peut certes pas dire qu’il fut un « spécialiste des dialectes occitans ». Voir un recueil de ses écrits : in Pierre Martel. Une pensée et une action pour la Haute-Provence. Collectif. Alpes de Lumière n°143.

Ajout du 12.11.2008 : en fait, il s'agit d'une citation de Philippe Martel,  faussement référencée, entièrement manipulée et falsifiée comme l'auteur lui-même le déclare dans le commentaire que l'on peut lire à la suite du présent article. Paix donc aux cendres de Pierre Martel !

[5] La référence donnée par Loyer (Henri Boyer, 1987, cité par Eva Vetter, Plus de Breton ?, Ed. An Here, Le Relecq-Kerhuon, 1999, p. 28), trahit une connaissance indirecte du livre de Boyer, dont le titre n’est même pas lême mentionné : Sociolinguistique et politique linguistique : l'exemple catalan, Paris, Didier, 1987.

[6] L’égalité des langues dans un même espace social est sans doute un leurre, au sens où l’expérience montre que deux langues ne peuvent que difficilement cohabiter socialement pour remplir les mêmes fonctions. Pour qu’une langue vive, il lui faut des espaces d’expression spécifiques, et c’est évidemment le cas dans le cadre du partage diglossique dans une même langue et entre deux ou plusieurs langues. Mais le fait de créer des espaces sociaux d’expression pour une langue n’impliquent nullement une relation hiérarchique ; c’est tout à fait le cas dans les expériences de bilinguisme qui se font hors diglossie ; des espaces sociaux d’expression différenciés n’impliquent nullement la hiérarchisation, la lutte pour l’hégémonie et le conflit à mort entre les langues. De multiples voies, de multiples agencements sont possibles ; à condition évidemment que les citoyens aient véritablement le désir de parler deux ou plusieurs langues et se dotent politiquement des moyens légaux et institutionnels pour faire respecter leurs légitimes aspirations.

[7] On peut même fournir comme preuve performative a contrario l’exemple de cet article même, écrit en français et pourtant l’expression de l’esprit le plus obscurantiste que l’on puisse imaginer sur ces questions au regard des positions généralement considérées comme progressistes dans la communauté internationale. Celles-ci, partout dans le monde, consistent en effet plutôt dans la reconnaissance du multiculturalisme et du multilinguisme, que dans l’imposition d’une langue et d’une culture unique à tous les citoyens.

[8] « Variété de parler sans écrit ... que nous nommons badume, du breton du-mañ, ba du-mañ « chez-moi ». Le mot patois nous semble trop polysémique et marqué péjorativement pour remplir cette fonction », Jean le Dû, « Vrais Bretons et pseudo-norme », in Jean-François P. Bonnot (dir.), Paroles régionales, normes, variétés linguistiques et contexte social, Presses universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1995, p. 263-287, p. 267.

[9] « La politisation des langues régionales en France » . Cet article mérite qu’on lui consacre une critique spécifique. Non seulement pour analyser les raisons de la crispation sur la notion plurielle de « langues d’oc », qui ne devrait pas à mon sens empêcher une collaboration œcuménique dans les actions de défense linguistique, mais également pour s’interroger sur l’alliance finalement moins surprenante qu’il n’y paraît entre cette position étroitement localiste (plus exactement provençaliste) et l’universalisme (francophone) jacobin qui donne le ton à la revue.

