Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mescladis e còps de gula
Mescladis e còps de gula
  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 616 009
Newsletter
19 mars 2007

De retour de Béziers. Éloge de la diversité


besiers_2007_093

phtoto empruntée à Cardabelle

De retour de Béziers, un assez long périple pour les trop rares limousins ayant fait le voyage, et me repassant le film de la manifestation de ce 17 mars, la chose qui me frappe le plus, beaucoup plus qu’à Carcassonne il y a deux ans, est l’extraordinaire diversité humaine du défilé :

– diversité générationnelle : des vieux (beaucoup) et même des vieillards fort chenus, mais aussi des jeunes et les enfants des òc-bi et des calandretas (mention spéciale pour ceux de la Còsta-Pavada, criant infatigablement à tue-tête « aneeem òòòòc … ») ;

– diversité sociale : cela est difficile à voir, à cerner, mais la revendication occitane et plus largement autour des langues minorisées de France n’est pas un phénomène spécifiquement urbain et petit bourgeois, comme tant voudraient le faire croire ; bien sûr, il y avait les enseignants et les « animateurs culturels » (encore heureux !), mais aussi des paysans qui n’étaient pas tous de la Confédération, des néo-ruraux et des ouvriers, syndiqués à la cgt ou pas, des employés du privé et du public, beaucoup de familles dans des conditions sociales précaires (rmistes ou autres, on devrait faire une enquête sérieuse à ce sujet parmi les parents des calandrons), des retraités aussi en masse, de tous les horizons sociaux…

– diversité vestimentaire : jean et béret, costumes carnavalesques des petaçons et bufadons, échasses, costumes d’apparats des félibres, capes, étendards, bonnets de docteurs, passements, l’incroyable tenue des filles de Guardia Piemontese, et tout cela, oui, comme arraché par le lieu et la circonstance à la triste neutralisation du folklore, au kitch provincialiste, parce que cette interminable chaîne multicolore s’était mise en marche pour faire entendre ses droits linguistiques, et s’était ainsi constituée en sujet politique, au plein et meilleur sens du terme, et c’est comme si par cet enchantement les tenues mêmes les plus assignables aux clichés régionaux avaient (re)trouvé une dignité ;


BEZIERS_17mars07_030

Les costumes des filles de Guardia Piemontese

Photo Dominique Descomps
 

– diversité musicale : bodegaires et grailaires, fifres, galoubets et tambourins, poutres de cloches à vaches, accordéonistes et violoneux, mais aussi les fanfares et… et… oui, je le confesse, mes préférés, le camion de la chiourmo Massilia déchaînée en queue de cortège ; diversité musicale et donc de manières de danser, de bouger, d’occuper l’espace et de marcher. Du coup, des trous, de grands trous dans le défilé, comme de longs suspens, avec tous les échos, en amont et en aval du courant ;

–  diversité linguistique : mille façons de parler l’occitan, de l’accentuer des marches du limousin jusqu’aux vallées italiennes, jusqu’au village de Guardia en Calabre, en passant par Gascogne, Languedoc, Provence (les provençaux venus en masse) et Val d'Aran ; des qualités de langue aussi extrêmement différenciées et dépareillées, il faut bien le dire, y compris dans les micros, on put entendre le meilleur et le pire… entendre « escarougner » la langue n’est jamais agréable, mais finalement, ici encore, par la magie des circonstances, ces formes d’occitan plus qu’approximatives et même parfois totalement déficientes avaient quelque chose de touchant, d’émouvant : cette langue parfois si réduite, peinant à se reconstituer sur un socle de français détourné, prononcée même s’il le faut à la parisienne, cette langue lente ou maladroite à venir, empêchée de s’exercer au quotidien, en se faisant justement entendre dans sa faiblesse, sa pauvreté, exprimait parfaitement sa fragilité, ses difficultés et son pari sur un avenir incertain. Mais chacun savait bien dans sa manière de parler, qu’il soit occitan de langue maternelle ou par le raccroc d’un cours du soir, même dans son français (très parlé dans la manifestation, presque autant en fait que l’occitan), dans les accents et intonations de son français, qu’il était justement là pour dire un désir de langue, socialement, culturellement, politiquement frustré. Cette diversité linguistique fut aussi celle des autres langues minorisées venues soutenir l'occitan, j'ai entendu beaucoup de catalan, vu des bretons, etc. Aussi, il me semble que le mouvement est maintenant mûr pour l'organisation d'une manifestation unitaire de toutes les langues de France ;

–  diversité idéologique : en dehors des partis occitanistes, de Gardarem la terra, des rangs serrés et mêmes impressionnants d’Anaram al patac, on y voyait ou devinait plutôt à mille signes toutes les « sensibilités » démocratiques réunies ici d’une manière que l’on pourrait juger improbable et en tout cas incohérente, alors que non, pour le coup, pas du tout, il s’agissait d’exprimer au contraire une cohérence politique, la cohérence d’une exigences fondamentale pour politique culturelle réellement démocratique, ici et maintenant, vis à vis de laquelle, tout à coup, les clivages idéologiques devenaient non pas dérisoires, mais seconds. Les seuls qui n’avaient objectivement rien à faire là, qui se sont introduits d’ailleurs dans le cortège comme des voleurs, étaient la poignée de Jeunesses Identitaires, incapables d’autre chose que de beugler des slogans et de mauvaises chansons racistes dans le français des casernes. A part ces indésirés, indésirables, à virer sans ménagement (il étaient là contre tout ce que nous cherchions à représenter), cette unité de fond était attestée par le symbole de la croix occitane et du drapeau sang et or, que j’exècre comme symbole national potentiel, presque autant que le celui de la France, de l’Allemagne ou de la Chine ; mais ici, l’esprit de la manifestation, de cette manifestation (c’était déjà la même chose à Carcassonne) avait arraché le symbole au mythe national, à l’aspiration fantasmatique pour une patrie nouvelle, et le drapeau prenait un autre sens, dans la main même de ceux pourtant qui veulent encore y croire. Mais eux-mêmes ont bien dû sentir confusément que l’autonomie revendiquée à travers la langue, ou plutôt dans l’exigence d’un respect démocratique de la langue, est non pas plus modeste et superficielle que ce qu’ils proposent, mais autrement plus radicale, et qu’elle n’est certainement pas disposée à se laisser imposer un simulacre de nation. Pour irritant qu’il soit, le mot d’ordre d’Escambiar, « Nous ne revendiquons rien », s’il s’était aussi dit en occitan (mas l’occitan, a Escambiar l’an doblidat !) aurait très bien exprimer l’acte souverain d’affirmation, que fut, avant toute autre chose, cette manifestation.

