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Mescladis e còps de gula
Mescladis e còps de gula
  • blog dédié aux cultures et langues minorées en général et à l'occitan en particulier. On y adopte une approche à la fois militante et réflexive et, dans tous les cas, résolument critique. Langues d'usage : français, occitan et italien.
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23 août 2009

Brève incursion estivale en Val Maira

Elvatamburrinomerid

Maison d'Elva (photographie de Patrizio Tamburrini)

 

 

 

 

 

 

Brève incursion estivale en Val Maira

 

 

J’ai fait cet été une brève escapade dans la Val Maira, l’une des vallées occitanes d’Italie, une incursion si brève (à peine deux journées), qu’il serait bien prétentieux de ma part de prétendre écrire quoi que ce fût d’un tant soit peu approfondi sur ces lieux magnifiques, que j’avais découvert, comme bien d’autres (au moins en Italie), grâce au film Il vento fa il suo giro (L’aura fai son vir ; Le vent fait son tour, pour une courte critique, voir sur ce blog). De Dronero, j’ai remonté la vallée le long du torrent, pris la route minuscule et un peu effrayante avec ses tunnels creusés sous la roche brute et ses à-pics, qui monte en serpentant jusqu’à Elva, espace alpin de toute beauté, archipel de hameaux aux grandes maisons de pierre, couvertes de larges lauses et bardées de coursives et de claies de bois sur deux ou trois niveaux. Là encore, on se fera une idée en visionnant cet excellent film très largement tourné en occitan qui, après avoir connu une diffusion difficile mais un succès retentissant en Italie, n’est toujours pas projeté en France. On peut aussi, très facilement, acheter le cd sur place, dans la plupart des boutiques de la vallée.

Cette présence in situ du film de Giorgio Diritti, comme de bien d’autres marques de la vie et de la présence culturelle de la langue occitane dans les villages de la vallée, est en fait la raison qui m’a poussé à consacrer ce post à ces lieux que je connais si mal.

L’usage de la langue y est d’abord d’une vitalité étonnante et ce n’est pas sans un grand plaisir mêlé d’un pincement au cœur que l’on arrive en ces lieux après une petite journée de voiture du Limousin où le reniement est quasi général et où les lieux de paroles se raréfient tous les jours un peu plus, dans l’indifférence de la plupart et même, a-t-on souvent l’impression, avec la satisfaction d’une partie importante de la population, soulagée de s’être enfin décrottée de son patois et même de son accent. Aller dans les Valadas c’est d’abord retrouver une densité d’usage de l’occitan que je n’ai connue pour ma part, chez moi, dans le Tarn et le Tarn-et-Garonne, que dans mon enfance, à la fin des années soixante ; sans doute est-elle même supérieure aujourd’hui encore à ce qu’elle était en Midi-pyrénées dans ces décennies d’après-guerre. On entend en effet la langue partout, dans les conversations devant les maisons, sur les places mais aussi dans les boutiques, et son emploi n’est pas réservé aux seules générations vieillissantes. Sur la place d’Elva, si haut dans la montagne, une affiche attestait de la représentation récente d’une comédie en langue…

J’ai demandé à une épicière de la vallée, la trentaine environ, que j’entendais parler avec sa mère et ses clients, si les enfants aussi connaissaient l’occitan. Elle m’a répondu que ceux auxquels on le parlait en famille oui, les autres non. J’ai demandé s’ils l’apprenaient aussi à l’école. Elle me dit que non, et qu’elle était tout à fait contre car, selon elle, si les enfants, du moins certains d’entre eux, commençaient leur apprentissage scolaire en occitan, ils auraient ensuite de sérieuses difficultés à acquérir l’italien. Son ton péremptoire m’ôta l’envie de lui vanter les mérites du bilinguisme précoce…

