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Mescladis e còps de gula
Mescladis e còps de gula
  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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24 septembre 2006

La Jana, la Mili et quelques autres. Les vieilles de Jan dau Melhau

Le dernier livre paru de Jean dau Melhau[1], en limousin, cette fois avec traduction en regard, est dérangeant. Dérangeant, parce que Melhau aborde de front, sans faux-fuyant d’aucune sorte, un sujet majeur pour le Limousin et pour la terre entière, dont on préfère parler le moins possible, ou à la rigueur, si l’on y est obligé, en termes généraux, convenus ou techniques : la maladie et la mort des vieux. Des vieilles en l’occurrence. « Mas vielhas » « Mes vieilles » dit le titre et, en effet, les trois textes qui composent le recueil sont résolument autobiographiques.

 

vielhas

 

Le premier récit, le plus long, publié une première fois en 1983, est consacré à la grand-mère, la Jana, qui doucement, très doucement, durant plus de trois longues années, à la suite de ce que les médecins appellent un accident cérébral, va s’éteindre. Jean l’accompagne, la visite, en « petaron », tantôt à l’hôpital de Limoges, tantôt à l’hospice de Saint-Yrieix, selon que son état s’aggrave ou qu’elle va mieux.

Le pavillon 3 de l’hospice de Saint-Yrieix... pour en parler, le petit fils n’y va pas par quatre chemins : « Tenleu que ne’n dreibes la pòrta, ’quò te ’trapa a la gòrja un gost boirat d’aiga de Javel, de merda e de mòrt » (« Sitôt que tu en ouvres la porte, te saisit à la gorge un goût mêlé d’eau de Javel, de merde et de mort »). De sorte que, ajoute-t-il, « comprenguerem que lo pavilhon 3 de l’ospici d’a Sent-Iriès, ’quò era per far crebar los vielhs » (« On comprit que le pavillon 3 de l’hospice de Saint-Yrieix était là pour faire crever les vieux »).

Que veut-on dire, qu’est-ce que l’on tait, quand on dit des vieux « qu’ils sont bien traités » ? « Que volets dire ? chaudria beleu qu’aguessan lo foalh tots los jorns e que n’en crebessan perfin que dessessatz « ils ne sont pas bien traités » ? » (« Que voulez-vous dire ? Il faudrait peut-être qu'on leur donne le fouet tous les jours et qu'ils en crèvent pour que vous finissiez par dire...  »).

Au même endroit pourtant, dans le même hospice, se trouve aussi le pavillon 1, bâtisse grande et ancienne, beaucoup plus humaine, avec des chambres haut de plafond qui donnent sur un jardinet….

