Limoges dernière minute : odieux complot de Calandreta dévoilé par les héros de l’école publique
Calandreta lemosina, 2004
Limoges dernière minute : odieux complot de Calandreta dévoilé par les héros de l’école publique
La Calandreta lemosina, école bilingue associative, laïque et gratuite, de Limoges, où l’on enseigne l’occitan par la méthode immersive dans le cadre d’une pédagogie « institutionnelle », connaît actuellement de graves problèmes de locaux.
En effet l’école, à la suite de dégâts des eaux, a dû quitter précipitamment ses anciens locaux (route de Toulouse) quelques jours avant la rentrée scolaire et a été relogée de manière temporaire (et moyennant loyer) par la mairie de Limoges dans des salles désaffectées de l’école publique du quartier de Landouge, à l’autre bout de la ville. Or, dans cette école, un groupe de parents de la FCPE s’est mobilisé pour chasser les intrus, à la fois pour des raisons pratiques (revendication de l’utilisation pour leur propre association, l’APE – Association des Parents d’Élèves de Landouge – des salles concédées à la Calandreta) et des raisons idéologiques : la dénonciation de l’invasion, selon eux concertée et programmée, du public par le privé.
Membre de l’association Calandreta moi-même, je n’avais pourtant guère envie de perdre mon temps à alimenter une polémique inutile, dès lors que le groupe en question n’était pas parvenu, malgré un activisme considérable, à mobiliser autour de lui. La FCPE départementale a refusé en effet de lui apporter son soutien, la mairie a maintenu jusqu’à présent sa position et la presse locale s’est bien gardée d’en reprendre le discours…
La fédération de la Libre Pensée est la seule organisation ayant manifesté son soutien, au moins au départ. J’aurais beaucoup à dire (mais je l’ai déjà fait sur ce blog) sur la tendance invétérée, mais heureusement non irrépressible, de certains libres penseurs (ou prétendus tels) à confondre la question des langues minorées avec la question confessionnelle, et à invoquer la loi de 1905, qui n’a évidemment strictement rien à voir avec l’enseignement des langues (la lettre de Danielle Dugelay sur le blog École publique 87, qui trahit d’ailleurs une ignorance fatale à propos de l’enseignement de l’occitan, en est un parfait exemple).
Mais je pensais qu’un haussement d’épaules suffisait, en l’occurrence, surtout après avoir parcouru le blog créé par « nos amis » de Landouge, École publique 87, où il me semblait que le groupe se décrédibilisait lui-même, tant les arguments étaient faibles, tant était visible la mauvaise foi qui ne reculait pas même devant les attaques personnelles.
Complaisance
La chose qui m’a fait quand même fait tiqué – et pas qu’à moi, dans notre petit mitan occitaniste limousin –, c’est l’oreille certes embarrassée mais néanmoins complaisante apportée par la FELCO (Fédération des Enseignants de Langue et Culture d’Oc) au groupe de Landouge dans l’un de ses communiqués, qui dénonçait, sans « trancher » le différend, « stigmatisation, dénigrement ou insultes d’où qu’ils viennent », semblant donc accréditer l’idée selon laquelle ce groupe de parents d’élèves en ferait en effet l’objet, cela en renvoyant dans la même page au blog École publique 87, dans lequel, tout au contraire, sont pratiqués contre l’école occitane, de la manière la plus flagrante, la stigmatisation, le dénigrement et, sinon l’insulte, du moins de graves insinuations et quelque chose qui ressemble fort à de la diffamation.
Par ailleurs, il est vrai, le communiqué de la FELCO rappelait à juste titre que le vrai problème était le refus du rectorat de l’Académie de Limoges de réunir le Conseil académique des langues et, de fait, de créer le moindre poste d’occitan (son enseignement étant ramené désormais dans cette académie au point zéro, de sorte qu’en effet la petite Calandreta, avec ses cinquante élèves représente la seule offre d’enseignement de l’occitan en primaire dans l’académie de Limoges).