Quoi qu’il en soit, c’est bien de langue occitane que l’on s’entretenait et non de patois ; j’ai d’ailleurs pu noter que les gens parlent moins de « dialetto », selon le terme attitré partout en Italie pour les langues vernaculaires, que d’occitan, ce qui atteste d’une conscience linguistique inconnue ou plutôt récusée dans nos régions, même si l’échange que je viens de rapporter montre bien qu’on ne se libère pas de la diglossie d’un tour de main. Mais le fait que le terme d’occitan, les expressions italiennes de lingua occitana ou de lingua d’oc, ait pu prendre dans une population encore aujourd’hui largement occitanophone est tout à fait notable, d’autant plus que, relevant dialectalement du provençal (en fait plutôt le vivaro-alpin, mais provençal reste le terme le plus employé), la région aurait pu glisser dans un provençalisme transalpin fermé, voire hostile au reste du monde occitan. L’exemple des Vallate devrait donc suffire (mais il en faut beaucoup plus) à nous libérer de ce préjugé français qui voudrait que les locuteurs ne parlent que de (et le) patois, l’occitan étant réservé aux militants de la langue, qui seraient censés ne pas le parler ou parler autre chose. Or, dans les vallées occitanes de Piémont, l’influence en profondeur du travail militant est manifeste et constitue un exemple qui me semble aussi réfuter l’idée que les militants doivent nécessairement échouer dans leur travail de revalorisation parce qu’il remettrait en cause ce qui permettrait de maintenir la langue : le fait diglossique et la séparation fonctionnelle des deux registres français/patois ou italien/dialetto (voir Wüest et Kristol). Ma brève discussion avec l’épicière de Val Maira montre que, certes, le militantisme occitaniste ne suffit pas à renverser le fait diglossique, mais peut effectivement participer à une valorisation de la langue seconde, à une affirmation de sa dignité linguistique, inconcevable sans ce long et difficile travail de conscientisation, forcément en butte aux idéologies nationales, qu’elles soient italiennes ou françaises ; ce qu’il faut expliquer – bien sûr – étant le fait irrécusable que la défense et l’illustration de la langue seconde, en Italie, ne soient pas immédiatement perçues comme un dangereux ferment sécessionniste.

Pour ce qui est de la Val Maira et des vallées occitanes italiennes en général, l’importance qu’a pu avoir pour la revalorisation du parler comme langue auprès de la population la plus large, et son identification comme occitan, la présence de François Fontan (qui habitait dans la Valle Varaita, Val Varacha en oc), de ses amis et disciples, est évidente, ce qui ne veut pas dire pour autant que les idées de Fontan sur la décolonisation et la promotion d’une nation occitane aient réellement influencé les idées et les pratiques politiques des habitants des Vallées. Je m’avance ici sans doute au-delà de ce que j’ai pu constater, mais une discussion avec Ines Cavalcanti et Dario Anghilante, qui habitent à l’orée de la vallée, à Roccabruna (La Ròcha), qui ont eu la gentillesse de m’accueillir, et qui font sans nul doute partie des personnes les plus impliquées et les plus actives dans la vie de la langue et de la culture des Valadas – outre d’avoir tourné dans l’Aura fai son vir –, m’a convaincu du travail énorme réalisé en relation parfois ténue, parfois étroite, avec les idées anthropologiques et politiques de Fontan, sans que celles-ci, pour autant, se soient réellement imposées dans la société (le but n’étant pas ici de discuter ces idées).

J’avais rencontré Ines Cavalcanti à l’Estivada de Rodez, où elle tenait un stand, et j’avais noté cette présence forte des Vallées dans toutes les manifestations occitanes importante. Cette année encore Cavalcanti et Anghilante, dans le cadre de l’association Chambra d’òc, ont contribué à l’organisation de la longue marche de traversées de toutes les Alpes occitanes italiennes d’Olivetta San Michele jusqu’à Exilles, c’est-à-dire quasiment de la mer jusqu’au dessus de Turin (voir le parcours qui peut vous donnez une belle idée de randonnée au long cour), pour demander l’inscription de la langue occitane au patrimoine mondial immatériel à risque d’extinction, comme ils l’avaient déjà fait en 2008 avec l’initiative Occitània a pè, qui avait conduit des marcheurs des vallées italiennes jusqu’au Val d’Aran en Catalogne (1300 km). Chambra d’òc (on se reportera au site) est une association très dynamique, à vocation transversale (elle concerne toutes les vallées), pour la promotion de la langue et de la culture, y compris culinaire. Il faut aussi mentionner l’association d’organismes publics Espaci Occitan, sise à Dronero, et son musée multimédia Sòn de lenga, que je n’ai pu visiter, dont l’esprit, à en juger le site, est aussi manifestement influencé par l’approche fontanienne des minorités linguistiques.

