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Mescladis e còps de gula
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  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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21 mai 2012

Les électeurs « en perdent leur patois »

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Les électeurs « en perdent leur patois »

 

         J’écoute ce matin la courte émission (moins de 3 mn) sur France Culture intitulée Chemins de Campagne, consacrée aux élections législatives qui se préparent et où campagne doit être entendu aux deux sens du terme ; c’est en effet à « un tour de France » des « circonscriptions clé » que nous invite la rédaction de la chaîne. Un tour de France par étapes de 3 minutes… Et que l’on ne dise pas que les provinces, les régions, bref les « campagnes » soient délaissées par la radio nationale ! Ce matin on parle de la circonscription de Carpentras dans le Vaucluse, tenue par la droite (Jean-Michel Ferrand qui brigue son… 7e mandat !) et où se présente Marion Maréchal-Le Pen, la petite fille de Jean-Marie.

         Le journaliste, Daniel Morin de France-Bleu Vaucluse, énonce les noms des divers candidats (6 en tout, si j’ai bien suivi), manifestement trop nombreux à son goût, car dit-il, « certains électeurs en perdent leur patois ». Et il fait alors entendre la voix d’un homme, qui, avec un bel accent provençal, prononce les mots suivants : « Vous savez, à 82 ans, ça a tellement changé que je m’en fous un peu, même pas mal. Le plus qui gagnent c’est ceux qui sont élus et ceux qui sont pas élus, bé ils discutent jusque pendant cinq ans pour y arriver ».

         Chacun peut constater que ces considérations désabusées sont bien en français, agrémentées de quelques traits de syntaxe populaire, non d’ailleurs spécifiquement provençale (j’ai jamais lu, ni entendu « enjusquo pendént » ou « enjusca pendent » pour ne vexer personne en occitan provençal, mais cela se dit sans doute), et surtout dites avec un accent indiscutablement provençal. C’est cela sans doute qui a suscité, chez le journaliste cherchant sa cheville pour introduire le « témoignage » receuilli, cette petite phrase humoristique : certainement, cet homme âgé, devant tant de candidats, ne saurait y perdre son latin, qu’il n’a bien sûr pas, sinon son registre de langue serait plus châtié ; il n’y peut donc perdre que... son « patois » (rions, rions...) ! Une fois de plus, ce mot est bien chargé de tout le mépris et de toute la condescendance sociale possible, en même temps qu’il pèse tout son poids de mépris et de condescendance linguistiques.

Jean-Pierre Cavaillé

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Commentaires
L
Mais certains mots changent de sens selon celui qui les emploi, ils recèlent une complexité qu'on ne peut réduire.<br /> <br /> <br /> <br /> "Patois", c'est un peu comme "nègre". Si j'emploie ces mots pour me qualifier moi-même (parceque je parle la langue, parce que je suis noir), ça n'a pas le même sens que quand c'est un représentant de la majorité (on va dire pour faire simple : blanc qui parle comme il faut) qui l'utilise pour me qualifier.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est d'ailleurs une façon de faire typiquement puante d'utiliser une association de mots soit-disant neutres pour rejetter ironiquement l'autre en le réduisant, puis de dire "où est le problème ?"<br /> <br /> <br /> <br /> Exemple : je sais plus quel politique de l'UMP (Marleix ?) qui avait affectueusement qualifié Vincent Placé de "notre coréen national". Coréen avec national, c'est rigolo, parce qu'un coréen ça peut pas être national puisque c'est un niacoué.<br /> <br /> <br /> <br /> Pareil pour l'association patois(=sabir, baragouin, pequenot)/latin (langue, savoir, culture)
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M
D'accord, mais alors ne devrions-nous pas nous (pour donner l'exemple) utiliser la notion qui parait la plus juste et la moins fourre-tout (en plus du risque d'être comprise comme très fortement péjorative) ? Le journaliste pourrait rétorquer exactement la même chose ("j'emploie le mot que les gens emploient, et ce n'est que l'interprétation que l'on en fait qui pose problème") même si la phrase originale était du français ce qui complique grandement l'affaire. Utiliser "graphie à la française" semble plus précis que "graphie patoise" et plus on avance dans le temps plus il parait logique d'utiliser une "graphie à l'occitane" plutôt qu'une "graphie à la française" pour écrire l'occitan. Après reste à définir et s'entendre très largement (gens inclus) sur ce qu'est (ou peut être) une "graphie à l'occitane".<br /> <br /> <br /> <br /> Exemple : on en arrive à dire en limousin que faire la différence eiperar/esperar est patoisant (notion donc totalement fourre-tout alors que l'objectif est d'éliminer les paires minimales et d'avoir des règles de prononciation sur une base graphique "à l'occitane"). Et là on rejoint la complexité de l'article du journaliste.
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T
Si je parle de "graphies patoises", c'est que ces graphies sont généralement élaborées par des gens qui utilisent le mot de "patois" pour désigner leur langue et qui conçoivent spontanément son écriture à partir du code français. Je fais donc de l'adjectif, dans cette formule, un usage neutre. L'expression est effectivement l'équivalent exact de "graphies à la française".
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M
D'accord sur le fond, mais pourquoi Jean-Pierre utilisez-vous alors si souvent dans vos articles et vos tags la notion de "graphie patoise" ? La phrase de l'"électeur", c'était effectivement du français (régional à la rigueur et encore), ce que vous appelez une "graphie patoise", ce n'est rien d'autre qu'une graphie francisée, c'est tout. Je ne vois pas véritablement de différence entre les deux utilisations du mot "patois" et ce qui les différencie véritablement sur le fond.
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L
Voilà bien de la grosse ficelle de journaliste. D'autant plus grosse que l'électeur, en fait, il n'avait rien perdu du tout, il le dit lui même : il s'en fout. Mais le spirituel journaliste n'avait sans doute pas de jeu de mot en stock avec "patois" dedans pour exprimer ça. De toute façon, l'indigène ne peut pas vraiment s'en foutre puisqu'il n'a pas d'esprit critique (ce qui est plutôt réservé à l'auditeur de France Cul).<br /> <br /> <br /> <br /> On note que le journaliste qui fait cette reflexion si spirituelle est lui même un journaliste "local" (sans doute que "exilé" serait plus précis). Local mais pas trop... C'est une mise en abîme typique du centralisme.
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