Mais ce que j’ai nommé complaisance s’avérait difficilement séparable d’une position qu’un membre de la FELCO, Marie-Jeanne Verny, a exprimé à titre personnel à plusieurs reprises dans des lettres ouvertes et les commentaires sur ce blog suscités par mon papier où je décortiquais une motion du Parti de Gauche mettant en cause le développement de l’enseignement des langues régionales (par delà d’ailleurs toute distinction entre école publique et écoles associatives). Je résume ainsi cette position personnelle : le militantisme occitaniste devrait, dans notre région, se concentrer sur le développement de l’enseignement de l’occitan au sein du public, plutôt que de se focaliser sur Calandreta embrassée comme une « solution magique ». J’ai réagi vivement à cette position dans le même fil de commentaires, car elle me semble s’appuyer sur une analyse erronée de la situation : tous les acteurs associatifs impliqués dans l’occitanisme en Limousin, et Calandreta au premier chef, sont évidemment favorables au développement de l’enseignement public de l’occitan. En qualité de membre de l’association, je me souviens, il y a quelques années, être d’ailleurs allé plaider au rectorat, avec Pierre Barral, la cause de l’enseignement public de l’occitan en particulier au collège (il est donc entièrement faux et même insultant d’affirmer, comme le fait le Blog École Publique 87 que nous nous désintéressons de la filière), démarche qui hélas s’est soldée par un fin de non recevoir, ou plutôt une absence de tout suivi. On trouvera sur ce blog le pitoyable constat de Dominique Decomps en 2006, à l’occasion des Assises de la langue occitane, où de toute façon le rectorat joua la politique de la chaise vide. Hélas, le tableau serait aujourd’hui plus noir encore. Nous sommes tous d’accord sur le constat et sur la volonté de dénoncer le scandale de l’abandon, voire de l’anéantissement de l’enseignement de l’occitan dans l’académie de Limoges, puisqu’il s’agit bien de cela. Du coup, même si je suis intervenu mollement, j’ai envisagé le communiqué de la Felco et les réactions de Marie-Jeanne Verny en haussant les épaules et en me disant qu’il ne fallait pas alimenter de polémique stérile entre occitanistes et prendre comme une erreur d’appréciation due à la distance la référence aux persécutions dont souffrirait le groupe de Landouge.
Communautarisme
Ce qui me décide finalement à me prononcer sur ces deux questions c’est, je l’avoue, ma vanité d’internaute, ou – dit de manière plus auto-complaisante – ma conception du dialogue démocratique sur le web. En effet, dans une page du blog les animateurs d’École publique 87 ont cru bon de publier, dans une page intitulée Les Écoles du communautarisme, la copie d’un tableau figurant dans le livre E. Khaldi et M. Fitoussi, La République contre son école. Ce tableau, intitulé « les réseaux communautaires », assimile les écoles laïques à vocation linguistique et pédagogique aux écoles confessionnelles. Cet amalgame fallacieux est certes des plus courants ; on le retrouve par exemple dans un article de Caroline Fourest paru dans le Monde du 4 septembre 2010, évidemment repris sur le même blog. Je m’étais donc permis de poster un petit commentaire, le 4 décembre, que je donne ici, car on le jugea sans doute indésirable, puisqu’on choisit de ne pas le publier. Le voici (je me cite in extenso) : « Les mots ont leur importance. Les écoles associatives dans lesquelles sont pratiquées les langues de France ne sont pas des écoles communautaires, elles ne sont l’expression d’aucune communauté, le fait d’être bilingue ne fait pas de vous des membres d’une communauté particulière. Brandir l’insulte de communautarisme (puisque, en France, ce mot est bien insultant) n’a aucune espèce de sens pour ces écoles ouvertes à tous, laïques et gratuites. Il est malhonnête d’amalgamer comme communautaires des écoles confessionnelles et des écoles à vocation linguistique, qui n’ont rien à voir avec ces écoles confessionnelles (hé non, une langue n’est pas une religion!) sinon, dans certains cas, la structure associative. Mais il est évident qu’être dans une association ne fait pas de vous un « communautariste » ! Ou alors faut-il en revenir au temps où, au nom de l’indivisibilité républicaine, les associations de citoyens étaient proscrites ? ».
Le choix de ne pas publier ces quelques lignes anodines en dit long sur le sens du débat et sur l’ouverture d’esprit des animateurs du groupe en question. D’autant plus qu’ils dénoncent eux-mêmes la censure dont ils feraient l’objet sur le site du Populaire du Centre, il est vrai en dénonçant aussi le fait que l’on laissât en ligne des commentaires soi-disant « nauséabonds », dont l’un des miens qu’ils donnent en exemple avec quelques autres (voyez sur la même page et jugez de l’odeur).