Qui a dit qu’il ne se passe rien dans un hospice de vieillards, qu’il n’y a rien à en raconter ? Melhau décrit les gestes et les situations, dresse une série de portraits, sans concession, avec concision, pénétration… ainsi de ce couple terrible : une femme emmurée dans sa folie et son mari qui lui parle de la « maison, tu sais, la maison… » : « ’quo nos fasia coma un meschaent raive, ’quilhs dos vielhs qu’eran sole un per l’autre, estranh un d’autre, barrat chascun dins son monde, chacun monde talament luenh de l’autre monde » (« Et nous, ça nous faisait comme un mauvais rêve, ces deux vieux qui étaient seuls l’un pour l’autre, étrangers l’un à l’autre, chacun dans son monde, chacun si loin de l’autre monde… »). Melhau, à son habitude, sans jamais insister, sans jamais en dire trop, ne nous épargne rien, des misères du monde, de la mesquinerie des familles, de l’effroi de la mort. Il déclare seulement, à qui veut la prendre, à qui peut l’entendre, « la veritat tota paubra, tota bestia ». C’est une infinie tendresse qui domine, contenue, sans sensiblerie, sans inutile pathos, avec de l’humour, beaucoup, et pas toujours noir… Ainsi des portraits de l’hospice de Saint-Yrieix, de la description de la « lutte des classes », oui, qui y fait rage, entre la « mair Franja » et la « Francineta », par exemple. Ah, la mère Franje ! Elle tricote, la mair Franja, « bruecha per Peire e per Pau, mas que brueche ! Lo bruchar li ’planta pas » (« elle tricote pour Pierre et pour Paul, mais qu'est-ce qu'elle tricote ! elle ne cesse de tricoter ») ; quand elle vit arriver la Jana pourtant, « l’i se gitet dessus […] e ne’n faguet sa malauda, sa p’ita memet, sa rason de viure » (« elle se jeta sur elle   […] et elle en fit sa malade, sa petite mémée, sa raison de vivre » . La Francinette, elle, c’est tout autre chose, « ‘na vielha domaisela, de familha coma se ditz », une demoiselle de famille, pleine de bonnes manières et de dévotions radiophoniques qui ne sont guère du goût de la « mair Franja »… Passent aussi, croqués sous la plume de Melhau, l’aumônier et ses petits bonbons du dimanche, la p’ita Cati, nabacuona (liliputienne), la Granda, une fille de trente ans sans toute sa tête… car à l’hospice, on le sait, « li a pas nonmas daus vielhs, l’i a maitot daus einnocents »…

Le second texte, écrit à quelques vingt années de distance, raconte la fin de la marraine, qui eut lieu pendant que la Jeanne déclinait à Saint-Yrieix : la maladie et la mort de la Milie, qui partageait avec la Jeanne la même maison, seule désormais, mais chez elle, jusqu’au bout, alitée et qui trouve la force, jusqu’à la fin, de remonter la grande pendule, portée à bout de bras, à bout de vie, par son filleul. Grande et belle image. « De quaranta jorns – ’quò pòt mas esser de quaranta jorns ! –, auviguei de la viá los sòcs de la Mili, que grolavan dins sa chambra, coma si l’i agues marchar » : « Pendant quarante jours – ce ne peut être que quarante jours – j’entendis de la route le bruit des sabots de la Milie dans sa chambre, comme si elle y eût marché ».

La troisième partie est le récit d’enfance, l'histoire du petit que l’on envoie par le bus, depuis Limoges où il habite, retrouver à Meuzac, pour quelques jours, la Jana et la Mili, chez elles, dans cette maison « ente òm ’chaba pas jamai de ’ribar », « où l’on n'en finit jamais d’arriver », de la Jeanne, qui avait le don de la parole et de la Milie, qui avait celui du geste… quelques pages enchantées qui donnent la clé de l’impérieuse nécessité qu’il y avait à écrire aussi, et d’abord, les deux premiers récits.

Malheureux, en vérité, déshérité, pauvre de tout, celui qui n’a pas, qui n’a pas eu, qui n’aura pas « sas vielhas ».

 

J.-P. C.

vielhas

illustration de 4e de couverture

 

[1] Jan dau Melhau, Mes vieilles. Mas vielhas, Meuzac, Lo chamin de Sent Jaume, 2006.

 

 

 

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Commentaires
J
Good... night, l'indigence des anonymes suffisants, quand tout le monde sait ou peut savoir aisément qui est Tavan. Encore un égaré qui n'est là que pour étaler sa rancoeur. Pourquoi ? Allez savoir...
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T
Avare ? expliquez-nous ! Pourtant Melhau s'emploie à la transmission de son héritage.<br /> <br /> Misogyne ? C'est simplement... ridicule. Imposteur ? Pour quels motifs ? Soit on étoffe sa critique, on argumente, soit on ferait mieux de se taire
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G
Tout cela vous fait un héritier affreusement avare et vaniteux.<br /> <br /> Il aurait pu ne pas être misogyne, il l'est. Parmi tant d'autres...<br /> <br /> Après, qu'il ait quelques talents...d'imposteur...
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