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Mescladis e còps de gula
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  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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30 avril 2007

« Scandale » du bilinguisme

 

 

Cros

linogravure de Roland Cros

« Scandale » du bilinguisme

 

Un numéro récent de la revue Langage et société (2006) s’intitule, de manière volontairement provocante, Le « scandale » du bilinguisme.[1]

En fait, ce dossier vise à montrer d’abord que bilinguisme et multilinguisme sont les choses du monde les mieux partagées, malgré les préjugés de notre idéologie nationale monolingue, mais aussi contre une vieille idée convenue souvent présente dans les travaux de linguistique, selon laquelle le bilinguisme serait « un phénomène exceptionnel, lié à l’idée qu’il faut que la maîtrise des deux langues soit à la fois parfaite et équilibrée dans différentes fonctions, ce qui est rarement le cas » (p. 11). Cette manière de voir, remarquent Françoise Gadet et Gabrielle Varro dans leur introduction, est l’effet « d’une réflexion partant des langues et non de la personne et de son répertoire », l’effet d’une conception puriste qui consiste à penser « les deux langues du bilingue comme clairement séparées, et le bilinguisme comme la juxtaposition de deux unilinguismes » (ibid.).

 

Langue mixte et subjectivité composite

Dès lors que l’on part de la personne, on est en effet conduit à étendre très loin la notion de bilinguisme : « Même quand l’autre langue n’est pas du tout parlée dans une famille (quelle qu’en soit la raison), l’enfant est au courant de son existence dans le répertoire du père ou de la mère, donc dans sa propre histoire et celle de sa famille. On ne peut pas ignorer l’attachement symbolique à une langue sous prétexte qu’elle n’est pas actualisée... » (p. 17). C’est évidemment un argument auquel est particulièrement sensible la génération d’occitanophones à laquelle j’appartiens, et qui a appris la langue sans « d’abord » la parler, et il touchera je crois, plus encore, ceux qui ne parlent ni ne comprennent pas bien la langue mais lui restent pourtant indéfectiblement attachés. Jean-Marie Prieur, l’un des contributeurs au présent recueil (« Contact de langues et positions subjectives »), avance à ce sujet la notion de « bilinguisme symbolique ».

Cet auteur adopte une position philosophique inspirée de Deleuze et Guattari. Selon lui « il n’est pas de langue qui ne soit une langue-mixte, il n’est pas de subjectivité qui ne soit composite » (p. 110) ; les situations de contacts de langue révèlent le fonctionnement disjonctif et discontinue de la subjectivité : « Cette expérience de la frontière, de l’entre-deux témoigne du fait que ce qu’on appelle identité d’un individu ou d’un groupe n’est ni un cadre ni un état, ni une construction harmonieuse, mais un agencement composite d’éléments disparates, hétérogènes, en dynamique, bref un devenir » (p. 112). En particulier, Prieur reprend à Deleuze sa notion d’agencement, qui « ne vise pas à décrire de l’extérieur les langues, les identités, les groupes, comme des entités finies et distinctes ; elle oppose à une pensée de la structure, du type, de la forme, une pensée de la discontinuité, de la fluctuation, de la multiplicité » (p. 115). Ainsi l’auteur peut-il affirmer que « nous avons tous été élevés en plusieurs « langues » (variétés, parlers, dialectes, lexiques familiaux), à tout le moins dans une diversité de langage et de discours, une diversité de réalisations et d’usage qui « excède » l’objet décrit par le grammairien, le linguiste ou le lexicographe » (p. 114.) Il renvoie alors aux expériences subjectives des langues ; au cas, par exemple cas, où le sujet se sent en anglais « une femme nerveuse et raffinée » et en Allemand « une petite fille sale et effrayée » (emprunté à Amati Mehler et autres, Le Babel de l’inconscient, langue maternelle, langues étrangères et psychanalyse, Paris, PUF, 1994). Je noterai seulement que ces discontinuité dans l’expérience des langues sont le plus souvent indissociablement psychologiques et sociales ; tout bilingue en situation de diglossie en sait quelque chose. Du reste, le fait, d’éprouver des altérations ou altérités d’identité en changeant de langue, montre quelle aventure est toujours l’apprentissage d’une nouvelle langue. C’est même sans doute, cette expérience de l’altérité qui « scandalise » dans le bilinguisme.