Complot
Mais c’est justement que toutes leurs interventions trahissent un esprit de clôture et de défiance (c’est peut-être cela, en fait, le vrai « communautarisme » !) tout entier animé par la conviction qu’ils sont – et avec eux l’école publique en général dont ils prétendent être l’incarnation – victime d’un complot général et tentaculaire visant rien moins qu’à privatiser l’école de la République et dont Calandreta serait, à leurs yeux, la tête de pont. Je sais bien que la logique paranoïaque est ainsi faite, qu’il suffit de la dénoncer pour la nourrir, et que je serai donc immédiatement rangé parmi les comploteurs. Me croira qui veut, mais je n’ai aucune animosité particulière contre les parents de l’APE de Landouge, n’ayant d’ailleurs pas l’honneur de les connaître. Je m’en tiens uniquement à leurs publications, à la manière dont leur blog est monté et à la matière dont il est constitué et je constate que tout, en effet, converge vers l’idée obsessionnelle d’un complot ourdi par des puissances ténébreuses dont Calandreta serait l’émanation.
Il est d’abord affirmé, sans aucun début d’argument, que les dégâts des eaux auraient été complètement exagérés et exploités par l’école à dessein de s’imposer dans les locaux de l’école de Landouge. Tout était manigancé, orchestré de longue date par Calandreta, la mairie de Limoges, la région, l’ensemble des pouvoirs publics, qui se donnent comme objectif commun la casse de l’école publique et la privatisation de l’enseignement… Calandreta d’ailleurs est une officine d’activistes qui ont entrepris d’investir méthodiquement tous les lieux de pouvoir, de phagocyter tous les partis, toutes les instances régionales, afin d’empocher les subventions et d’avancer leurs pions. Les membres de l’association n’avouent-ils pas eux-mêmes qu’aux élections régionales (propos de Sandrine Gouraud, rapportés dans un article du blog, joliment intitulé Serions nous des jambons ou des lapins de 6 semaines ?),« 6 parents étaient candidats, sur des listes politiques différentes » ? Renseignement pris, ces candidatures se répartissaient sur quatre listes. Évidemment, elles étaient concertées. Y aurait-il meilleure preuve que tout marche dans cette affaire par « clientélisme et copinage » ? Voilà qui explique les « généreuses subventions » obtenues de la région ! Voilà pourquoi les élus, de Limousin terre de gauche, comme les autres, se montrent d’une complaisance coupable envers Calandreta !
Inquiétant Monsieur B
Quant à l’affaire des locaux, elle est limpide, car cette stratégie d’intrusion fait partie des « méthodes habituelles de ces écoles privées ». Elles ouvrent des classes sans autorisation, occupent des locaux publics illégalement sans payer de loyer. Ce sont des écoles voyous conduites par des hommes suspects. La page du blog dédiée à L’inquiétant Monsieur B, c’est-à-dire à Pierre Barral, ancien président de l’association limougeaude, qui en fait un dangereux manipulateur des parents d’élèves de l’association au motif qu’il est membre du Parti de la Nation Occitane, oscille entre le ridicule et la diffamation pure et simple.
Tous les associatifs, tous les administratifs et les élus ayant eu affaire à lui, témoigneront du sérieux, du dévouement et de la probité de Pierre Barral dans la présidence de l’association Calandreta depuis 1992. Quant à ses convictions politiques, elles ne regardent que lui, et il en est de même pour tous les autres membres de l’association, candidats ou non aux élections locales. Je suis pour ma part – cela est bien connu – en complet désaccord idéologique avec le PNO, mais je dois reconnaître qu’il s’agit d’un parti laïque, républicain et résolument antiraciste, qui respecte absolument les règles du jeu démocratique. Il est sûr, en outre, que nous avons en commun la défense de la langue et de la culture occitanes. Mais évidemment, en tant que membre du PNO, « l’inquiétant Monsieur B », pour nos amis de Landouge, a tous les attributs du comploteur, manipulant l’association dont il fut le président pour d’obscures finalités politiques.