Je ne veux donc pas faire entendre la voix candide de l’angélisme et porter la parole de l’unanimisme qui noient les différences et les divergences dans le miel du consensus, mais faire apparaître simplement que ce qui nous liait ce samedi 17 mars 2007 à Béziers, était ce mouvement commun d’auto-affirmation d’un collectif irréductiblement pluriel, fédéré par le partage d’une même langue, et que ce collectif n’était pas exclusif, mais, pour chacun des individus qui le composait, indéfiniment combinable avec une multitude d’autres engagements, aspirations et projets. Nous n’échapperons probablement pas à l’accusation de « communautarisme », mais nous savons bien que cette injure politique exprime d’abord et avant tout la manière dont réagissent (car il s’agit d’une notion purement réactive), ceux qui aspirent en fait le plus fortement à un replis communautaire sur l’identité nationale. C’est dire qu’ils ne sauraient mieux se désigner eux-mêmes ; en en faisant une imprécation politique, ils ne font que manifester la haine de soi qui les habitent.

J.-P. C.

 

photo piquée à Cardabelle

Sur la manif voir aussi :

Le blog de Méla

besiers_2007_167

Publicité
Publicité
Commentaires
T
Char Yannig,<br /> Mas paraulas eran pas orguelhosas ne agressivas…qu’era nonmas ‘na question que me pausava… T’eras ocupat per l’organisacion dau cortegi, ben, plan ben, mas ai lo drech de dire que quand los discors de dubertura an estat tenguts, i’avia beucòp de monde davant l’estrada, i’avia daus drapeus daus diferents partits occitans autonomistas e nacionalistas e ai pas auvit p’una reaccion !<br /> ‘Quò me pausa question… Sia pas chucat per ma remarca ! <br /> Au còp que vèn, Tiston (pòdes me ‘pelar Tiston, merite pas l’apelacion « senher Crestian »)<br /> ps : e mercès d’aver fach lo desplaçament a Besièrs (ses vengut d’en bretanha ‘qu’es quò ?) per sostener nòstra lenga !
Répondre
Y
Ieu propi n'avi pas escutat la fin de lu discors, enmai que de tot lo temps aveva pas gaire temps per l'escotar.<br /> N'eram pas bracats, n'eram pas farts tanpouc. Eram tribalhant per lo cortegi.<br /> Que son li tieu parolas orgolhosas e tan gordas de mal pensadas, senher Crestian ? <br /> <br /> Per lu identitaris, i a dire que la organizacion non saveva pas aco faire.<br /> <br /> Un breton qu'era en Besiers
Répondre
T
1- Los identitentaris parlan pas e escrivan pas l'occitan. Per elis "occitan" rima amb "occident" e basta. Ara, la manifestacion èra per la lenga, pas per l'òme occitan d'occident.<br /> 2- E mai parlèssen l'occitan, los caldriá fotre defòra, perque son la negacion totas las valors qu'ensajam de portar (dempuèi lo Felibre duscas a Anaram al Patac e als grops anarchistes) : de democracia e de pluralitat culturala.<br /> 3- Qui fa pas de diferéncia entre Anaram al Patac e los identitaris, ò coneis pas plan los uns e los autres, ò alara sabi pas, estimi mai de me calar...<br /> tavan
Répondre
O
Adièu a totes!<br /> <br /> Aquesta manifestacion foguèt una capitada vertadièra mas cal pas oblidar que tot acampament es forçadament fosc. Se volètz recampar lo mai de mond possible sètz obligats de prepausar quicòm que recampa. Es donc normal que i aguesse los identitaris. Perquè Anaram Au Patac e non eles? Representan tamben una part de la revendicacion occitana en çò nòstre.
Répondre
T
Adiu !<br /> Bon comentari !<br /> ‘Na chausa, que tu ne’n parlas pas : ai estat plan susprès que los discors de dubertura ajan pas fach naisser mai de protestacions. Sus l’esplanada, avant de laissar partir lo passa-charriera, doas o tres personas de segua, dont lo maire d’a Besièrs, an ‘chabat lor discors au micrò per « Viva l’Occitania DINS la Republica francesa » io d’engueras « Vive l’Occitanie, vive la France »… Personalament, me’n fote, seria quitament, se fau zo dire, en accòrd emb ‘quel’affirmacion, mas los autonomistes ? Los nacionalistes ? Los independentistes ? Lo POc, lo PNO, Anaram au Patac ? An ren dich ! An pas protestat ! Doas chausidas : sia an ren auvit ne escotat daus discors de dubertura, sia eran tròp ‘bracats, en plena digestion…sabe pas ! Mas ‘quò m’a susprès ! Pas v’autres ? O alora ‘qu’es çò que ‘pelas lo « consensus » ! Coma laissar los fascistas de las JIDOC entrar dins la manifestacion, tener un stand…
Répondre
Publicité