En outre, il est important de dire l’occitan bénéficie dans les Vallées d’un soutien institutionnel encore impensable chez nous. La loi n° 482 du 15 décembre 1999 reconnaît un ensemble de « minorités linguistiques » (notion, comme on le sait, bannie en France), au rang desquelles figure l’occitan (ce faisant la loi en question introduit d'ailleurs une très contestable séparation entre ce qui seraient de vrais langues et de simples "dialectes" non pris en compte, mais cela est une autre affaire). Cette loi prévoit que les communes qui en font la demande peuvent bénéficier de cette reconnaissance et la plupart des communes intéressées ont effectivement effectué la démarche, ce qui est sans doute très important d’un point de vue symbolique, mais n’apporte que fort peu de moyens publics pour développer les initiatives aussi bien dans le domaine de la culture que dans celui de l’éducation (sur laquelle la loi n'intervient d'ailleurs pas directement, voir infra le commentaire de Philippe Martel).

En tout cas, le fait est que non seulement la langue s’entend partout, mais elle se voit – si je puis dire – partout aussi et cette visibilité est indissociable de cette reconnaissance permise par le cadre légal. Le touriste qui arrive à Cuneo (c’est de cette ville que l’on rejoint la plupart des vallées concernées) et va prendre quelques informations à l’office de tourisme ne peut pas ne pas apprendre qu’il va se rendre dans des zones occitanophones, car tous les dépliants et tous les guides (du moins les plus récents), les affiches mêmes en parlent et le montrent abondamment (pour mesurer la différence, allez faire un tour au Syndicat d’initiative de Limoges, ou même de Toulouse d’ailleurs !). On y trouve d’ailleurs des plaquettes distribuées gratuitement consacrées essentiellement au sujet. On m’a par exemple donné un livret bilingue italien/occitan sur la Valle Varaita, intitulé Òc : Terra e Lenga, où l’on trouve un texte sur l’identité occitane de Dino Matteodo, maire de Frassino, où vivait Fontan, et lui-même fontanien (membre du Movimento Autonomista Occitano) et des informations sur la géographie et l’histoire de la langue, assorties de développements très précis sur les deux graphies utilisées dans les Valadas : celle de l’École du Po, d’inspiration mistralienne (selon la plaquette, mais voir infra le commentaire de Philippe Martel), et la graphie classique. On distribue aussi gratuitement en français et en italien un Guide des Vallées occitanes de la province de Cuneo, très utile et très riche (il rend presque superfétatoire l’achat d’un guide en librairie), où les digressions sur la langue et sur les auteurs qui l’ont utilisées ou l’utilisent encore sont très nombreuses (on peut d’ailleurs se le faire envoyer).

On y trouve entre autres une très belle poésie d’Antonio Bodrero (Barba Tòni Baudrier), qui me semble dire beaucoup de ce que l’on peut ressentir en arrivant dans l’un de ces hameaux de montagne. Je vais le rapporter en conclusion, dans les deux graphies et avec une traduction, en espérant donner envie au lecteur de faire le voyage, comme j’ai moi-même grande envie d’y retourner dès que possible.

(graphie école du Pò)

Quë dë quiar

Quë dë quiar, bëneit i ouei, couro n’ero un për meiro

e la nouech i vitoun triàven a fâ ’stele ;

dìen ëncâ i ëstele couro grinour i boouco :

« Bafarà, me pas trô; qui cre’ pa vene a veire : nous sen i quiar di meire nove, di vosti reire ».

 

(graphie classique)

Que de clars

Que de clars, beneits lhi uelhs, quora n’era un per meira

e la nuech lhi vitons trelhaven a far estelas ;

dien enca’ lhi estelas quora grinor lhi bòuca :

« Bafaratz, mas pas tròp ; qui cre pas vene a veire : nos sem lhi clars di meiras, nòvas, di vòstri reires ».