Ainsi les auteures de l’introduction peuvent-elles avancer, de manière tout à fait cohérente, que « le plurilinguisme, loin d’être exceptionnel, constitue la règle » (p. 18). Elles renvoient alors aux propositions de Georges Lüdi, « sur ce que pourrait être une théorie du langage qui partirait des répertoires plurilingues et du parler bilingue comme constituant la norme et non l’exception » (p. 19) « Pour une linguistique de la compétence du locuteur plurilingue », Revue française de linguistique appliquée, IX, 2004-2, p. 125 à 13.

 

Classes bilingues, classes dangereuses

 Dans les faits en tout cas, le moins que l’on puisse dire est que le bilinguisme, et tout particulièrement celui des élèves issus de l’immigration, n’est guère favorisé. On a du reste longtemps pensé, y compris dans les milieux universitaires, qu’il n’y avait de véritable bilinguisme que pour les élites. Aussi parlait-on savamment de « bilinguisme additif » par opposition au « bilinguisme soustractif » des classes défavorisées, pour lesquelles la présence d’une autre langue était réputé nuire à l’apprentissage correct de la langue nationale permettant d’accéder à un niveau social supérieur. Or, cette idée, dont toutes les études empiriques montrent sans appel la fausseté, est encore profondément ancrée dans les esprits. L’un des auteurs du recueil, Mehmet-Ali Akinci (« Du bilinguisme à la bilittéracie. Comparaison entre élèves bilingues turc-français et élèves monolingues français ») montre que l’on cherche à supprimer le bilinguisme des migrants, conçu comme un pur handicap alors, dit-il, qu’on l’encourage pour l’élite. Encouragement vertueux mais virtuel, ajouterai-je pour ma part, car les élites françaises, comme on le sait ne brillent pas non plus par leur multilinguisme.

Les auteurs du recueil rappellent en particulier les propos ubuesques contenus récemment encore dans un rapport parlementaire coordonné par le député UMP Benisti (2005). Dans sa première mouture celui-ci n’hésitait pas à affirmer que l’obstination des parents d’un enfant à parler à la maison le « patois du pays » (entendu par là une langue de l’immigration !) devait être considéré comme un facteur prédisposant le mineur à la délinquance (voir sur ce blog : « Patois du pays, prévention de la délinquance et contrôle social » et surtout le dossier fourni du Réseau Français de Sociolinguistique). L’article de Jean-Pierre Zirotti (« Enjeux sociaux du bilinguisme à l’école ») nous apprend qu’à la suite de nombreuses protestations, les auteurs étaient apparemment revenus sur cette ineptie, par les mots suivants : « après moult débats, et la commission a considérablement évolué sur le sujet, il paraît là aussi que le maintien combiné de la langue maternelle et de la langue dominante permet aux enfants d’obtenir de meilleurs résultats scolaires » (Benisti, 2005 : ce « il paraît » ne manque pas de saveur !). Mais, quelques pages plus loin, comme le souligne Zirotti, la commission revient en fait à sa première position, de manière à peine biaisée : « Il ne faut pas que le fait d’avoir des parents d’origine étrangère susceptibles d’utiliser la langue du pays à la maison puisse constituer dans la chaîne des causes, l’un des premiers facteurs potentiellement générateur de déviance ». Comme dit la Bible : « Sicut canis, qui revertitur ad vomitum suum » (Proverbes, 26, 11 !). Malgré les circonvolutions l’idée fixe n’est que trop claire : même strictement cantonnée à la sphère privée, à l’espace clos de la maison, le bilinguisme des pauvres est déjà, en lui-même, une déviance.

 En fait origine, niveau social et langue forment une seule entité dans le cadre de l’idéologie sécurito-identitaire. Car la langue du migrant, qui occupe le bas de l’échelle sociale, est systématiquement déconsidérée. Toute l’importance de la hiérarchie des langues apparaît ici. Un premier clivage oppose les langues identifiées comme propres aux migrants à des langues nationales nobles, associées à la prospérité et à la réussite. Un second, comme le souligne Zirotti, traverse les langues mêmes de l’immigration : les européennes (portugais, italien et espagnol) étant bien mieux considérées que ne le sont, par exemple, l’arabe et le turc. Il est clair en effet que « le prestige de la langue est lié au statut du groupe qui la porte » (p. 75).

