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Mescladis e còps de gula
Mescladis e còps de gula
  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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18 décembre 2006

Ne pas confondre uniformité et unité

L’ami Tiston m’a passé cet article de Jean-Marc Siméonin, paru dans l’Écho, le mercredi 6 avril 2005. Comme son contenu est plus que jamais d’actualité, je trouve intéressant de le republier. Je précise d’ailleurs que je ne suis pas d’accord sur tout : en particulier, la langue française ne me paraît, à moi, nullement en péril. J’éviterai également pour ma part d’essentialiser les spécificités culturelles et linguistiques et de parler « d’occitanité » ou de « limousinité ». Mais l’important est de faire entendre une voix limousine insoumise et d’ouvrir un espace de discussion.

JP C

barbuda

 

Illustration de Jean-Marc Siméonin pour Enric Delaja, Jan Picatau de Sent-Barrancon, éd. IEO/Chamin de Sent Jaume, 2005


Ne pas confondre uniformité et unité

 

Comme J. Boudy (forum du samedi 26 mars), je pense que nous devrions nous préoccuper de la défense de la langue française qui, en effet, commence à souffrir de ce que l’on continue de faire subir aux cultures et langues régionales du territoire de la République. Toutes les cultures, toutes les langues se valent. (...) il est pourtant pathétique d’entendre les fervents francophones pousser des cris d'horreur en voyant que la langue française se « régionalise » alors qu'ils sont, pour la plupart, tout à fait d'accord avec le massacre implacable des langues régionales en France, au nom d'une vision jacobine plus que bicentenaire et dépassée des « valeurs de la République » ou tout simplement par ignorance (je ne parle pas de M. Boudy). Les langues régionales, en effet, existent-elles en France ? Non, puisque la France refuse de signer la charte européenne qui les protégeraient. Le raffineront suprême de la répression est de faire en sorte que les locuteurs aient tellement honte d’eux-mêmes qu’ils s’interdisent de vivre et de manifester leur culture, donc, il n’y a pas de problème, elle n'existe pas. Et les exemples fleurissent dans notre pauvre Limousin :

- aucun enseignement dans les lycées publics de l'académie (et cela malgré les directives de l'Etat en ce sens) ; 

-aucune présence dans les médias publics (et cela malgré le cahier des charges qui le préconise pour la télé et la radio en région).

En Limousin, la honte de notre occitanité est tellement bien intégrée que même les lois de l’État sont moins rigoureuses et stupides que nous !

Limoges, autre exemple, est en train de célébrer – et c’est une excellente initiative – les événements de 1905.Comment parlaient les vaillants porcelainiers de l'époque (mes grands-parents) ? Soit en occitan, soit en français, avec cet accent limougeaud que l'on entend encore pour peu qu'on tende un peu l'oreille…

Qu'elle n'a pas été ma surprise en découvrant, dans un extrait à la télé, que la pièce de J. Nivard « 1905» avait transformé mes grands parents en poulbots parisiens, comme si le «populaire» ne pouvait être présentable qu'avec l'accent de Clichy ou d'Argenteuil... Un ouvrier avec l'accent de Limoges,ça fait vraiment trop plouc ! faut-il avoir honte de soi pour en être au point de ne pas entendre cette spécificité et pour détruire, en toute bonne foi, cette part essentielle de notre identité qui est notre façon de parler ! Elle en vaut bien d'autres, elle existait et elle existe encore malgré ce « négationisme » obstiné de notre limousinité.

Nos élites intellectuelles et politiques devraient -elles –être plus conscientes de l'enjeu identitaire et accorder une place prépondérante à la défense et à la promotion de la langue et de la culture occitanes au moins autant qu'elles défendent la langue française, elle aussi en péril..... Si nous regardons (encore un exemple) la place de l’écrit occitan (je ne veux pas parler ici de l’ abondante «littérature» folklorique genre «école de Brive», mais de l'écrit contemporain en Occitan du limousin) sous l'immense chapiteau de « Lire à Limoges », on trouve, en cherchant bien, qu'elle occupe 0,50m2 sur une table à partager avec les « amitiés chinoises» et l'association « mourir dans la dignité » qui défendent des idées tout à fait respectables mais qui, reconnaissons-le, ne  constituent pas le socle de notre littérature comme le limousin, langue des troubadours, origine de toutes les littératures romanes.

Regardons maintenant la liste des manifestations de la «Culture au grand jour » qui se déroulent surtout en zone rurale, ultime réduit de conservation de notre langue limousine. On peut chercher longtemps : sur les 40 spectacles proposés, pas un seul ne concerne la langue et la culture de ce pays. Il est vrai qu'il s'agit de la culture «au grand jour», celle qui est montrable, l'autre, « l’occitane», nous fait tellement honte que nous la cachons au fond de nos étables, dans les souterrains les plus profonds de notre plouquerie imprésentable, de notre passé misérable ou intégré comme tel. Bien sûr, on peut toujours penser «pour vivre heureux, vivons cachés» et considérer cette culture souterraine comme le dernier espace possible de liberté qui échappe à la globalisation culturelle générée par le libéralisme tentaculaire tueur, aussi hélas, du français. On peut aussi être plus lucide et défendre notre dignité porteuse d’avenir comme l'ont fait nos anciens en 1905.

La langue limousine n'est pas «provinciale», elle porte, comme toute autre langue, notre vision de l'universel et à ce titre, on ne doit pas la massacrer. A force de confondre l'uniformité avec l'unité, nous serons tous précipités dans l'obscurité dé la provincialisation, la culture française deviendra, elle aussi, une « culture locale» et il ne restera plus que quelques « francophonistes » pour la défendre.

Si nous défendons ensemble les deux cultures que le hasard nous a laissé en héritage, nous y gagnerons tous, sur tous les plans.

 

Jean-Marc Séméonin, Isle (Haute-Vienne)

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