Locaux
Et puis, il y a les coïncidences qui n’en sont pas, les signes par lesquels le complot se dévoile : « Incroyable… mais vrai ! L’école publique de Louannec en Bretagne vient de vivre une situation quasi identique à celle de Landouge. Là-bas, c’est une école Diwan qui avait besoin de locaux en urgence ! ». Autre coïncidence troublante, autre signe d’une action concertée : Près de Nice, à Drap, certes en 2008 (mais on n’est pas à trois ans près !), la Calandreta est accueillie dans les locaux du centre Protestant de l’Ouest (CPO)… N’en doutons pas, c’est là, comme dit le titre, « une attaque en règle des écoles privées ».
Voilà où conduit la logique paranoïaque : aux amalgames les plus stupides (le CPO qui apparemment a prêté des locaux à la Calandreta niçarda en 2008 est une structure privée et non publique) et aux attaques les plus infondées : Diwan est une structure similaire à Calandreta, mais sans aucun lien institutionnel avec celle-ci. Mais, en effet, deux salles de classe de l’école publique de Louannec ayant été louées pour cette année scolaire à Diwan, entraînant là aussi les réactions d’un groupe de parents FCPE, la coïncidence ne pouvait en être une !
La vérité est autrement prosaïque. La vérité est que de nombreuses écoles associatives, du fait de leur création récente, de l’accroissement de leurs effectifs et de leur fragilité budgétaire (Calandreta, comme Diwan reposant sur le principe de la gratuité), connaissent des problèmes récurrents de locaux. Qu’y a-t-il de choquant à ce qu’elles louent des locaux publics libres d’occupation ? Personne ne peut nier qu’il existe de tels locaux scolaires publics inoccupés. Pourquoi les communautés locales ne les mettraient-elles pas à la disposition temporaire d’écoles laïques et gratuites, qui plus est en percevant un loyer ? Où est le problème ? Ces écoles sont sous contrat avec l’État, je le rappelle, et remplissent le cahier des charges de l’éducation nationale. En outre, n’en déplaise à nos amis de Landouge, ces écoles ne sont pas des entreprises, mais bien des associations à but non lucratif, qui délivrent un service public en se consacrant à une éducation populaire, proposant des enseignements et des méthodes que ne le public n’offre pas. C’est pourquoi, beaucoup, comme Serge Guégo, le président des écoles Diwan cité dans la page du blog École publique 87 consacrée à la soi-disant « affaire » de l’école de Louannec, estiment que la terminologie « écoles privées », qui répond de fait à la nomenclature juridique et administrative, ne correspond pas à la réalité.
Gratuité
Cela, nos militants d’École publique 87 ne veulent certes pas l’entendre, surtout pas ! La gratuité même, y lit-on, est une manœuvre qui vise dans un avenir très proche à faire payer les parents qui auront pris goût à ces écoles… Dans l’un de leurs textes, ils semblent même affirmer que l’école est déjà payante. Faut-il rappeler ici que les écoles Calandreta existent depuis plus de trente ans, et qu’elles ont toujours été gratuites ? Faut-il redire qu’elles sont portées à bout de bras, souvent au milieu de mille difficultés, toutes telles qu’elles sont, par le bénévolat des parents d’élèves regroupés en association ?
Pédagogie alternative
La motivation de ces parents est de donner à leurs enfants une éducation au bilinguisme et au plurilinguisme à travers des méthodes alternatives inspirées de la pédagogie Freinet et de la pédagogie des « institutions » de Fernand Oury. A cette fin, ils s’engagent dans la vie de leur école, en deviennent en effet les co-gestionnaires et en fait les autogestionnaires… Quel rapport entre cet engagement et les menaces, que l’on ne saurait en effet nier (mais évitons, de grâce, de recourir à la théorie du complot), de privatisation marchande de l’enseignement ? Aucun, strictement aucun. C’est même du contraire qu’il s’agit ; d’une résistance de la société civile à la consommation passive, l’expression de la volonté de devenir acteur dans l’éducation de ses propres enfants, comme dans les autres secteurs de la vie sociale. Ne vous trompez donc pas d’adversaire !
Loi 1901
Par contre, il est grave, très grave, à mon sens, de vouloir remettre en cause, foncièrement, la loi de 1901, c’est-à-dire le droit des citoyens à s’organiser en association pour conduire les projets sociaux et culturels qui leur tiennent à cœur ; en l’occurrence faire vivre une école bilingue en partenariat avec l’Éducation Nationale, dont je rappelle une fois encore qu’elle est l’unique lieu en Limousin où sont dispensés en primaire des cours d’occitan.