Cet article retrace l’histoire assez désespérante des politiques publiques en matière d’enseignement des langues et cultures des pays d’origine depuis les années 70, qui ont vu la création des ELCO (Enseignements de langues et cultures d’origine), pris en charge par huit pays d’émigration dans le cadre d’accords bilatéraux (Portugal, Italie, Tunisie, Espagne, Maroc, Yougoslavie, Turquie et Algérie) et des CEFISEM (Centre de formation et d’information pour la scolarisation des enfants de migrants). Apprentissage des ELCO apparaît peu valorisé, fondé sur la base du volontariat et hors du temps scolaire. Certes, depuis 2001, le ministère a engagé un processus de transformation progressif de l’ELCO, visant à intégrer certaines des langues concernées (arabe, espagnol, italien, portugais) dans un plan de développement des langues vivantes étrangères à l’école. Mais le chemin entre le plan et l’offre effective semble s’être perdu dans les dunes…

Zirotti s’arrête, entre autres, sur l’intéressant rapport réalisé sous la responsabilité de l’islamologue Jacques Berque à la demande du ministre de l’Éducation nationale en 1984. Ce texte remarquait entre autres très justement que, par le biais des ELCO, est enseignée « la langue nationale du pays d’origine […] sans que soit prise en compte le plus souvent ni la langue maternelle véritable (l’arabe classique n’est pas l’arabe dialectal ou le berbère ; le « patois » [sic !] d’une région d’Italie n’est pas l’italien, etc.), ni les pratiques langagières propres au milieu familial et social des enfants » (citation du rapport), de sorte que, loin de voir valorisés et développés un compétence déjà acquise, l’élève est confronté à un apprentissage nouveau et supplémentaire (cité p. 80).

Plus de vingt ans plus tard, rien ne semble néanmoins avoir changé : en 1997, comme le rappelle Zirotti, on évaluait à deux millions le nombre d’arabophones en France, et à un million les berbérophones ; or l’arabe dialectal, comme le berbère, qui sont pourtant reconnus officiellement comme des langues officielles de France, ne sont pas enseignés ; seul l’arabe classique, du reste très discrètement, est présent dans le paysage scolaire. Il existe une épreuve optionnelle d’arabe dialectal au baccalauréat, très demandée, mais les candidats doivent s’y présenter sans préparation….

Mais c’est surtout la « philosophie » de l’ « accueil » qui n’a pas changé d’un iota : l’élève migrant est toujours, foncièrement conçu comme une « tabula rasa » où le français seul doit se graver en lettres d’or. Soit, pour le dire avec les mots de l’auteur, « la pédagogie interculturelle n’a jamais dépassé, en France, le stade de l’expérimentation, tolérée dans les espaces les moins valorisés du système éducatif » et, qui plus est, elle restée un enseignement minimal, réduit à ce que l’on appelle « éveil au langage » (p. 83). Surtout, rien n’a changé dans les représentations : le « plurilinguisme de certains groupes sociaux qui usent de langues minorées est souvent disqualifié, notamment quand la langue familiale est décrite comme un patois ou confrontée à la langue standard comme pour l’opposition entre arabe dialectal de l’enseignement, ou quand les médias dénigrent le langage des jeunes des quartiers populaires » (p. 89). L’auteur renvoie à ce sujet à un article particulièrement affligeant de F. Potet, paru dans le Monde du 19 mars 2005 : « Vivre avec 400 mots », et pourtant salué par moult enseignants sur la toile. C’est que les enseignants eux-mêmes sont souvent pétris par l’idéologie du monolinguisme, même et surtout lorsqu’ils enseignent les langues étrangères (en français !). Une chose frappante est que leur découragement ou leur irritation devant les difficultés de leurs élèves en français, ne s’accompagnent que très rarement d’un quelconque ouverture, d’un quelconque intérêt pour leurs cultures d’origine. C’est une chose, par exemple, qui m’a frappé à la lecture du livre de François Bégaudeau Entre les murs (2006), pourtant très sympathique, plein de tendresse et d’humour, et surtout qui prête une vraie attention aux manières de dire des collégiens parisiens issus de l’émigration. Entre les murs, il n’existe pour les élèves que les difficultés en français ; leur multilinguisme, même chez les enseignants les plus bienveillants et libéraux, n’est de fait presque jamais conçu comme un potentiel qu’il serait possible d’exploiter, mais comme un pur et simple handicap. Mais si le multilinguisme est la chose du monde la plus normale, le vrai handicapé est celui qui se construit, dans le déni, une identité de monolingue pour répondre aux injonctions patriotiques de la République assiégée. Il me semble évident que, si les profs eux-mêmes ne refoulaient pas la présence du bilinguisme dans leur propre histoire familiale, s’ils acceptaient l’idée que le breton, le sicilien ou le berbère que parlaient ou parlent encore leurs parents ou grands parents sont bien des langues à part entière, riches d’un expérience humain d’égale dignité à ce que le français peut exprimer, alors peut-être qu’ils considéreraient leurs élèves différemment (Voir, a contrario, sur ce blog, le texte de Patrice Roques, enseignant d’occitan au lycée Flora Tristan de Noisy-le-grand). Mais force est de constater, hélas, l’ampleur des dégâts, pas seulement dans les textes de loi et les dispositions ministérielles, mais d’abord dans les esprits et les pratiques quotidiennes d’enseignement.