(traduction)

Combien de lumières

Combien de lumières, bénis les yeux, quand il y en avait une par chalet

et la nuit les montagnards jouaient à faire des étoiles ;

les étoiles disent encore quand tendresse les regarde :

« Riez fort, mais pas trop ; qui n’y croit pas vienne voir :

nous sommes les lumières des chalets, les nouvelles de vos ancêtres »

 

J.-P. Cavaillé

 

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Commentaires
M
Je suis allé récemment, une fois encore, regarder de l’autre côté des Alpes. Un saut de puce (depuis Toulon) qui me fait réagir, tardivement, à votre bel article de l’été (mais pas à la polémique qui suit : mon point de vue est celui de Philippe Martel, inutile de se répéter). <br /> De l’autre côté des Alpes donc, dans ces hauts de vallées qui, pour nombre d’occitanistes de France, sont une sorte de paradis perdu : la langue non seulement toujours parlée, mais transmise aux enfants ; les panneaux municipaux et les drapeaux proclamant l’occitanité de la localité ; l’intense activité d’un tissu associatif occitaniste multiforme (presse, publications, films, expositions, centres de documentation, promotion des activités économiques, etc) ; et souvent la grande qualité de la création littéraire (je recommande par exemple la lecture de « L’Emperi de l’ombra », de Claudio Salvagno) <br /> Le retour en France peut alors être désespérant. Votre regard sur le Limousin en témoigne, tant dans votre article que dans votre compte rendu d’activités de l’Institut d’Études Occitanes. Une langue qui s’éteint dans la bouche des derniers « locuteurs naturels », et chez les autres, ceux qui ne parlent que français, le désir général d’effacer les dernières traces d’occitanité, (accent, vocabulaire régional, etc). Avec en prime l’indifférence, voire le mépris des responsables municipaux et régionaux à l’égard des efforts de la poignée de militants de la culture d’Oc… Noir tableau qui n’est certainement pas aussi sombre dans d’autres régions occitanes, mais qui révèle une vérité de fond que les succès obtenus ici ou là ne sauraient masquer.<br /> On peut compenser cette désespérance par un retour sur nos vallées occitanes du Piémont, en faisant, comme disait le vieux Karl, « l’analyse concrète d’une situation concrète ». <br /> L’horizon premier des la plupart des Italiens est l’horizon communal et régional, et, du Piémont à la Sicile, la pratique du parler du lieu est partie intégrante de cette donne affective. C’est dire que jusqu’à aujourd’hui la plupart des Italiens étaient bilingues.<br /> Rien d’original donc dans le maintien des parlers d’Oc dans nos vallées. Sinon leur résistance tenace à l’envahissement du piémontais, parler de la plaine, parler des vacanciers de proximité qui submergent les vallées, parler des entreprises « d’en bas » où l’on va travailler au quotidien. C’est dire donc aussi que nos habitants des vallées sont pratiquement trilingues : l’occitan, le piémontais qu’il est impossible d’ignorer, l’italien. Sans oublier le français, langue de proximité, langue de l’émigration temporaire ou définitive (qui garde le contact avec le pays natal), et langue de la foi dans les Vallées Vaudoises protestantes.<br /> Avec cette agilité mentale liée à la situation linguistique des Vallées, on est loin du pauvre monolinguisme auquel on a réduit les enfants des ruraux occitanophones de France…<br /> Cela dit, il en va des parlers occitans des Vallées comme de tous les autres parlers (langues ou dialectes) d’Italie. Plus que menacés par la « modernité » que dénonçait Pasolini, submergés par l’invasion télévisuelle de l’italien standard, ces parlers commencent dans nombre de régions, et en particulier dans de grandes cités, à perdre la bataille de l’oralité chez les jeunes.<br /> C’est dans ces conditions qu’apparaît le recours récent à l’appellation « occitan ». Certes la similitude des parlers des Vallées avec ceux des versants français n’est pas une découverte. Des siècles de rapports de voisinage et d’émigration temporaire en témoignent. C’est l’appellation « occitan » qui est nouvelle, et qui tranche avec la conscience encore le plus souven patoisante du côté français. Elle est initialement le fait, vous le soulignez, de la petite (en nombre) génération « fontanienne », relayée aujourd’hui par une importante strate de responsables culturels et économiques. <br /> Se dire « occitan », c’est déjà se démarquer de la très réactionnaire et xénophobe Lega Nord de Bossi, de son pèlerinage païen annuel aux sources du Pô, et de sa Padania.