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Mescladis e còps de gula
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  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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22 mai 2011

Noms de maisons en occitan limousin

 

 

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Noms de maisons en occitan limousin

 

            Nous sommes, je crois, assez nombreux à nous plaindre que la langue limousine, c’est-à-dire le dialecte limousin de l’occitan – ce que la plupart des gens qui le parlent encore appellent « patois » – n’est pas assez visible, malgré les efforts de certaines communes pour installer une signalisation bilingue. Il est pourtant une présence écrite de la langue à laquelle nous ne sommes peut-être pas assez attentifs. Ce sont les noms que les gens donnent parfois à leur maison et font écrire sur leur façade, généralement en fer forgé. Cette pratique de nommer sa maison n’est pas très répandue en Limousin, par rapport à d’autres régions[1], peut-être parce que les Limousins sont gens discrets et peu démonstratifs. Mais on en trouve de-ci de-là et beaucoup, peut-être la plupart, sont donnés dans la langue du pays. Ainsi avons-nous commencé, avec quelques amis (Baptiste Chrétien, Jean-françois Vignaud, Jean-Christophe Dourdet), à les collecter. Nous en avons relevé une petite dizaine à ce jour, dans le département de la Haute-Vienne, mais il en existe sans doute beaucoup d’autres.

Certains sont des noms occitans francisés comme Les Bruges, à Sainte-Marie-de-Vaux (Senta Mari de Vaus en graphie classique), tiré de l’occitan Las Brujas (« les Bruyères »). Mais la plupart ne sont pas francisés, tout en usant d’une graphie calquée sur la graphie du français. En général ces graphies donnent une idée assez précise de la façon dont les mots sont prononcés, mais varient aussi beaucoup en fonction des oreilles du scripteur (la graphie "patoise", par définition, n’étant pas normée). Parmi ces noms ainsi graphiés, certains gardent l’allure de toponymes, comme Lou Crô de Mersau (Lo Cròs dau Marçau), « Le trou de Marcel », à Rochechouart (Rechoard), mais il est plus probable que Marcel désigne le prénom du propriétaire, qui a fait là son trou. C’est sans doute le cas de Lou Milou (Lo Milon), qui est le diminutif d’Emile (Émile) à Châlus (Chasll'i uç).

On trouve à L'Aiguille (La ’Gulha), commune de Bosmie (Bòsc Mian) une belle demeure ancienne où figure, sur une plaque de cuivre apposée à la porte, le très beau nom de Lou Reibeinei : Lo Reibeinet : Le Roitelet. Mais il pourrait aussi s’agir d’un pluriel : Los Reibeinets ; en limousin en effet, il arrive souvent que le singulier et le pluriel des noms se prononcent de la même façon, et cela nous fournit d’ailleurs un exemple de l’utilité de la graphie dite classique.

L’indication peut être un nom très simple, sur une demeure très modeste : Mo Mayjou (Ma Maison un bel exemple qui montre quelle peut être la pertinence d'une graphie phonétique calquée sur le français, quand la grphie normalisée est identique au français), à Népoux (Nespos) de Compreignac (Comprenhac), ou bien, transposé d’un classique des noms de maison en français, Ko Me Pla (’Quò me platz) « Ça me plaît », assez proche du très fameux « Sam Suffit », au village d’Angelard (Enjalard), sur la même commune. Ce « K » est étonnant, au demeurant aussi peu limousin que français : une attraction bretonne (le fameux Ker breton, qu’il faut écrire « kêr » : lieu de vie, maison, hameau, village) ? L’ironie d’une consonne évoquant quelque langue celtique ou germanique ? Le fait est qu’on la retrouve sur le nom ébouriffé de Kolibufo (littéralement : Il y souffle !) à Saint-Victurnien (Sent Vertunian), nom d’un village récent, mais apparemment dérivé d’une maison que son propriétaire avait baptisé ainsi. Cette fois, je n’aurai pas vraiment à donner la graphie classique, car on trouve à Saint-Germain-les-Belles (Sent German), une maison bien exposée aux quatre vents, qui s’appelle justement Quô Li Bufa. A part l’accent circonflexe, si l’on veut faire puriste, qui devrait être simplement un accent grave, et deux apostrophes manquantes, une avant le « q », signe de l’aphérèse du « a » de « aquò », et l’autre pour séparer l’article de l’adverbe de lieu ( « l’i » ; « ’Quò l’i bufa » donc, mais certains écrivent aussi "li", preuve que la graphie normalisée n'est pas encore entièrement normée ni satisfaisante), c’est en effet ainsi que s’écrit la désignation, dont Yves Lavalade atteste dans ses ouvrages toponymiques qu’elle est très répandue en Limousin (La Vie quotidienne des Limousins à travers les noms de lieux : 500 mots-clés pour la toponymie occitane, Le Puy-Fraud éditeur, 2011).