Il y a de quoi en effet rager : l’ouverture au multilinguisme n’est décidemment pas à l’ordre du jour. Il ne s’agit pas là d’un déficit de démocratie culturelle, cela est beaucoup plus grave, l’obsession du monolinguisme est devenu, de fait, un agent de ségrégation sociale qui se dissimule derrière l’impératif catégorique de l’assimilation.

 Pourtant, dès les années 50, comme le rappellent les auteurs de l’introduction, les travaux pionniers de Lambert au Québec ont montré la supériorité « des bilingues par rapport aux unilingues sur le plan des aptitudes métalinguistiques et cognitives et de la flexibilité ». Dans le présent recueil Mehmet-Ali Akinci montre, à partir d’une étude de terrain, que les compétences et performances scolaires des bilingues turc-français sont à égalité, sur le plan de l’écrit avec celles des monolingues français.

 

Le mythe de l’unité perdue

 Il convient sans doute de prendre un peu de hauteur, si l’on veut comprendre les choses, comme le font les curatrices du numéro dans leur introduction : « L’unilinguisme est investi dans la conception occidentale de l’État-nation, dont la forme « idéale » est regardée comme l’équation un pays/une langue […] le français constitue à bien des égards un extrême de ce processus », p. 19. Elles décrivent fort bien les coordonnées idéologique de cette situation, qui fait apparaître le bilinguisme comme un scandale : « Le scandale que constitue le bilinguisme est ainsi qu’il menace – empêche de (re)faire – l’unité « perdue », l’illusion qui a partie liée avec le mythe de la pureté raciale originelle. Comme pour la notion de race et éventuellement celle de nation, chez les idéologues de l’unité perdue, c’est la notion de pureté de la langue qui est venue s’y substituer. La problématique du « sujet un » est bien au centre des difficultés que rencontrent ceux qui, tout en maintenant leurs langues et cultures d’origine, cherchent à vivre et élever leurs enfants dans un pays officiellement « monolingue » et officieusement « monoculturel » comme la France. » (p. 22).

Il semble donc que l’idéologie de l’unité perdue, idéologie de l’unilinguisme nationalitaire qui gouverne quant au fond les politiques publiques, possède des coordonnées historiques et géographiques bien précises, et que la manière dont elle conçoit toute altérité linguistique comme une menace insupportable n’est certes pas une donnée. Pourtant les responsables du numéro, tout à coup, semblent en douter : « On peut se demander, écrivent-elles, s’il existe des pays qui gèrent « bien » leur plurilinguisme, s’il existe des bilinguismes ne visant pas à la destruction tendancielle de l’autre ». Cette conception belliciste des langues, qui réapparaît dès que l’on envisage le bilinguisme sous l’angle essentiel du politique, semble étrangement résignée et en tout cas extrêmement restrictive, par rapport à l’effort théorique pour en élargir le concept dans le sens que l’on a vu. Comme si, au fond, le modèle national occidental restait la référence majeure. Seule l’Inde est citée en note comme contre exemple, mais celui-ci est aussitôt est disqualifiée parce qu’il n’y a pas confrontation entre deux langues, mais pluralité (22 langues officielles), pourtant l’argumentaire a montré la fragilité, me semble-t-il, de toute distinction entre bilinguisme et multilinguisme. Et, puis, qui peut le plus, peut le moins ! S’il faut donner des exemples, on est étonné de ne pas voir cité au moins la Suisse, où le plurilinguisme est un fait constitutionnel. On en trouverait bien sûr aisément d’autres.