[10] On peut apprécier très différemment l’apport de l’occitanisme. Voir, à titre d’exemple, le regard lui aussi extérieur d’Andres Kristol, « sociolinguistique empirique en domaine occitan: le débat sur la diglossie », Centre de Dialectologie de l’Université de Neuchâtel . Kristol, lui aussi, parle d’échec : « Comme l’écrit Robert Lafont, si l’occitanisme a réussi à modifier du moins en partie les attitudes envers la langue occitane, il est venu trop tard ou a été incapable de modifier les usages linguistiques. C’est que, en terme d’écologie des langues en contact, en dehors de la niche qu’il possède dans le monde agricole – et d’une deuxième niche, parmi les membres d'une certaine intelligentsia occitane – l’occitan a perdu depuis longtemps sa fonction comme langue de la communication spontanée dans de larges couches de la société. » D’un autre côté, remarque cet auteur, « il ne fait aucun doute que les efforts du militantisme occitan ont réussi dans une large mesure – surtout après 1968 – à lever le sentiment de « honte » qui pesait sur la plupart des locuteurs occitanophones, culpabilisés massivement par l’endoctrination qu’ils avaient subie à l’école » ; « On constate aussi que certains locuteurs ont pris conscience (ou sont en train de prendre conscience) que leur « patois » était une « vraie langue ». Dans ce sens, il y a manifestement eu un revirement de la situation, un réel succès attribuable à l'engagement des occitanistes militants – même dans une région peu touchée par l'occitanisme, comme c'est le cas dans le Couserans. » Mais il ajoute enfin : « On ne peut que regretter que ce revirement se soit produit trop tard pour renverser les tendances en ce qui concerne la transmission de la langue à la jeune génération: les mêmes locuteurs qui utilisent librement et joyeusement leur langue dans les échanges avec les membres de leur propre génération, ont cessé le plus souvent de l’employer avec leurs enfants. »

[11] Voir également, ceux apportés par B. Loyer, qui tente de démontrer l’existence de stratégies territoriales – et donc crypto-nationalistes – orientant la politique de création de Diwan : la preuve a contrario, explique Loyer est l’absence d’école Diwan en région parisienne, malgré la demande. L’exemple est pour le moins mal choisi, puisque une école Diwan s’est effectivement implantée à Paris en 2004 !. Loyer se livre également à un dénigrement fielleux de Thierry Delobel fondateur et président d’Ikas Bi, digne du plus mauvais journalisme. Il s’agit bien sûr de faire apparaître un promoteur des écoles bilingues comme un dangereux crypto-nationaliste, trouvant son argent « dans les arcanes de la communauté autonome basque » (p. 24-26), le tout fondémanifestement sur un seul entretien réalisé en avril 2001, alors même que l’auteure avoue ignorer les raisons de l’engagement de l’homme qu’elle prend pour cible afin de dénigrer la cause de l’euskara. Les hypothèses émises, n. 11 sont confondantes : « raisons familiales, philosophiques, ou bien le fait d’avoir ouvert des cabinets dentaires à la fois en France et en Espagne… ? ». Ces questions, ainsi posées, n’ont aucune espèce d’intérêt (surtout qu’elles pourraient bien sûr facilement être directement adressées à l’intéressé), hormis le fait de jeter la suspicion sur l’honnêteté et l’intégrité de Delobel (en fait nous sommes là au plus près de la diffamation). Mais surtout, elles révèlent une incapacité absolue de comprendre comment on peut en effet s’engager, jusqu’à payer de ses propres deniers pour la cause d’une langue, comme Loyer l’écrit joliment, ce qui en dit long sur son ouverture d’esprit et sur la relation de fonctionnaire stipendié qu’elle entretient avec son propre engagement intellectuel.

[12] Mehmet-Ali Akinci, Jan Jaap De Ruiter, Floréal Sanagustin, Le plurilinguisme à Lyon. Le statut des langues à la maison et à l'école, L’Harmattan, 2004.

[13] Pierre Canivenc, hommage lui soit rendu.

[14] Mon souvenir sur ce point n’est pas très clair et je fais ici appel à d’autres témoignages.

 