<br /> Se dire « occitan », s’est s’enraciner chez soi, pour la survie autant culturelle qu’économique, mais aussi se projeter dans l’immense espace occitan. Sans illusions. Ces occitanistes savent bien quelle est la situation réelle de la langue du côté français. Mais ranger le parler local dans l’ensemble occitan lui donne un statut et une dignité de Langue. C’est ce statut de Langue et non de dialecte qui leur a permis une reconnaissance légale par l’état italien, reconnaissance que n’ont pas obtenue les parlers gallo-italiques, le piémontais au premier chef.<br /> Mais se dire « occitan » pose aussi le problème de l’idéologie et de la proclamation nationalitaires : « Langue » égale « Nation » ? Et quel rapport entre cette « Nation » proclamée et la réalité du sentiment populaire ? C’est à travers ces interrogations que l’on peut comprendre (je ne dis pas admettre) la fascination de nombre d’occitanistes des Vallées pour Israël (salvateur d’une langue perdue) dont ils sont les défenseurs inconditionnels. <br /> <br /> À propos de ces interrogations, changeons de frontière. Comme tant de touristes, et tant d’occitaniste pour lesquels la Catalogne (Sud) est une sorte de terre promise, je suis allé de l’autre côté des Pyrénées. Je ne parle pas ici du Val d’Aran où la Generalitat de Catalogne a donné à l’occitan (gascon) un statut d’officialité. Mais de Girona toute proche de la frontière française. Girona où enseigne le professeur August Rafanell qui a publié en 2006 un ouvrage remarquable et indispensable, « La il.lusió occitana ». « Illusion » à prendre aux deux sens, le sens français, et le sens catalan d’enthousiasme, d’ « estrambòrd ». Sur le long terme des 19ème et 20ème siècles, Rafanelle montre comment les catalanistes, souvent fascinés par la parenté linguistique du catalan et de l’occitan, ont fini par trancher dans le vif : dans les péripéties, souvent tragiques, de la politique espagnole, pas question de handicaper les chances du catalanisme par un fantasme de « grande Occitanie », d’Elche à Limoges. Au grand dam des félibres et des occitanistes, ils proclament en 1934 que le catalan n’est pas de l’occitan. L’évidente perte d’usage de la langue d’oc en France leur montre clairement qu’une langue ne peut survivre sans support populaire et sans support institutionnel. La société catalane, traversée de conflits de classes souvent sanglants, se donnera les institutions politiques lui permettant d’affirmer sa modernité, son identité, sa langue et sa culture, face à un état espagnol retardataire. Et Rafanell montre comment, sur ce même long terme, les occitanistes font « comme si » : proclamation d’une graphie lisible par les catalans, comme si les patoisants de France pouvaient s’y retrouver…, proclamation d’une Société d’Études Occitanes, puis d’un Institut d’Études Occitanes, comme si ces organismes pouvaient se comparer à l’officiel Institut d’Etudes Catalanes… Faisons comme les Catalans, sauf en ce qui concerne le moteur de la reconquête : la revendication du pouvoir politique, impensable au regard de la réalité des aspirations populaires en France. <br /> Il faut lire l’épilogue qu’a donné Robert Lafont aux deux tomes passionnants de Rafanell. Un fragile espoir perce sous le constat de la fin de l’usage populaire de la langue : avec la mort des derniers occitanophones naturels, incapables de faire lien entre leur patois à la graphie normalisée, c’est une génération de francophones naturels qui viendra à l’occitan, et à sa graphie normalisée, par l’apprentissage scolaire (facultatif !)….<br /> Espoir qui ferait sourire en Catalogne, où l’enseignement est donné d’office en catalan à tous les enfants, et qui ferait sourire dans nos Vallées, où, comme le souligne Philippe Martel, la question de l’enseignement de la langue ne se pose guère, puisque tout le monde la parle… Mais pour combien de temps ?<br /> <br /> René Merle
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T