Cependant, au-delà de ce fait brut, massif, qui est de constituer le seul ilot de transmission de l’occitan en primaire dans notre région, il y va non seulement de la liberté d’association, mais aussi de la légitimité des aides que les associations – et qui plus est celles qui remplissent de fait un service public reconnu – sont aujourd’hui en droit de demander aux collectivités locales.
Du reste, l’APE de Landouge est elle-même une association régie par le loi de 1901, à qui la municipalité de Limoges concède gratuitement des locaux avec chauffage et électricité pour y effectuer un service de garderie, qui est bien un service public et non un service marchand, bien qu’il soit de droit privé. Exactement comme la Calandreta. Ainsi, tout leur discours visant à dénoncer le statut privé de Calandreta met foncièrement en cause leur propre association.
Cela, je le dis, je le martèle, non seulement pour nos amis de Landouge, mais pour tous ceux qui estiment que l’argent public ne doit aller qu’aux administrations publiques, et que l’occitan ne doit être soutenu que dans l’école publique, remettant ainsi en cause le principe de la subvention et donc de l’existence même des associations de citoyens, quelle que soit leur vocation.
Je dis, calmement mais fermement, que cette conception de la vie publique est liberticide et que c’est bien à elle que se heurte la Calandreta de Limoges, et plus généralement tous ceux qui, hors du public, tentent de faire vivre une culture minorée, dans le seul type de structure ou cela leur est possible de le faire : la structure associative. Une fois de plus il ne s’agit en aucun cas d’opposer le public et l’associatif, ceux-ci sont, ou plutôt devraient être complémentaires ; ce sont nos adversaires qui établissent cette opposition en estimant que seules les institutions de l’État sont légitimes et accusent les associations de constituer une menace pour le service et en fait pour l’ordre public. Se rendent-ils compte du type de régime qu’ils appellent de leur vœux ? Se souviennent-ils du nom qu’il a pris dans l’histoire du XXe siècle ?
Bilingues
Et puis, le fait est, l’école publique, qui n’a que des vertus, l’école sacro-sainte et républicaine, laisse crever l’occitan en Limousin, patiemment, résolument. Nos « amis » de Landouge me font bien rire lorsqu’ils écrivent, sans doute pour produire l’illusion de l’ouverture et de la tolérance qui leur manquent tant, qu’en lieu et place d’une école privée, ils sont prêts à envisager des cours d’occitan dans leur propre école, cependant pas avant le CM1 ou le CM2 (ignorant donc tout de l’impératif de précocité pour le bilinguisme), et « dispensés par des intervenants sélectionnés et encadrés par le rectorat de Limoges »... Comme si les enseignants de la Calandreta, école sous contrat avec l’État, n’étaient pas « encadrés » par le rectorat ! Mais je veux bien les croire, et je suis sûr, en effet, qu’ils nous accompagneront lorsque nous irons, une fois de plus, tenter d’obtenir la réunion du Conseil des langues auquel nous avons droit, préalable à toute politique d’enseignement de l’occitan dans l’école publique de notre académie. Et évidemment ils seront aussi avec nous le 31 mars prochain, à la manif de Toulouse ! Car on ne saurait douter qu’ils soient des partisans acharnés de l’enseignement de l’occitan et du bilinguisme ! Il suffit pour cela de parcourir les pages de leur blog… La seule référence que j’ai pu y trouver est le lien avec une vidéo de Norman, d’ailleurs plutôt drôle (Les Bilingues), mais dont on peut difficilement dire qu’elle est une promotion du bilinguisme !
Laïcité
Je terminerai sur la question de la laïcité : le maître mot, le mot obsessionnel du groupe s’exprimant sur le blog École publique 87. Leur problème, en effet, est que l’école contre laquelle ils ont déclaré la guerre est justement… une école laïque ! Ils nient donc la vérité et l’authenticité de cette laïcité, sans aucun argument valide, dès lors que Calandreta, dans sa charte constitutive, se définit elle-même comme « une école gratuite et laïque qui assure un service public d’enseignement en Occitan ». Pour montrer publiquement la laïcité de leur école (force est tout de même de réagir à la contre-information de nos « amis »), les parents d’élèves de Calandreta ont voulu célébrer la loi de 1905 en plantant un arbre de la laïcité, comme le font d’ailleurs tant d’autres groupes et associations.