Pour la petite histoire, cette maison est habitée par Mme Jeammot, dont les parents étaient propriétaires de la fameuse auberge de la Crotte de Poule du Port du Naveix (Pòrt dau Navei) à Limoges (Limòtges, qui attend toujours ses panneaux bilingues !). Le fait que Mme Jeammot ait pour plus proche voisin le poète occitan Jan Glaudi Rolet (Jean-Claude Roulet) n’est pas étranger à cette (quasi) correction orthographique

            On ne se lancera pas ici dans une interprétation approfondie de ces baptêmes occitans, mais il paraît évident que le choix de nommer ainsi sa maison, au vu et au su de tous, veut dire que l’on est fier et non pas du tout, au demeurant, honteux de son « patois » (puisque c’est ainsi qu’on le nomme), que l’on cherche à exhiber une identité personnelle et familiale, ancrée en un lieu, qui passe par la langue, tout simplement. Puissent les élus, les bibliothécaires et les responsables culturels atteindre un jour cette simplicité et comprendre cette évidence.

Jean-Pierre Cavaillé

P1020640
Ko Me Pla ('Quò Me Platz)
crosdemar_au
Lou Crô de Mersau (Lo Cròs dau Marçau)
P1020641
Mo Mayjou (Ma Maison)
P1020639
Ko Me Pla ('Quò Me Platz)
villas_006
Kolibufo ('Quò l'i bufa)

 

[1] Anne Chaté en dénombre 960 sur la commune de Saint-Brévin-les-Pins en Loire Atlantique. Voir son article, « Les noms de maisons, fragment d’un discours sur soi ? », Ethnologie française, 33, 2003-3, p. 483-491.

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Commentaires
A
Combat d'arrière-garde ! la langue vit. Lisez les copies des élèves de nos écoles ! lisez les Sms de vos petits. Au diable les normes ! Ce sont les fils de pub qui font la langue moderne etc etc<br /> <br /> <br /> <br /> N'est-ce pas ce que certains expliquent aux enseignants ? D'ailleurs, les consignes de notation aux examens sont claires. Et les résultats fort encourageants ! Et c'est un domaine où nos gouvernements obtiennent d'excellents résultats.<br /> <br /> <br /> <br /> PS<br /> <br /> Merci pour votre blog et vos textes et vos documentaires. Bon courage. Les langues de nos régions n'intéressent bien peu de personnes. Et pour un universitaire ce n'est guère valorisant. Vous vous voyez demander des crédits pour vous déplacer si peu loin. <br /> <br /> Quant à l'avenir des différentes versions de l'occitan, il me semble ne plus être celui d'une langue vivante. Mes grands parents le parlaient, mon père le parlait (mais je me suis fait taper sur les doigts par un occitaniste pour avoir mis au tout début du oueb le texte d'une chanson limousine et sa traduction rédigés par mon père ...mais pas dans la graphie convenable qu'il ignorait comme moi). Je ne le parle pas. Et à la foire j'entends de moins en moins parler patois (un historien dirait qu'utiliser le terme "occitan" est un anachronisme). Grande différence entre l'occitan et le breton !<br /> <br /> A noter que ce même texte a été déposé par moi dans le Grenier du siècle à Nantes lors du changement de millénaire. J'espère que le 1er janvier 2100, lors de sa réouverture, il y aura une polémique nationale au sujet de la graphie de ce texte ! On peut rêver.
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