Je ne suis pas membre du peuple élu, à savoir de "l'ethnie ouest pyrénéenne" chère à celui qui intervient ici immodérément sous le nom de "Gascon". Je suis tout simplement limousin. <br /> J'ai grandi dans un environnement culturel aujourd'hui disparu: dans mon village, l'occitan était la seule langue d'usage, à l'exception des enfants, à qui on s'efforçait de parler français. C'était dans un but louable: cela leur évitait de se trouver dans la situation de leurs ainés. En effet, mon père et les gens de son âge ont du passer quelques mois à l'école avant de comprendre ce qui s'y disait. Tout ça pour préciser où j'ai appris la langue. <br /> Bref, c'est tardivement (à l'université) que j'ai compris que mon patois était une langue, que j'appelle ici par son nom: l'occitan. J'ai eu par la suite l'occasion de constater que nous nous comprenions très bien entre nous, puisque, à Paris où je travaillais (d'ailleurs dans un Labo de l'EHESS), lorsque nous nous nous réunissions, il n'y avait pas de problèmes d'inter-compréhension entre les jeunes postiers du pays de "Gascon" [obligés de "monter" à Paris], les gens qui venaient de Provence, ceux des vallées, dont Philippe Martel [que je salue], les quelques limousins occasionnels comme moi, et d'autres encore. Ceci pour dire que les personnes de mon village à l'époque auraient bien été surpris d'apprendre qu'ils parlaient une langue à prétention snob, comme dit "Gascon". Maintenant, peut-être que les Gascons et Béarnais qui étaient avec nous dans les années soixante-dix auraient été considérés par "Gascon" comme de mauvais Gascons, sa police peut aller se nicher jusque là.<br /> Pour conclure, je pense que jamais "Gascon" n'a eu l'occasion de parler avec d'autres locuteurs de l'occitan que ceux qu'il se choisit lui-même. Peut-être même n'entretient-il d'ailleurs que des dialogues avec lui-même: il ne risque donc pas de perdre la pureté de sa langue. Je serais d'ailleurs bien aise de savoir où il l'a apprise.<br /> PS. Bonna annada a tots, tamben a "Gascon"
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J
Le débat sur la "pluralité des langues" est une spécialité ouest européenne... on a le cas avec les dialectes de la "langue romane du Nord de la Gaule" (comme on disait au XIXe s. - aujourd'hui il faut dire "français-langue d'oïl") où le mépris pour la variation interne du français pousse les picards et autres gallos à pousser en avant le terme "langue". (En fait, je pense qu'ils confondent avec "langage"). On a aussi le cas en Espagne, avec les valencianistes anti-catalanistes (là, c'est comme le provençal prétendu mistralien des inventeurs de théories sociolinguistiques, c'est plutôt le résultat d'un "diviser pour mieux régner" venu d'en haut). On a le cas de l'Italie (où on préfère compter une vingtaine de dialectes plutôt que de se reposer sur les 5 diasystèmes italo-romans) et de l'Allemagne (on n'a pas 3 diasystèmes bas, moyen et haut allemand mais du bavarois, du bas-saxon, de l'alémanique, du colognais, etc.)<br /> C'est aussi l'influence du SIL (auteur d'Ethnologue - mais ils savent se corriger si on sait les convaincre, voir l'occitan) et de certains linguistes anglosaxons qui considèrent toute variation dialectale comme langue (sauf, étrangement, les variations de l'anglais).
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G
On retrouve ce débat dans tous les nationalismes linguistiques qui ne se fondent pas sur des entités ethno-culturelles préexistantes. Il en va ainsi du catalan étendu au valencien (non sans raison philologiquement mais l'histoire du Royaume de Valence est bien différente de celle de la Catalogne, ce sont deux peuples différents, ce serait comme lier Andalousie et Cantabrie). Les défenseurs des langues d'oïl ont la décence de ramener le domaine d'oïl à sa juste délimitation.<br /> <br /> En tout cas, pour ce qui me concerne, l'inclusion du gascon dans les langues d'oc ne se justifie pas (c'est véritablement un autre univers linguistique d'une grande originalité du fait de sa situation de pont entre ibéro-roman et gallo-roman méridional). Quant à l'idée d'une Gascogne composante d'une nation occitane, c'est en plus d'être une blague ridicule un affront fait à un peuple qui n'a pas attendu les galéjades de poètes rhodaniens pour laisser une trace dans l'Histoire. Et si les Basques étaient impérialistes, nous serions leur pays gallo.<br /> <br /> Il faut bien alors comprendre que le destin de bergers romanophones dans les Alpes piémontaises, c'est un peu étranger.
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C
Bonjour, <br /> <br /> Comme toujours la discussion commence sur un sujet et dérive inévitablement sur le thème des ou de la langue d'oc... Puis-je simplement poser une question : retrouve-t-on ce débat de la pluralité et du singulier dans d’autres langues régionales ?<br /> <br /> Cordialement, <br /> <br /> C.F.
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