Nos « amis » ont immédiatement dénoncé la présence à cette cérémonie du diacre de Landouge (Jean Nicolas, très impliqué dans le monde associatif autour des gens du voyage), preuve évidente que Calandreta roule pour et avec le clergé (alors qu’il est évident que la laïcité est « bonne » pour tout le monde, y compris et à commencer, justement, pour les religieux eux-mêmes, n’en déplaise aux bouffeurs de curés primaires). La mairie devrait s’en émouvoir, prendre des dispositions ! Sauf que le diacre en question, pour ce que j'en sais, n’était pas présent à cette cérémonie, mais s’est rendu spontanément le lendemain à l’école, lors d’une matinée portes ouvertes. En outre, nos amis relèvent des propos de Hubert Leray, l’actuel président de l’association rapportés dans le Populaire du centre : « la laïcité, c’est savoir accepter les différences de l’autre que ce soit en termes de langue, religion, couleur de peau ou de culture ». Contre cette définition, nos amis de Landouge invoquent « une définition claire et précise de la laïcité, bien éloignée » de celle de M. Leray, une définition donnée lors d’une conférence organisée le même jour à Guéret par la Libre Pensée 23 et le Grand Orient de France. Hélas, cette définition, qui nous aurait éclairé sur les manquements intellectuels de H. Leray, ne figure nulle pas sur le site et nous ne saurons pas en quoi elle contredit celle du président de la Calandreta. Mais il ne suffit pas de répéter le mot de laïcité comme un mantra, il faut encore lui donner un sens et l’appliquer dans sa propre pratique. Évidemment, H. Leray sait bien que la laïcité est d’abord le principe de séparation de l’État et des religions, et c’est justement ce qu’il a exposé à l’occasion de la cérémonie (je me permets de donner ci-dessous la trame de son discours qu’il m’a communiqué, la phrase citée par le journal était destinée aux enfants), mais l’enjeu de la laïcité est bien en effet, entre autres choses, celui de la tolérance interconfessionnelle et l’esprit qui l’anime est celui de refus de toute discrimination entre les citoyens, pour quelque motif que ce soit. Les propos de H. Leray, tels que rapportés dans le journal, bien que très partiels, sont ainsi, à mon sens, tout à fait bienvenus face à l’ostracisme rencontré par l’école, au motif, en fait, qu’elle est une école différente, où l’on enseigne différemment un langue méprisée. Et, à ce propos, sachez bien, chers amis de Landouge, que nous n’avons, de votre part, aucune leçon à recevoir, ni de laïcité, ni de libre pensée, ni de sens de la chose et de l’école publique.
Jean-Pierre Cavaillé
l'école de Landouge
Trame du discours de Hubert Leray :
La laïcité, c’est quatre principes.
1) La séparation de l’État et de la religion. En France la loi de séparation d’avec l’Église catholique du 9 décembre 1905 dit que, collectivité publique et religion(s), chacun vit à sa place sans interférer dans les affaires de l’autre.
2) La neutralité de la puissance publique envers toute religion, école de pensée ou conviction particulière. Jules Ferry dit que l’obligation de l’instruction contraint l’État à offrir à tous les parents d’élèves une école publique qui ne brime pas la liberté de conscience d’un seul citoyen d’où l’affirmation de la laïcité de l’école publique dès sa création. Mais la neutralité de l’arbitre n’est pas la neutralisation de l’espace public qui serait une répression de l’expression. Le débat d’aujourd’hui à propos des musulmans — qu’on a déjà connu selon les époques à propos des manifestations athées, des processions catholiques, des conventions évangéliques ou des assemblées protestantes — relève de l’intolérance et non de la laïcité.
3) La liberté de conscience ne concerne pas seulement le for intérieur ou la sphère privée mais est aussi une forme essentielle de la liberté d’expression. Aristide Briand obtient que la loi de 1905 affirme : «La République assure la liberté de conscience ». Chacun peut pratiquer la religion ou bien avoir la pensée philosophique de son choix et en faire usage à sa convenance sans être inquiété, la limite de la liberté est fixée ici par la liberté de l’autre.
4) L’égalité des droits vaut quelle que soit l’appartenance ou la non appartenance religieuse et/ou de conviction. Jean Jaurès, notamment, insiste aussi sur ce point dans de nombreux écrits.