 Certes, elles ont raison de dire « individuelles ou collectives, les situations de bilinguisme impliquant des langues aux statuts inégaux (majoritaire / minoritaire, dominant / dominé) supposent des enjeux considérables au plan personnel et sociétal. Car toutes les langues sont potentiellement en concurrence et co-existent dans une tension idéologique. Les situations de contact montrent à quel point les langues ne sont pas égales, et les inégalités Nord-Sud se répercutent aussi dans les situations de contacts de langues » (p. 23). Mais tension, ne veut pas dire nécessairement conflit, et l’on peut estimer que des institutions démocratiques devraient s’employer précisément à prévenir les conflits en garantissant les droits linguistiques.

 Une note pour illustrer l’inégalité nord-sud, a retenu mon attention : cette inégalité « se manifeste aussi, est-il dit, dans les pratiques d’éducation bilingue dite « d’immersion » : seuls les pays riches (Canada avant tout, inventeur du concept) peuvent s’offrir de tels programmes si coûteux en moyens humains et en temps », 23. Pourquoi l’immersion coûte-t-elle plus cher ? Pourquoi serait-elle réservée au riche ? Le dossier immersif est visiblement mal connu : aucune allusion n’est faite aux centaines d’écoles immersives en langues « régionales » qui existent sur le territoire français (Calandreta, Diwan, Bressola, Iskatola), qui ne sont pas des écoles riches, ni "pour les riches" et maintiennent la gratuité de l’enseignement…

A ce sujet, je terminerai par une question, je le reconnais, quelque peu accusatoire : pourquoi, dans ce beau dossier, ne trouve-t-on aucune référence explicite, pas même dans l’introduction, au bilinguisme endogène au territoire français – je veux dire par là (et seulement) le bilinguisme français/langues (dites) régionales – ? Cette absence ne saurait à mon sens se justifier, ni scientifiquement, ni idéologiquement. Elle renforce en tout cas l’idée, pourtant combattue tout au long du recueil, du mythe d’une France substantiellement monolingue, dès lors que toute la diversité linguistique évoquée, défendue et promue, de fait, est celle qui vient de l’extérieur des frontières nationales.

Jean-Pierre Cavaillé

polyglotte

 

 

 


 

[1] Langage & société, n° 116, juin 2006, Le « scandale » du bilinguisme. Langues en contact et plurilinguismes.

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
S
Il y a un scandale dans le bilinguisme français/ langues régionales (breton pour moi)c'est dans l'ogligation de croire qu'on va les sauver 50 ans après l'arrêt de la transmission familiale. Ayant vécu dans un milieu où on la parlait à cette époque j'ai cru (et on m'a fait croire) que j'étais bilingue et que je pouvais l'enseigner. J'ai déchanté en comparant avec ce que je pouvais faire avec d'autres langues (où personne ne m'a jamais pris pour un locuteur natif); là encore plus faible j'étais enseignant bilingue! Et pas le pire! Alors quand on parle de "bilinguisme" entre francophones de naissance, à 50 ans d'une société bilingue effective, je ne peux que sourire. Les enfants de l'émigration eux oui sont en contact avec du vrai turc, chinois, arabe...
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M
Je suis toujours amusé lorsque des chercheurs, surtout lorsqu'il s'agit de linguiste, perçoive le plurilinguisme comme un fait exceptionnel. On n'a qu'à mettre les pieds dans un pays comme le Cameroun (où près de 300 langues locales sont parlés par les quelques 16 millions d'habitants) pour constater qu'il s'agit d'un fait naturel. Et, contrairement à ce que peuvent croire les auteures de l'introduction, ces langues ne sont pas en conflit, mais en complémentarité. Il n'y est pas rare d'y voir des gens, de toute couche sociale, parler quatre ou cinq langues.<br /> <br /> Il y a, dans ce type de point de vue, une confusion entre la langue en tant qu'élément politique, et la langue comme phénomène humain.
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