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Commentaires
M
Amic,<br /> Evocas a un moment lo famos Pierre Martel, e constates que la referéncia donada per Giblin es faussa. En fach dins aquel afar, tot es faus : Pierre es en réalitat Philippe, e lo luec ont es estat publiat l'article "L'occitan aujourd'hui" es lo volum dels Mémoires de la Société de Linguistique de Paris titolat Les Langues<br /> en danger (Louvain, Peeters, 2000). La citacion facha caup efectivament dins aquel article ; mas - e aqui comença la manip canalhesca de la Giblin,<br /> chau citar tota la conclusion ont caup. Un vei alora que se tracha d'una clausa d'estile : parlo aqui dau "cocon monolingue" coma "modèle traditionnel de la survie des langues". E un pauc mai luenh, parlo dels neolocutors, e diso : "on peut bien sûr les ignorer, mais on peut aussi se<br /> demander s'ils ne signalent pas une faille du modèle traditionnel : est-il encore totalement adapté au profil linguistique et communicationnel des sociétés développées du siècle à venir ?". Co qu'es un pauc mai nuançat que ço que laissa pensar, tiraa de son contexte, la citacion retengua per la Giblin. A l'epoca aviau pensat d'escriure per exigir rectificacion. Mas<br /> a aqueu degrat, sieie de malonestat intelectuala, sieie d'incompeténcia(la nana pas capabla de notar correctament una referéncia iblografica !)<br /> ai laissat tombar, en me pensant que seria pissar dins un violon.Ai benleu agut tort, me vas dire. Bé oc. Mas aqueu mond me donan lo racavomi.<br /> Brèu, aquela revista es tot ço que ne'n dises, e un pauc mai encara.
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L
adiu<br /> <br /> Après hèra refexions sus la situacion d'occitania que soi deviengut independantiste,la situacion coloniala tant culturau qu'economica m'a heit comprener que la republica ne vol pas de nosautis.<br /> Qu'em entrin de preparar ua plate-forma politica on vam aportar responsas aus problèmas politica-economica-culturau d'Occitania.<br /> N'avem pas encuèra 1000ans cap a nosautis,si lo poble d'oc ne prenem pas consciencia deu heit nacionau occitan,qu'em fotut!<br /> Ne voi pas estar lo darrèr a veder l'occitania viva...
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L
La malonesteta de la jacobinalha es sempre susprenente e previsible a l’encòp. Nos fasèm tratar de fascitas amb d’arguments xenòfobs ! Los arguments que denonciatz son pervèrs e nècis, mas çò important pel pervers es pas que causir una preda ben somesa. Se nosautres occitans sèm convencuts per avance que la nòstre langa existis pas, que tampauc existèm pas, els pòdon dausar qué que sia.
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V
bonjour, juste pour vous signaler la création d'un blod entièrement rédigé en langue corse http://wmaker.net/apiazzetta
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F
Bonjorn,<br /> Vertat que los jacobins e bels pensaires nos repròchan mai d'un còp lo dangier del nacionalisme. <br /> Alara qu'Occitania exista pas e qu'aquò's totjorn las grandes nacions , França , Anglatèrra , ALemanha que faguèron des guèrras e de millions de mòrts. Brèu vòstre article resumis plan los punts de vista contradictòrias dels jacobins uniformisaires.<br /> Praquò i a quicòm que ieu comprèni pas de la part d'aquels benastrucòts:<br /> 1---- s'imaginon que l'Occitan que parla sonque françès pèrd tota particularitat. Es integrat, negat. Aiatal es reconegut la superiorita de la langa de "Molière" , e pòd donc se calar.<br /> Cal notar , d'un autre costat qu'aquel "passatge" , qu'`m sona endacòm, perta d'identitat , de la lenga mairala dona pas a totes lo meteis drèch d'èstre françès. Per etsemple ; lo Berbère que parla plan , s'a la pèl un pauc tròp negra sera pas cap reconegut .<br /> Voldriai suslinhar coma aquela punt de vist es curios. <br /> Per etsemple se sab que (coma nosautres) los irlandèses , escossèses , galeses parlan pas gaire sa lenga. Cal demandar al jacobin d'aici se li vendra a l'idèa de dire que son venguts d'anglèses. E ben non li te donara , al match de rudbi de : lo fire spirit irlandès , lo cant prigond del galeses, .... <br /> Mas val pas per los occitans aici , volon plan mas sonque pels bascs e catalans<br /> 2 l'integracion pausa tanben un problème. Imaginèm un trabalhador françès al Mali forçat de portar un bobo , de pregar Alah , e de far lo ramadam se que non se faria rembalar...<br /> Avem pas lo drèch de demandar als emigrants de tot oblidar de lor civilisacion. <br /> 3 Ai pas pro de formacion per pausar una autre question relativa als jacobins de tota mena; que se rapòrtaria a la psicologia d'un jacobin de basa: per que a tant paur qu'aquò de la diversitat?<br /> Se vei que tot aquel monde se sentis vertadièrament amenaçat per la diversitat. Lor dona de biçòls... <br /> Sai que son malautes del cap coma disia lo grand. <br /> Se podètz nos assabentar sus aquela malautia...
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